Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2011-774

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Référence au processus : 2011-299

Ottawa, le 14 décembre 2011

Accès au câblage intérieur dans les propriétés commerciales et institutionnelles

Le Conseil juge opportun de modifier le Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement) afin de permettre aux abonnés et aux EDR concurrentes d’accéder au câblage intérieur des propriétés commerciales et institutionnelles. Compte tenu des modifications du Règlement entrées en vigueur le 1er septembre 2011, le Conseil estime que des modifications mineures à la définition de « point de démarcation » suffiront pour tenir pleinement compte des décisions énoncées dans la présente politique. Par conséquent, le Conseil publiera sous peu un avis de consultation sollicitant des observations sur des modifications au Règlement en ce sens.

Le Conseil ordonne à tous les titulaires de négocier des modalités et conditions acceptables, y compris des frais justes et raisonnables, pour l’utilisation par les concurrents du câblage intérieur appartenant à de tels titulaires et qui est installé dans des propriétés commerciales et institutionnelles. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, l’une ou l’autre pourra demander au Conseil de régler le différend.

Introduction

1.      Dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2011-299, le Conseil a sollicité des observations à l’égard d’une demande de Bell TV (Bell) en vue de modifier le Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement) afin qu’un titulaire qui est propriétaire du câblage intérieur installé dans des propriétés commerciales et institutionnelles soit tenu d’en permettre l’accès sur demande aux abonnés et aux entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) concurrentes.

2.      L’article 10 du Règlement prévoit qu’un titulaire qui est propriétaire d’un câblage intérieur doit, sur demande, permettre l’utilisation de celui-ci par un abonné ou par un autre titulaire, et ce, moyennant des frais justes et raisonnables. Dans l’avis public de radiodiffusion 2005-83, qui traite d’une demande semblable de Bell, le Conseil a décidé que l’article 10 du Règlement ne s’appliquait pas aux propriétés comme des hôtels, des hôpitaux, des maisons de repos ou tout autre local commercial ou établissement qui hébergent des résidents de passage.

3.      Bell propose différentes modifications au Règlement en vue de satisfaire à sa demande, y compris la modification de la définition de « point de démarcation » et de « client », afin qu’il soit clair que l’article 10 du Règlement s’applique au câblage intérieur d’une EDR installé dans des propriétés commerciales ou institutionnelles.

4.      Le Conseil a reçu des interventions favorables à la demande de Bell de la part de Hilton Worldwide, de MTS Allstream, de Saskatchewan Telecommunications et de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy), de même que des interventions défavorables de la part de Quebecor Média inc. en son propre nom et au nom de Vidéotron s.e.n.c. (Quebecor et al.) et de Rogers Communications Partnership en son propre nom, de Cogeco Cable Inc. et de Shaw Communications Inc. (Rogers et al.). Le dossier complet de la présente instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

5.      Après avoir examiné le dossier public de l’instance, le Conseil estime qu’il doit se pencher sur les questions suivantes :

Est-il opportun de modifier le Règlement en vue de donner accès au câblage intérieur des propriétés commerciales et institutionnelles?

Positions des parties

6.      Bell a déposé une recherche faite à sa demande qui démontre que, depuis le dernier examen de cette question par le Conseil, le nombre d’unités dans le secteur commercial et institutionnel a augmenté de 80 % alors que la valeur pécuniaire a augmenté de 68 %. Selon Bell, les abonnés que l’on retrouve dans ces propriétés sont maintenant plus susceptibles d’acheter des forfaits de services d’un fournisseur unique tant pour leurs besoins de télécommunication que de radiodiffusion, ces services étant distribués par le même câblage intérieur. Bell fait valoir que le fait de permettre à ce secteur de marché de choisir parmi les différents fournisseurs de services concurrents favorisera l’innovation, la qualité du service et une baisse des prix, tout en étant grandement bénéfique aux résidents qui utilisent des services de radiodiffusion dans de telles propriétés. Selon Bell, lorsqu’une EDR a déjà installé le câblage intérieur, l’accès à celui-ci doit être permis afin de favoriser une solution de rechange concurrentielle, surtout lorsqu’un contrat avec le propriétaire est échu et doit être renégocié; puisque les propriétaires voient d’un mauvais œil la nécessité de refaire le câblage dans le cas où ils décident de changer de fournisseur de services. Finalement, Bell allègue que les résidents de passage dans les propriétés commerciales ou institutionnelles comme les hôtels, les hôpitaux ou les campus profiteront aussi du fait que les propriétaires de ces établissements puissent choisir un fournisseur de services qui réponde à leurs besoins.

7.      TekSavvy allègue que le fait d’approuver la demande de Bell serait la suite logique des efforts du Conseil afin de favoriser la concurrence et l’accès de l’utilisateur final au câblage intérieur tandis qu’Hilton Worldwide a déposé une lettre de l’Association des hôtels du Canada qui se déclare favorable à toute réglementation qui permettra à ses membres d’avoir un plus grand choix de fournisseurs.

8.      Quebecor et al. plaide l’absence de nouveaux facteurs justifiant une modification de la décision du Conseil énoncée dans l’avis public de radiodiffusion 2006-68. Ils font aussi valoir que tout traitement injuste peut être dénoncé au moyen des dispositions du Règlement relatives aux préférences indues.

9.      Rogers et al. fait valoir que les modifications proposées au Règlement ne sont pas nécessaires puisqu’une EDR peut déjà offrir ses services aux propriétés commerciales au moment de la construction de ces propriétés et, par la suite, lors des renouvellements de contrats de services existants, si elle est prête à faire les investissements nécessaires pour le câblage. Ils font également valoir que le fait de modifier le Règlement comme le demande Bell viole les principes de la symétrie réglementaire. En particulier, Rogers et al. allègue que l’approbation de la requête ferait en sorte d’étendre le concept du câblage intérieur aux abonnés de services de radiodiffusion et aux EDR concurrentes au-delà de ce qui est autorisé en vertu des présentes règles de télécommunications. Enfin, selon Rogers et al., puisque l’EDR est choisie par le propriétaire ou le gestionnaire d’une propriété commerciale ou institutionnelle, la proposition de Bell ne favorise en rien le choix de l’utilisateur final au sujet des services de programmation qu’il reçoit.

Analyse et décision du Conseil

10.  Dans l’avis public de radiodiffusion 2006-68, le Conseil a décidé que le fait de garantir aux abonnés et aux EDR concurrentes l’accès au câblage intérieur dans les propriétés commerciales et institutionnelles ne contribuerait pas vraiment au dynamisme du marché concurrentiel de la distribution de radiodiffusion ou à la promotion du libre choix de l’utilisateur final. Pour ces raisons, le Conseil avait donc conclu qu’il n’était ni opportun ni justifié d’intervenir pour réglementer l’accès à la concurrence au câblage des propriétés commerciales et institutionnelles.

11.  Le Conseil estime que, depuis son dernier examen de la question, on a assisté à d’importantes avancées technologiques ainsi qu’à des changements significatifs dans le marché. Notamment, de nos jours, le même câblage sert facilement à transmettre à la fois les services de radiodiffusion et de télécommunications et les clients sont plus susceptibles d’acheter, d’un fournisseur unique, un forfait de ces services. Le Conseil est d’avis que le contenu du dossier de l’instance prouve amplement que les fournisseurs de services se font concurrence dans les propriétés commerciales et institutionnelles, mais il estime que les interruptions de services que pourrait exiger le changement du câblage intérieur pèseraient sans doute lourd dans la décision d’un client de changer de fournisseur. Le Conseil note que le fait d’utiliser le même câblage intérieur serait beaucoup plus efficace et provoquerait moins d’interruptions. Par conséquent, le Conseil estime que l’approbation de la demande de Bell ferait en sorte de faciliter le changement de fournisseur de services et de favoriser la concurrence dans le marché.

12.  En ce qui concerne la symétrie, le Conseil note que le cadre réglementaire des télécommunications ne fait pas de distinction entre les propriétés résidentielles et les propriétés commerciales ou institutionnelles. Les fournisseurs de services de télécommunications doivent rendre leurs câbles de cuivre par paires torsadées disponibles aux autres fournisseurs, selon des modalités et conditions précises, et ce, sans égard au type de propriété. Par conséquent, le Conseil estime qu’il est tout à fait conforme au principe de la symétrie réglementaire d’obliger les EDR à rendre disponible leur câblage intérieur installé dans des propriétés commerciales et institutionnelles à leurs concurrents.

13.  Enfin, le Conseil estime que la nature temporaire du passage des résidents des propriétés commerciales comme des hôtels, des hôpitaux ou des campus fait en sorte qu’il est irréalisable de permettre à chacun de choisir son propre fournisseur de services. Cependant, le Conseil est d’avis que, de la même façon que les propriétaires d’unités de copropriété profitent du fait que les gestionnaires achètent les services en leur nom, les résidents de passage dans des propriétés commerciales ou institutionnelles profiteront aussi sans doute du fait que les propriétaires puissent choisir l’EDR qui répondra le mieux à leurs besoins économiques et de services.

14.  Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil juge opportun de modifier le Règlement afin de permettre aux abonnés et aux EDR concurrentes d’accéder au câblage intérieur des propriétés commerciales et institutionnelles.

15.  En ce qui concerne la nature des modifications à apporter au Règlement, le Conseil note que, dans l’avis public de radiodiffusion 2005-83, il a constaté que, bien que l’article 10(1) du Règlement n’établit pas, à sa face même, de distinction entre le type de propriétés, les définitions énoncées à l’article 1 du Règlement ne comprennent pas les propriétés non résidentielles.

16.  Le Conseil note que, depuis le 1er septembre 2011, et comme il l’avait annoncé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2011-455, plusieurs modifications ont été apportées au Règlement, y compris celles à l’égard des définitions énoncées à l’article 1. Le Conseil note en particulier que les définitions de « point de démarcation » et de « câblage intérieur » ont été élargies pour y englober non seulement la résidence d’un abonné, mais aussi « la résidence et les autres locaux de l’abonné ». Le Conseil estime que ces « autres locaux » comprennent les types de propriétés non résidentielles visées dans la demande de Bell.

17.  Compte tenu des modifications du Règlement entrées en vigueur le 1er septembre 2011, le Conseil estime que des modifications mineures à la définition de « point de démarcation » suffiront pour tenir pleinement compte des décisions énoncées dans la présente politique. Par conséquent, le Conseil publiera sous peu un avis de consultation sollicitant des observations sur des modifications au Règlement en ce sens.

Quelle serait une contrepartie raisonnable à l’utilisation du câblage intérieur installé dans une propriété commerciale ou institutionnelle?

Positions des parties

18.  Bell fait valoir que les propriétés commerciales sont généralement construites et câblées de la même façon que les immeubles à logements multiples, que le coût de câblage d’une propriété commerciale n’est pas plus important que celui d’un immeuble à logements multiples et que les frais de 0,52 $ par abonné par mois déjà approuvés par le Conseil devraient aussi s’appliquer aux propriétés commerciales.

19.  Rogers et al. allègue qu’une EDR qui a pris la décision d’affaires de s’abstenir d’investir dans le câblage d’une propriété commerciale ne devrait pas être autorisée à profiter gratuitement de l’investissement consenti par un fournisseur de services concurrent. Ils ajoutent que les frais établis par le Conseil pour les immeubles à logements multiples n’ont jamais été conçus pour couvrir le coût du câblage non réservé à un local particulier ou encore les coûts actuels d’installation de câbles coaxiaux et autres plateformes de câblage par puce.

Analyse et décision du Conseil

20.  Le Conseil note qu’à la différence du câblage intérieur d’immeubles à logements multiples, la structure du câblage des propriétés commerciales et institutionnelles peut varier grandement d’une propriété à l’autre. Par exemple, le câblage intérieur dans un hôtel ou dans un hôpital peut parfois être disposé comme celui d’un immeuble à logements multiples, alors que, dans d’autres cas, il peut être très différent. Par conséquent, le Conseil estime que les frais de 0,52 $ par abonné par mois établis pour le câblage intérieur des immeubles à logements multiples ne sont pas toujours appropriés pour les propriétés commerciales et institutionnelles.

21.  Le Conseil note que le dossier démontre que les parties ont réussi à négocier des modalités et conditions relatives à l’accès au câblage intérieur des autres EDR. Le Conseil estime qu’en raison des différents types possibles de câblage intérieur dans les propriétés commerciales et institutionnelles, il convient que les frais d’utilisation justes et raisonnables soient le fruit d’une négociation entre les parties.

22.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne, par la présente, à tous les titulaires de négocier des modalités et conditions appropriées, y compris des frais justes et raisonnables, pour l’utilisation par les concurrents de leur câblage intérieur installé dans des propriétés commerciales et institutionnelles. Si la configuration du câblage intérieur est semblable à celle d’un immeuble à logements multiples, le Conseil estime que les frais déjà établis de 0,52 $ par abonné par mois seront alors raisonnables. Dans l’éventualité où les parties ne parviennent pas à s’entendre, l’une ou l’autre pourra demander au Conseil de régler le différend.

Secrétaire général

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