ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2012-442

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

Version PDF

Référence au processus : Demande de la partie 1 affichée le 17 avril 2012

Ottawa, le 14 août 2012

Stingray Digital Group Inc.
Montréal (Québec)

Demande 2012-0447-9

Plainte déposée par Stingray Digital Group Inc. contre la Société Radio-Canada alléguant une préférence et un désavantage indus en contravention des dispositions de l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias

Le Conseil conclut que la Société Radio-Canada n’a pas contrevenu à la disposition sur la préférence et le désavantage indus de l’Ordonnance d’exemption modifiée concernant les entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, énoncée à l’annexe de l’ordonnance de radiodiffusion 2009-660, lorsqu’elle a lancé son service de musique en ligne CBC Music.

Les parties

1. Stingray Digital Group Inc. (SDG) est un radiodiffuseur qui possède et exploite différents services dont l’entreprise nationale de programmation sonore payante Galaxie et un service de musique en ligne Stingray-music.com.

2.  La Société Radio-Canada (SRC) est le radiodiffuseur national public au Canada. Elle offre différents services de radiodiffusion dont un service de musique en ligne, CBC Music.

La plainte

3.  Le 13 février 2012, la SRC a lancé son nouveau service de musique sur internet, CBC Music, un service en ligne auquel les utilisateurs peuvent s’abonner gratuitement. Le service donne accès à 40 stations de radio web, à un choix de musique sur demande, à l’écoute en continu des services de radio en direct de la SRC ainsi qu’à d’autre contenu sonore comme des concerts en direct. Le portail offre également du contenu éditorial sur la musique et les artistes, des blogues et des forums où les abonnés peuvent échanger de l’information et des opinions sur la musique.

4.  Le 17 avril 2012, SDG a déposé une demande de la partie 1 alléguant une préférence et un désavantage indus par la SRC, en contravention à l’ordonnance de radiodiffusion 2009-660 (l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias)1.

5. Dans sa demande, SDG prétend que la SRC bénéficie de deux principales préférences : elle profite de fonds publics auxquels les entreprises privées n’ont pas accès et elle peut compter sur des tarifs préférentiels de droits d’auteur. SDG allègue que la SRC s’est servie des fonds publics pour lancer et exploiter son nouveau portail de musique et que CBC Music entre en concurrence directe avec elle et d’autres entreprises privées, le tout sans égard suffisant au mandat de la SRC et aux objectifs de programmation précis énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).

6. SDG fait valoir que CBC Music n’affiche que quelques bannières publicitaires et qu’à ce titre, le projet semble entièrement financé par les ressources internes de la SRC, lesquelles proviennent largement des fonds publics. De plus, SDG allègue que la SRC ne comptabilise pas ses dépenses liées aux nouveaux médias séparément de celles liées à ses projets de radio et de télévision.

7. SDG allègue également que la SRC paie des droits d’auteur moins élevés que le secteur privé pour l’utilisation de la musique à la radio et en ligne, ce qui, selon SDG, ne représente qu’une mince fraction (1,5 %) des tarifs déjà réduits dont elle profite pour ses services de radio. SDG fait valoir que ces tarifs sont réduits en raison du caractère non commercial et d’intérêt public du service de radio de la SRC, ce qui n’est pas le cas de son service de musique en ligne.

8. SDG déclare qu’elle ne connaît pas les modalités contractuelles selon lesquelles la SRC a obtenu des droits de diffusion de musique, mais le fait que le service de musique en ligne de la SRC soit gratuit indique que les tarifs négociés l’ont été sur une base préférentielle.

9. SDG fait valoir que les [traduction] « chaînes diffusées en continu par la SRC sont assez semblables à celles offertes en continu par SDG, ou encore à celles qui commencent à être offertes par d’autres entreprises privées, telles qu’Astral ou Archambault. » SDG affirme également que le service de la SRC nuira à son propre service de musique en ligne et pourra aussi nuire à son service sonore payant autorisé, notamment en lui faisant perdre des auditeurs. SDG allègue que ce désavantage est indu puisqu’il provient directement des avantages concurrentiels injustes dont la SRC profite.

La réponse de la SRC

10. Dans ses commentaires, la SRC fait valoir que tous ses services sont, dans une certains mesure, tributaire des fonds publics, mais que, dans le cas de CBC Music, cette dépendance diminuera au fur et à mesure que les revenus publicitaires augmenteront. La SRC note que les revenus provenant de l’affichage de publicité sur le site dépassent déjà les attentes.

11. La SRC allègue également qu’elle n’est pas la seule à offrir gratuitement de la musique en ligne et elle cite entre autres les services gratuits suivants offerts au Canada : Iceberg Radio, Slacker, Jango et Wolfgang’s Vault. La SRC fait valoir que son service se distingue par la promotion de contenu canadien et elle fait remarquer que CBC Music offre l’écoute en continu de Radio 3 (un service entièrement canadien) et d’un certain nombre de services de radio web entièrement canadiens dont plusieurs sont axés sur les compositeurs et auteurs-compositeurs canadiens et sur le jazz canadien. Elle ajoute qu’elle présente aussi 500 concerts, dont 90 % sont canadiens, 30 000 pages artistes créées par les musiciens eux-mêmes, et dont la majorité sont Canadiens; elle met aussi un fort accent sur les points de vue canadiens grâce à ses blogues, à ses interviews et à son contenu éditorial.

12. La SRC fait aussi valoir que, contrairement aux déclarations de la SDG, la Loi lui impose des limites aux sommes qu’elle peut emprunter et que son statut à titre de société de la Couronne nuit nécessairement à sa capacité d’attirer des investisseurs externes pour participer à ses activités.

13. La SRC note également que la demande de SDG suggère que la SRC ne peut mettre de l’avant aucun projet susceptible de faire quelque concurrence que ce soit aux participants du secteur privé de l’industrie de la radiodiffusion, à moins que ce projet ne soit d’aucune façon tributaire de fonds publics. La SRC allègue que cela signifie, par exemple, qu’elle ne devrait pas offrir ses services Radio One, Radio Two ou ses services de télévision en direct aux Canadiens. La SRC fait valoir qu’il est évident qu’aucune de ces activités n’est inappropriée et qu’elle fait concurrence aux participants du secteur privé, tant au plan national qu’international, depuis sa création en 1936.

14. En ce qui concerne les droits d’auteur, la SRC déclare qu’elle paie la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et autres associations de droits d’auteur conformément aux différents tarifs approuvés et certifiés par la Commission du droit d’auteur comme étant des tarifs « justes et équitables ». Elle ajoute que la Commission du droit d’auteur n’a jamais invoqué le mandat particulier de la SRC pour approuver des droits d’auteur préférentiels. La SRC fait aussi valoir que la Commission du droit d’auteur établit une grille de tarifs à son intention et que le fait d’établir cette tarification distincte n’a rien de préférentiel.

15.  De plus, la SRC allègue que ses ententes privées sur les droits de licence ont été négociées selon des modalités concurrentielles au plan commercial et que SDG n’a aucune raison de prétendre qu’elles ont été conclues sur une base préférentielle.

16. Enfin, la SRC fait valoir que, dans l’éventualité où le Conseil conclut à une préférence, celle-ci ne devrait pas être considérée comme indue. La SRC prétend que SDG ne souffrira d’aucun préjudice important puisque ce radiodiffuseur est en concurrence avec un grand nombre de services gratuits de musique en ligne qui dépendent de sources de financement auxquelles il n’a pas nécessairement accès. La SRC allègue que rien ne prouve que les abonnés de SDG mettront fin à leur abonnement parce qu’ils écoutent CBC Music; ce service, qui améliore le choix offert aux Canadiens, n’a non seulement pas d’effet anticoncurrentiel, mais représente un atout pour le marché.

Interventions

17.  Le Conseil a reçu plusieurs interventions, surtout de membres du public et d’artistes, dont la majorité s’oppose à la demande ou la commente. Le dossier public de la présente instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

18. Alors que très peu d’interventions traitent des motifs de fond liés à la préférence et au désavantage indus allégués par les parties, un grand nombre d’entre elles signalent le caractère unique du service de la SRC, y compris l’accent particulier mis sur la promotion des artistes et artistes émergents canadiens.

19. La SOCAN a déposé une intervention qui traite de l’allégation selon laquelle la SRC bénéficierait de tarifs préférentiels de droits d’auteur. La SOCAN indique que la Commission du droit d’auteur établit les tarifs qui s’appliquent à la SRC à la suite d’audiences publiques et d’un examen approfondi de différents facteurs dont les tarifs payés par le secteur privé et les parts respectives de marché. La SOCAN fait valoir que, compte tenu de ces circonstances, l’allégation selon laquelle la SRC profiterait de tarifs préférentiels de droits d’auteur est incorrecte.

La réplique de SDG

20. Dans sa réplique, SDG insiste sur le fait qu’il ne se plaint pas que la SRC diffuse son propre contenu en ligne ou qu’elle établisse des liens en ligne avec des réseaux communautaires ou sociaux. Il se préoccupe plutôt du fait que la SRC offre de la musique en ligne et sur demande, ce contenu comportant, selon SDG, un grand nombre de pièces musicales non canadiennes.

21. SDG allègue que la SRC a omis de fournir des données financières prouvant qu’elle ne dépendrait plus un jour des fonds publics. SDG précise aussi que les droits d’auteur qu’elle verse à la SOCAN représentent 6,75 % de tous les revenus additionnels provenant de ses activités en ligne, ce qui prouve que la SRC jouit d’un avantage évident. Finalement, SDG affirme que, parce que la SRC n’a fourni que très peu d’information sur le fait que les préférences dont elle profite seraient justifiées en vertu de la Loi, elle a omis d’établir que les préférences et les désavantages n’étaient pas indus.

Analyse et décisions du Conseil

22. Le Conseil estime que la question sur laquelle il doit se pencher est la suivante : la SRC s’accorde-t-elle une préférence indue ou assujettit-elle SDG à un désavantage indu, contrairement à ce qui est prévu par l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias?

23. Lorsqu’il examine une plainte alléguant une préférence et un désavantage indus, le Conseil détermine d’abord si une entreprise a accordé une préférence à une personne ou a assujetti une personne à un désavantage. Dans le cas où il conclut à une préférence et à un désavantage, le Conseil décide alors si, dans les circonstances, la préférence et le désavantage sont indus.

24. Lors de l’examen de ces questions, le Conseil tient compte de l’importance de l’incidence négative qu’aurait ou pourrait avoir une préférence ou un désavantage sur le demandeur ou sur toute autre personne et il examine l’incidence d’une telle préférence ou d’un tel désavantage sur la réalisation des objectifs de la politique de radiodiffusion énoncée dans la Loi.

25. En vertu de l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias, une fois que le demandeur a démontré l’existence d’une préférence ou d’un désavantage, le fardeau de prouver que cette préférence ou ce désavantage n’est pas indu incombe à l’entreprise qui a accordé la préférence à une personne ou qui a assujetti une personne au désavantage.

Préférence ou désavantage

26. Le Conseil note que les allégations de préférence de SDG reposent sur deux éléments :

27. En ce qui concerne les fonds publics, le Conseil note que le financement gouvernemental de la SRC est établi par le Parlement et que la SRC n’exerce aucun contrôle sur cette question. Le Conseil note également que, depuis sa création, la SRC jouit de fonds publics pour exploiter ses entreprises de radiodiffusion dans le même marché que les entreprises de radiodiffusion privées avec qui elle est d’ailleurs souvent en concurrence.

28. Pour ce qui est des tarifs de droits d’auteur, le Conseil note que, comme l’indique la SOCAN, ceux-ci sont établis par la Commission du droit d’auteur à la suite d’audiences publiques.

29. SDG s’est aussi dit préoccupé par les modalités d’obtention par la SRC de droits de licence contractuels pour la diffusion de musique. Cependant, le Conseil note que SDG n’a apporté aucune preuve tangible que ces modalités auraient été négociées sur une base préférentielle.

30. La disposition sur la préférence établie dans l’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias se lit comme suit :

L’entreprise ne doit pas accorder de préférence indue à quiconque, y compris elle-même, ni causer à quiconque un désavantage indu.

31. Le Conseil note que, pour contrevenir à cette disposition, une entreprise doit poser certains actes dans le but de s’accorder une préférence ou de causer à quiconque un désavantage. Cet acte peut comprendre la négociation ou la conclusion d’une entente sur des modalités préférentielles au cours d’une négociation commerciale2. Dans le présent cas, le Conseil estime que la SRC n’a posé aucun acte dans le but de s’accorder une préférence. Tel que noté ci-dessus, son financement public est fixé par le Parlement et les tarifs de droits d’auteur qu’elle paie le sont par la Commission du droit d’auteur.

32. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que SDG n’a pas démontré que la SRC a accordé une préférence à quiconque, y compris elle-même, ou a causé à quiconque un désavantage.

33. À la lumière de cette décision à l’égard d’une préférence ou d’un désavantage, il n’est pas nécessaire que le Conseil se penche sur la question de savoir s’il s’agit d’une préférence ou d’un désavantage indu.

Secrétaire général

Documents connexes

Notes de bas de page

[1] L’Ordonnance d’exemption des nouveaux médias a été modifiée à nouveau le 26 juillet 2012 par l’ordonnance de radiodiffusion 2012-409. Elle est maintenant appelée Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de médias numériques.

[2] Voir décision de radiodiffusion 2011-765.

Date de modification :