Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-189

Référence au processus :

Avis public de radiodiffusion CRTC 2008-102

Autres références : avis publics de radiodiffusion 2008-102-1 et 2008-102-2

Ottawa, le 29 mars 2010

Publicité commerciale dans les disponibilités locales des services non canadiens

Dans l'avis public de radiodiffusion 2008-102, le Conseil a sollicité des observations sur un projet de cadre relatif à la vente de publicité commerciale par les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) pour insertion dans les disponibilités locales de services de programmation non canadiens. Il a affirmé que dans certains cas, le système canadien de radiodiffusion pourrait tirer avantage des revenus dérivés de la vente de publicité dans les disponibilités locales. Par exemple, de nouvelles formes de publicité pourraient découler de la vente de publicité dans les disponibilités locales, procurant ainsi une valeur supplémentaire aux annonceurs et de nouvelles sources de revenus au système canadien de la radiodiffusion.

D'après les observations reçues, le Conseil conclut que l'avantage pour le système canadien de radiodiffusion découlant de l'autorisation de vendre de la publicité pour insertion dans les disponibilités locales n'a pas été assez amplement démontré à cette date. Par conséquent, le Conseil maintient sa politique actuelle à l'égard de l'utilisation des disponibilités locales telle qu'elle est énoncée dans l'avis public de radiodiffusion 2006-69 .

Introduction

1. Dans l'avis public de radiodiffusion 2008-102, le Conseil a sollicité des observations sur un projet de cadre relatif à la vente de publicité commerciale dans les disponibilités locales de certains services non canadiens1 que distribuent les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) partout au Canada.

2. Les disponibilités locales sont les périodes de temps dans la programmation de services non canadiens au cours desquelles les EDR peuvent insérer des messages ou du matériel promotionnel, conformément aux clauses de l'accord négocié entre une EDR et les services de programmation en question.

Approche actuelle

3. À l'heure actuelle, la façon dont les EDR peuvent utiliser les disponibilités locales est énoncée dans les autorisations générales qui leur sont consenties en vertu de la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-546. Selon ces autorisations :

4. Les EDR ne sont autorisées ni à vendre ni à insérer de la publicité commerciale dans les disponibilités locales.

La proposition du Conseil

5. Dans l'avis public de radiodiffusion 2008-102, le Conseil a sollicité des commentaires sur un projet de nouvelle approche qui consisterait à autoriser la vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales. Le Conseil a déclaré qu'un tel cadre réglementaire devrait :

6. La Conseil a donc sollicité des observations sur une proposition selon laquelle les EDR seraient autorisées à vendre de la publicité commerciale dans 75 % des disponibilités locales, tandis que le reste des disponibilités locales, soit 25 %, servirait à promouvoir des services canadiens de programmation non liés2. Il a également proposé que les EDR ne soient plus autorisées à recouvrer les coûts directs pour l'insertion de telles promotions.

7. De plus, le Conseil a indiqué que le fait d'inciter les EDR à investir dans les infrastructures nécessaires aux nouvelles formes de publicité pourrait se solder par de nouvelles opportunités de revenus pour tous les secteurs du système canadien de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil a sollicité des observations sur la façon d'encourager de nouvelles formes de publicité, y compris si le Conseil devait autoriser les EDR à vendre uniquement de nouvelles formes de publicité, ou imposer une condition préalable à l'utilisation des disponibilités locales pour la vente de publicité commerciale exigeant que les EDR détiennent l'équipement nécessaire pour insérer une telle publicité dans les disponibilités locales. Le Conseil a aussi demandé aux EDR de lui décrire le type de publicité qu'elles voudraient insérer dans les disponibilités locales (par exemple, locale, régionale ou nationale), et les restrictions qu'il devrait imposer, le cas échéant.

8. Le Conseil a également noté que les EDR seraient tenues de contribuer une partie de tout revenu additionnel découlant de la vente de publicité pour insertion dans les disponibilités locales à la programmation canadienne. Cela comprendrait une contribution de 5 % à des fonds indépendants et une autre de 1 % au Fonds pour l'amélioration de la programmation locale (FAPL).

9. Le Conseil a demandé si le projet de cadre énoncé ci-dessus était susceptible de dégager des bénéfices nets suffisants et, sinon, quelles seraient les modalités et conditions appropriées pour garantir un bénéfice net au système canadien de radiodiffusion.

10. Le dossier de cette instance a été clos le 2 avril 2009 avec le dépôt des répliques. L'ensemble du dossier peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

Bénéfices nets potentiels pour le système canadien de radiodiffusion

11. Après avoir examiné le dossier de l'instance, le Conseil estime que la principale question à trancher consiste à établir si une modification à sa politique sur les disponibilités locales pour permettre l'insertion de messages publicitaires est à l'avantage du système canadien de radiodiffusion. Avant d'en arriver à une décision, le Conseil analysera quatre questions :

La vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales aurait-elle un impact négatif sur les radiodiffuseurs?

12. La plupart des radiodiffuseurs ont exprimé la crainte que les sommes dépensées en publicité dans les disponibilités locales ne soient déduites des revenus de publicité qu'ils perçoivent actuellement. Une étude déposée par CTVglobemedia Inc. et Canwest Television GP Inc. affirme que si les EDR avaient été en mesure de vendre de la publicité dans les disponibilités locales en 2008, des revenus allant de 73,3 millions à 81,4 millions de dollars auraient été retirés aux radiodiffuseurs de langue anglaise pour passer aux EDR. Pelmorex Communications Inc. (Pelmorex) a cité une étude de l'Association canadienne des radiodiffuseurs qui évalue que la vente de publicité pour insertion dans les disponibilités locales pourrait représenter une perte de revenus de 64,3 millions de dollars pour les radiodiffuseurs. Only Imagine (maintenant connue sous le nom de Média de Novo Inc.) est d'accord avec l'argument de Pelmorex relativement aux importantes répercussions négatives sur le système canadien de radiodiffusion qui découleraient de la décision du Conseil d'autoriser les EDR à vendre de la publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales3.

13. Les propriétaires et les représentants des EDR ont fait valoir que les revenus relativement modestes que les EDR peuvent escompter de la vente de publicité dans les disponibilités locales n'auront pas d'incidence négative perceptible sur les entreprises de programmation de radio et de télévision. Rogers Communications Inc. (Rogers) s'attend à ce que les ventes annuelles de publicité dans les disponibilités locales atteignent 45 millions de dollars.

14. Le Conseil constate que les radiodiffuseurs et les EDR ont des perspectives très différentes quant aux revenus que pourrait générer la vente de publicité pour insertion dans les disponibilités locales. Cependant, le Conseil estime qu'au moins une partie des revenus que les EDR obtiendraient en vendant de la publicité commerciale dans les disponibilités locales seraient soustraits des revenus de publicité que perçoivent actuellement les radiodiffuseurs, y compris les stations de télévision traditionnelle. Par conséquent, un changement dans la politique du Conseil afin de permettre la vente de publicité pour insertion dans les disponibilités locales aurait à tout le moins une certaine incidence négative sur les revenus de publicité que gagnent actuellement les radiodiffuseurs. Même si cette incidence financière était possiblement relativement faible par rapport au total des revenus de publicité en radiodiffusion, le Conseil estime que dans la conjoncture actuelle en particulier, toute baisse de revenus publicitaires pour les radiodiffuseurs traditionnels est un motif d'inquiétude, compte tenu des graves contraintes financières auxquelles sont actuellement confrontés ces radiodiffuseurs.

La vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales dégagerait-elle des sommes additionnelles pour soutenir la programmation canadienne?

15. L'avis public de radiodiffusion 2008-102 précise que les EDR seraient tenues de verser à la production d'émissions canadiennes 6 % (pourcentage qui est ensuite passé à 6,5 %) de leurs revenus additionnels. Cela comprend une contribution de 5 % au Fonds canadien de télévision, maintenant appelé Fonds des médias du Canada, et à d'autres fonds indépendants, moins les sommes versées au maintien d'un canal communautaire, et une autre contribution au FAPL. Selon Rogers, cette contribution des EDR entraînerait d'emblée une somme additionnelle d'environ 3 millions de dollars par année pour la production d'émissions canadiennes, qui pourrait atteindre 4 millions de dollars par année, ou plus, si les EDR parvenaient à exploiter au maximum le potentiel de la publicité ciblée.

16. Les radiodiffuseurs estiment cependant que les avantages découlant des revenus additionnels perçus par les EDR seraient annulés, voire dépassés par la baisse des revenus de publicité perçus par les radiodiffuseurs. Cette baisse entraînerait une diminution des dépenses encourues par les radiodiffuseurs au titre des émissions canadiennes. L'Association canadienne de production de films et de télévision, la Directors Guild of Canada et la Writers Guild of Canada ont chacune fait valoir que le seul moyen de compenser une diminution des dépenses des radiodiffuseurs au titre d'émissions canadiennes serait d'exiger que la contribution des EDR au titre d'émissions canadiennes équivaille à une proportion beaucoup plus élevée de leurs revenus découlant de la vente de publicité commerciale dans les disponibilités locales.

17. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime qu'il y a peu de chances que la production d'émissions canadiennes ne bénéficie de revenus additionnels nets découlant d'une augmentation des contributions des EDR. Une légère augmentation dans les contributions ne parviendrait pas à compenser l'incidence négative potentielle sur les revenus de publicité des radiodiffuseurs.

La vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités commerciales accélérerait-elle l'introduction de nouvelles formes de publicité, comme la publicité ciblée?

18. Aucune des parties qui ont déposé des observations à l'égard de cette question n'a estimé qu'il est approprié de lier les disponibilités locales à la publicité ciblée ou à d'autres nouvelles formes de publicité comme le Conseil l'a proposé. Les parties ont généralement indiqué que la création de nouvelles formes de publicité n'est pas assez avancée et que le Conseil ne devrait pas prendre de décisions à cet égard pour le moment. La plupart des EDR notent qu'elles ne savent pas encore quand la technologie nécessaire à publicité ciblée sera disponible, si celle-ci constitue un modèle d'affaire réalisable pour ce genre de publicité, ou s'il y a une façon appropriée de définir ce genre de publicité.

19. Rogers se distinguait des autres EDR puisqu'elle a fourni des renseignements précis énonçant les échéanciers qu'elle s'est fixés pour la mise en œuvre de nouvelles formes de publicité. Rogers prévoit offrir certaines formes de publicité interactive en 2010, mais indique qu'elle ne pourrait mettre en œuvre la publicité qui s'adresse à un téléspectateur particulier avant trois à cinq ans.

20. En général, les EDR ont insisté sur la nécessité de rester souple à l'égard du type de publicité qui pourrait être diffusé dans les disponibilités locales, l'opinion générale étant qu'il est encore trop tôt pour prédire quand et comment de nouvelles formes de publicité apparaîtront.

21. Le Conseil demeure d'avis que les nouvelles formes de publicité et, en particulier, la publicité ciblée, tout en donnant aux annonceurs des moyens plus sophistiqués et plus rentables de faire la promotion de leurs produits et services et de mesurer leurs auditoires, profite autant aux radiodiffuseurs qu'aux distributeurs4. Toutefois, à l'exception peut-être de Rogers qui s'est donné un échéancier pour introduire de nouvelles formes de publicité, ces transformations semblent se profiler à moyen ou long terme, plutôt que dans l'immédiat. Étant donné le climat d'incertitude qui entoure les nouvelles formes de publicité, la vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales ne promet pas d'accélérer les choses de façon importante pour le moment.

22. Par conséquent, le Conseil conclut qu'autoriser la vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales en vertu du cadre proposé ne promet pas, pour le moment, d'accélérer l'adoption de nouvelles formes de publicité, comme la publicité ciblée.

Y aurait-il d'autres avantages à ce que le Conseil modifie sa politique à l'égard des disponibilités locales?

Coût de l'équipement d'insertion pour les petits câblodistributeurs

23. La Canadian Cable Systems Alliance (CCSA) a fait valoir que, pour les petites EDR par câble, une autorisation à vendre de la publicité dans les disponibilités locales n'est pas susceptible de constituer une nouvelle source importante de revenus. Néanmoins, elle pourrait rentabiliser les coûts de l'équipement nécessaire à l'insertion de ces messages dans les disponibilités locales et couvrir les coûts actuels d'insertion.

24. La CCSA note que la plupart des petites EDR par câble n'ont pas d'autre choix que de capter leurs signaux par l'entremise du service de transport par satellite de Shaw Broadcasting Services (SBS). Étant donné que SBS leur livre les mêmes signaux qui servent à alimenter son service de distribution par satellite de radiodiffusion directe Shaw Direct, les services non canadiens distribués par les petites EDR par câble à partir des signaux de SBS comportent souvent, dans les disponibilités locales, de la publicité faisant la promotion des services de Shaw Direct. N'étant pas équipées pour insérer leurs propres promotions dans les disponibilités locales, ces petites EDR par câble sont forcées de diffuser la publicité de Shaw Direct à leurs propres abonnés. La CCSA fait valoir que l'autorisation d'insérer de la publicité dans les disponibilités locales fournirait, du moins à certaines petites EDR, de nouveaux revenus leur permettant d'acheter l'équipement nécessaire pour remplacer les promotions de Shaw Direct.

25. Le Conseil estime que les revenus perçus grâce à la vente de publicité pour insertion dans les disponibilités locales pourraient permettre à certaines EDR relativement petites de couvrir les frais d'achat et de fonctionnement de l'équipement nécessaire. Toutefois, il est peu probable que les revenus suffiraient à couvrir les frais des toutes petites EDR qui dépendent du service de SBS. Le Conseil note, en outre, que dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-639 et dans l'ordonnance de radiodiffusion 2009-638, il a accordé plus de souplesse quant au mode de transport et de réception des signaux de radiodiffusion. Ces mesures devraient élargir les possibilités des petites EDR au moment de choisir la source de leurs signaux.

Coût de l'équipement d'insertion de messages promotionnels pour les radiodiffuseurs

26. Dans l'avis public de radiodiffusion 2008-102, le Conseil a déclaré qu'en vertu de la politique proposée, il serait interdit aux EDR qui choisissent de vendre de la publicité dans les disponibilités locales de recouvrer les coûts ou d'imposer un tarif quelconque pour insérer dans les disponibilités locales des messages faisant la promotion de services de programmation non liés.

27. En vertu de la politique actuelle, les EDR peuvent recouvrer les coûts directs de l'insertion, dans les disponibilités locales, de messages promotionnels fournis par les services de programmation. Les exploitants de ces services de programmation font valoir que les EDR ont pris l'habitude de grossir les coûts et d'imposer des tarifs exagérés. Il en résulte que certains d'entre eux sont incapables de profiter des plages qui leur sont allouées dans les disponibilités locales. L'élimination de ces tarifs s'avérerait donc avantageuse pour ces services de programmation.

28. Cependant, le Conseil note qu'en vertu du système actuel, les radiodiffuseurs qui estiment que les frais qui leur ont été facturés pour insérer des messages promotionnels dans les disponibilités locales dépassent les coûts recouvrés peuvent déposer une plainte auprès du Conseil. Le Conseil étudiera ce type de plainte avec l'EDR concernée et verra à ce que des mesures soient prises pour que sa politique soit respectée.

Conclusion

29. Tel que noté plus haut, le Conseil est préoccupé de la possibilité que la modification proposée de sa politique à l'égard des disponibilités locales entraîne une baisse de revenus pour les stations de télévision traditionnelle au moment où elles font face à de sérieuses contraintes financières. Le Conseil estime que l'avantage pour le système canadien de radiodiffusion de la vente de publicité pour insertion dans les disponibilités locales, si elle était autorisée, n'a pas été assez amplement démontré. Le Conseil estime donc approprié de maintenir sa politique actuelle à l'égard de l'utilisation des disponibilités locales, telle qu'elle est énoncée dans l'avis public de radiodiffusion 2006-69.

30. Toutefois, le Conseil souligne que les nouvelles formes de publicité pourraient offrir des avantages importants tant aux radiodiffuseurs qu'aux distributeurs, et qu'accélérer l'avènement de ces formes de publicité serait à l'avantage de l'ensemble du système canadien de radiodiffusion. Par conséquent, dans le cadre de l'examen de toute nouvelle demande relative à la vente de publicité commerciale pour insertion dans les disponibilités locales, le Conseil se préoccupera avant tout d'évaluer dans quelle mesure les propositions qui lui sont faites permettront d'accélérer l'avènement de nouvelles formes de publicité.

Secrétaire général

Documents connexes

Le présent document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca.

Notes de bas de page


[1] Ces services proviennent des États-Unis, où ils sont souvent connus sous le nom de [traduction] « services par câble ».

[2] Un service de programmation non lié signifie une entreprise de programmation dont la titulaire ou une affiliée, ou les deux, ne contrôlent pas plus de 10 % du total des actions émises et en circulation.

[3] Média de Novo Inc. a déposé une demande (voir l'avis de consultation de radiodiffusion 2009-803 ) proposant d'autres options pour la vente de publicité commerciale dans les disponibilités locales.

[4] Pour cette raison, le Conseil a déjà modifié le Règlement sur la distribution de radiodiffusion pour autoriser la publicité ciblée dans les services canadiens, comme annoncé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-543.

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