Décision de télécom CRTC 2012-209

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Ottawa, le 5 avril 2012

Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2011-355 à l’égard de la règle concernant la co-implantation

Numéro de dossier : 8662-B54-201109901

Dans la présente décision, le Conseil rétablit la règle concernant la co-implantation et retire la restriction relative à la commutation et au routage sur les tarifs des liaisons entre concurrents co-implantés.

De plus, le Conseil détermine que, pour que la capacité de la bande passante s’applique aux lignes louées auprès d’ESLT en vue de démontrer l’adhérence d’un concurrent co-implanté à la règle concernant la co-implantation, celui-ci devra utiliser : i) l’utilisation moyenne en période de pointe de ses lignes permettant l’accès à Internet à haute vitesse, pour l’ensemble des centraux de cette ESLT; ii) une capacité de 64 kb/s pour les lignes servant exclusivement à la prestation de services téléphoniques.

Introduction

1.         Le Conseil a reçu une demande présentée par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada (collectivement les compagnies Bell), datée du 24 juin 2011, dans laquelle les compagnies demandaient au Conseil i) de réviser et de modifier la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2011-355 en rétablissant la règle concernant la co-implantation1; ii) de surseoir à la mise en œuvre de la décision de télécom 2011-355 pendant l’examen de la demande des compagnies Bell.

2.         La décision de télécom 2011-355 est le résultat d’une demande présentée par Globility Communications Corporation (Globility) dans laquelle la compagnie réclamait l’autorisation d’acheminer la totalité de son trafic du central d’une entreprise de services locaux titulaire (ESLT) vers le point de présence de la compagnie situé à l’extérieur d’un central à l’aide de services de transport loués auprès d’autres concurrents interconnectés.

3.         Le Conseil a reçu des observations concernant la demande des compagnies Bell de la part du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), de Globility, de MTS Allstream Inc. (MTS Allstream)2 et de la Société TELUS Communications (STC). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 2 décembre 2011. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

4.         Dans ses observations, la STC a réclamé que le Conseil révise et modifie la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2011-355 en retirant l’exigence selon laquelle l’ensemble du trafic acheminé au moyen de liaisons interconnectées doit être acheminé directement vers le point de présence du concurrent situé à l’extérieur du central de l’ESLT (ci-après appelée « la restriction relative à la commutation et au routage »).

5.         Le Conseil estime que le Conseil devra se pencher sur les questions suivantes dans le cadre de la présente décision :

I.       Les conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2011-355 en vue de i) supprimer la règle concernant la co-implantation et ii) imposer une restriction relative à la commutation et au routage devraient-elles être annulées?

II.    Dans le cas où la règle concernant la co-implantation est rétablie, de quelle façon devrait-elle s’appliquer aux concurrents?

III. Le Conseil devrait-il surseoir à la mise en œuvre de la décision de télécom 2011-355?

I.        Les conclusions que le Conseil a tirées dans la décision de télécom 2011-355 en vue de i) supprimer la règle concernant la co-implantation et ii) imposer une restriction relative à la commutation et au routage devraient-elles être annulées?

6.         Les compagnies Bell ont fait valoir que le Conseil avait établi la règle concernant la co-implantation dans la décision de télécom 97-15 afin de s’assurer que les concurrents utilisent les services de co-implantation principalement pour s’interconnecter avec les installations des ESLT. Elles ont indiqué que depuis, les services de co-implantation ont toujours été réglementés et ils ont été mis à la disposition des concurrents dans ce même but premier. Cependant, les compagnies Bell ont soutenu que la conclusion que le Conseil a tirée dans la décision de télécom 2011-355 en vue de supprimer la règle concernant la co-implantation a retiré une mesure de protection qui empêchait les concurrents d’exiger des services de co-implantation principalement ou exclusivement pour s’interconnecter et échanger du trafic avec d’autres concurrents interconnectés.

7.         Les compagnies Bell ont fait valoir que la conclusion du Conseil en vue de supprimer la règle de co-implantation découlait d’une interprétation erronée de cette règle. Plus précisément, elles ont indiqué que le Conseil avait déduit que la règle limitait à moins de 50 % le trafic qu’un concurrent co-implanté pouvait acheminer du central d’une ESLT vers son point de présence situé à l’extérieur d’un central par l’intermédiaire de liaisons vers d’autres concurrents interconnectés. Les compagnies Bell ont soutenu que, lorsqu’elle est interprétée correctement, la règle de co-implantation requiert que la capacité de l’ensemble des services loués auprès d’une ESLT par un concurrent co-implanté se terminant au central de cette ESLT doit être supérieure à la capacité de l’ensemble des liaisons de ce concurrent vers d’autres concurrents co-implantés dans ce central. Les compagnies Bell ont fait remarquer que les services loués auprès d’une ESLT par un concurrent co-implanté comprennent : i) les services qui relient le concurrent à ses clients finals (services d’accès); ii) les services qui relient le concurrent à son point de présence à l’extérieur du central de l’ESLT (services de transport). La STC a appuyé la demande des compagnies Bell.

8.         Le CORC, Globility et MTS Allstream ont précisé que la demande des compagnies Bell devrait être rejetée. Ils ont indiqué que la règle de co-implantation n’était pas nécessaire, puisqu’il est peu ou pas rentable pour les concurrents de se co-implanter dans le central d’une ESLT uniquement pour s’interconnecter et échanger du trafic avec d’autres concurrents interconnectés.

9.         Globility a également précisé qu’en supprimant la règle concernant la co-implantation dans la décision de télécom 2011-355, le Conseil a abordé les préoccupations qu’elle avait soulevées lors de l’instance qui a mené à cette décision, selon lesquelles les ESLT appliquaient la règle de co-implantation de façon restrictive, empêchant le concurrent d’utiliser les services de transport loués auprès d’autres concurrents co-implantés pour acheminer la totalité de son trafic vers son point de présence à l’extérieur du central de l’ESLT.

10.     La STC a fait valoir que le Conseil avait commis une erreur en imposant la restriction relative à la commutation et au routage dans la décision de télécom 2011-355. La STC a fait remarquer que le Conseil avait initialement imposé la restriction relative à la commutation et au routage dans la décision de télécom 97-15, mais qu’il l’avait ensuite retiré dans l’ordonnance 2001-780. La STC a déclaré qu’en retirant cette restriction, le Conseil a permis aux concurrents co-implantés d’utiliser l’ensemble des fonctions de leur équipement co-implanté. La STC a soutenu que la conclusion que le Conseil a tirée dans la décision de télécom 2011-355 en vue d’imposer de nouveau la restriction obligerait les concurrents co-implantés à : i) soit reconfigurer leurs réseaux et cesser d’utiliser la fonction de commutation et de routage de leur équipement co-implanté; ii) soit être complètement dépendant des services de transport des ESLT et cesser d’utiliser des liaisons d’interconnexion vers d’autres concurrents co-implantés. La STC a indiqué qu’aucune de ces options n’était favorable au développement de la concurrence. La STC a également fait valoir que dans la décision de télécom 2011-355, le Conseil n’avait pas fait état de la conclusion qu’il avait tirée précédemment dans l’ordonnance 2001-780 ou n’avait pas réévalué les raisons de celle-ci.

11.     Le CORC et Globility ont appuyé la demande de la STC en vue de retirer la restriction relative à la commutation et au routage.

Résultats de l’analyse du Conseil

12.     Dans la décision de télécom 2011-355, le Conseil a déterminé que les concurrents, comme Globility, devraient être autorisés à acheminer la totalité de leur trafic par l’entremise d’un autre fournisseur. Cette conclusion se fondait sur la présomption que les concurrents risquaient de se trouver désavantagés pour les raisons suivantes : i) les ESLT auraient pu augmenter le tarif de leurs services de réseau numérique propres aux concurrents, puisque les services faisaient à présent l’objet d’une abstention; ii) la règle existante exigeait qu’ils obtiennent plus de 50 % de leurs services de transport de l’ESLT.

13.     Le Conseil est d’accord avec les compagnies Bell sur le fait que les observations qu’elles ont déposées dans le cadre de l’instance qui a mené à la décision de télécom 2011-355 avaient été énoncées de façon inexacte au paragraphe 5 de cette décision. Après examen de la définition de la règle concernant la co-implantation, le Conseil estime que la règle permet aux concurrents d’acheminer l’ensemble de leur trafic du central de l’ESLT vers leur point de présence à l’aide de services de transport loués auprès d’autres concurrents co-implantés, à condition qu’ils louent suffisamment de services d’accès auprès de l’ESLT.

14.     Compte tenu de cette interprétation révisée de la règle concernant la co-implantation, le Conseil estime que la suppression de la règle n’était pas nécessaire pour aborder les préoccupations de Globility. Le Conseil estime également que la règle concernant la co-implantation a sa raison d’être : assurer que le but premier de la co-implantation est l’interconnexion aux services d’accès et de transport d’une ESLT.

15.     À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il existe un doute réel quant à la validité de la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2011-355 d’approuver la demande présentée par Globility sans égard à la règle concernant la co-implantation.

16.     Par conséquent, le Conseil modifie par la présente la décision de télécom 2011-355 afin de rétablir la règle concernant la co-implantation. La mesure dans laquelle un concurrent co-implanté est autorisé à accéder aux services de transport offerts par d’autres concurrents co-implantés, à l’aide de liaisons, doit donc être déterminée en fonction de la règle concernant la co-implantation.

17.     Le Conseil note de l’argument présenté par la STC selon lequel la restriction relative à la commutation et au routage obligerait les concurrents à reconfigurer leurs réseaux ou à être complètement dépendant des services de transport des ESLT. Le Conseil convient avec la STC qu’aucune de ces options n’est favorable à la concurrence.

18.     Le Conseil conclut donc qu’il existe un doute réel quant à la validité de la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2011-355 d’imposer la restriction relative à la commutation et au routage. Par conséquent, le Conseil modifie, par la présente, la conclusion qu’il a tirée au paragraphe 23 de la décision de télécom 2011-355 afin de retirer la restriction relative à la commutation et au routage. Le Conseil estime que la conclusion ci-dessus en vue de rétablir la règle de co-implantation sert de mesure de protection afin d’empêcher que les concurrents utilisent les services de co-implantation principalement pour échanger du trafic avec d’autres concurrents, éliminant ainsi la nécessité de restrictions additionnelles relatives à la commutation et au routage.

19.     En conséquence du rétablissement de la règle concernant la co-implantation, le Conseil estime qu’il est nécessaire d’examiner la façon dont celle-ci s’appliquera aux concurrents.

II.     De quelle façon la règle concernant la co-implantation devrait-elle s’appliquer aux concurrents?

20.     Dans l’instance qui a mené à la décision de télécom 2011-355, Globility a fait valoir qu’il lui était interdit d’utiliser des services de transports loués auprès d’autres concurrents co-implantés pour acheminer son trafic du central de l’ESLT vers son point de présence parce que les ESLT appliquaient incorrectement la règle concernant la co-implantation. Globility a fait valoir que les ESLT avaient choisi d’appliquer la règle concernant la co-implantation de façon restrictive en ne tenant pas compte de la capacité accrue de la ligne3 lorsqu’elle est utilisée pour la prestation de services d’accès Internet à haute vitesse. Plus précisément, Globility, appuyée par MTS Allstream, a fait valoir que les ESLT sous-évaluaient la capacité d’interconnexion des concurrents co-implantés aux ESLT en utilisant une capacité de 1 DS-0 (ou 64 kb/s)4 par ligne, bien que les concurrents utilisent de plus en plus les lignes pour fournir des services d’accès Internet à haute vitesse.

21.     Dans le cadre de la présente instance, le personnel du Conseil a fait parvenir à tous les intéressés une demande de renseignements en vue de solliciter leur avis quant à la capacité de ligne appropriée qui devrait être utilisée lors de l’application de la règle concernant la co-implantation.

22.     Le CORC, Globility et MTS Allstream ont proposé qu’un concurrent co-implanté qui désire fournir des services de transport à d’autres concurrents co-implantés soit tenu de démontrer qu’il loue au moins 100 lignes ou services d’accès équivalents au ESLT.

23.     Les compagnies Bell ont proposé une capacité de ligne de 128 kb/s, en fonction de l’utilisation moyenne en période de pointe de leurs clients finals sur les lignes locales de détail permettant l’accès Internet à haute vitesse. Les compagnies Bell ont également fait remarquer qu’un certain pourcentage de leurs lignes sert toujours uniquement à la fourniture de services téléphoniques et que, par conséquent, il convenait d’utiliser une capacité de 64 kb/s pour ces lignes.

24.     Même si Globility n’était pas en faveur du rétablissement de la règle concernant la co-implantation, elle a fourni l’utilisation moyenne en période de pointe5 des lignes permettant l’accès Internet à haute vitesse qu’elle loue.

25.     La STC a proposé que le Conseil établisse la capacité de ligne en fonction de la capacité réelle des lignes plutôt que d’estimations théoriques. Plus précisément, la compagnie a proposé d’établir la capacité de ligne entre 64 kb/s et 768 kb/s, en fonction de la longueur moyenne des lignes dans son territoire.

Résultats de l’analyse du Conseil

26.     Lorsque le Conseil a établi la règle concernant la co-implantation, en 1997, les lignes dégroupées servaient exclusivement aux communications vocales, à une capacité de 64 kb/s. Le Conseil estime que la capacité de 64 kb/s continue d’être appropriée pour une ligne utilisée exclusivement pour les communications vocales. Cependant, l’avènement des nouvelles technologies a permis d’utiliser ces lignes pour fournir une combinaison de services vocaux et de transmission de données, dont les capacités diffèrent. Par conséquent, en vue de l’application de la règle concernant la co-implantation, le Conseil estime qu’il convient de déterminer la capacité de lignes d’accès à haute vitesse en fonction de l’utilisation réelle des lignes.

27.     Le Conseil estime que la proposition du CORC, de Globility et de MTS Allstream selon laquelle les concurrents co-implantés doivent louer au moins 100 lignes ou services d’accès équivalents au ESLT ne servirait qu’à démontrer que le concurrent n’est pas co-implanté dans le seul but d’interconnecter avec d’autres entreprises. Le Conseil conclut que cette proposition ne servirait pas à démontrer que le but premier de la co-implantation est atteint.

28.     Le Conseil estime également que la capacité en fonction de la longueur moyenne des lignes proposée par la STC n’est pas appropriée, puisqu’il est peu probable que cette capacité soit toujours disponible sur le réseau de transport pour les clients finals.

29.     Le Conseil estime que l’utilisation moyenne en période de pointe serait une mesure plus appropriée pour évaluer la capacité des lignes permettant l’accès Internet à haute vitesse, puisqu’elle permet de saisir la capacité mise à la disposition des utilisateurs finals de services d’accès Internet à haute vitesse. Le Conseil fait remarquer que les chiffres présentés par les compagnies Bell et par Globility représentant l’utilisation moyenne en période de pointe de leurs lignes qui permettent l’accès à Internet à haute vitesse diffèrent considérablement. Compte tenu de cette variation, le Conseil estime qu’il ne convient pas d’établir une capacité fixe pour les lignes permettant l’accès à Internet à haute vitesse en vue de l’application de la règle concernant la co-implantation. Il estime également que le fait d’appliquer la règle concernant la co-implantation en fonction d’une capacité de ligne arbitraire risque de nuire à la capacité d’un concurrent d’offrir une plus grande capacité à ses clients finals lors de périodes de pointe.

30.     À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que, pour que la capacité s’applique aux lignes louées auprès d’ESLT en vue de démontrer l’adhérence d’un concurrent co-implanté à la règle concernant la co-implantation, celui-ci devra utiliser : i) l’utilisation moyenne en période de pointe de ses lignes permettant l’accès à Internet à haute vitesse, pour l’ensemble des centraux de cette ESLT; ii) une capacité de 64 kb/s pour les lignes servant exclusivement à la prestation de services téléphoniques.

31.     À la réception d’une demande présentée par un concurrent co-implanté visant la fourniture de liaisons d’interconnexion afin de se raccorder à un autre concurrent co-implanté, une ESLT pourra demander à l’un des concurrents co-implantés ou aux deux de démontrer qu’ils adhèrent à la règle de co-implantation.

III.     Le Conseil devrait-il surseoir à la mise en œuvre de la décision de télécom 2011-355?

32.     À la lumière des conclusions qu’il a déjà tirées dans la présente décision, le Conseil conclut que la demande présentée par les compagnies Bell en vue de surseoir à la mise en œuvre de la décision de télécom 2011-355 est sans objet.

Secrétaire général

Documents connexes



Notes de bas de pages :

[1]   La règle concernant la co-implantation, ou la règle de l’objectif principal, a été mise en place dans la décision de télécom 97-15 afin de s’assurer que les concurrents utilisant des services réglementés de co-implantation le font principalement pour s’interconnecter avec l’entreprise de services locaux titulaire et non pour s’interconnecter et échanger du trafic avec d’autres concurrents interconnectés.

[2]   Depuis le début de l’année 2012, MTS Allstream Inc. est divisée en deux entités distinctes : MTS Inc. et Allstream Inc.

[3]   Une ligne est un fil téléphonique en cuivre raccordant un client final au central d’une ESLT, communément appelé « ligne locale dégroupée ».

[4]   Kilobits par seconde.

[5]   Renseignements déposés auprès du Conseil à titre confidentiel.

 
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