ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2006-72

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Décision de télécom CRTC 2006-72

  Ottawa, le 7 novembre 2006
 

Primus Telecommunications Canada Inc. - Demande de révision et de modification des conclusions tirées dans la Décision de télécom CRTC 2006-15 à l'égard de la règle de reconquête

  Référence : 8662-P11-200607327
  Dans la présente décision, le Conseil rejette la demande présentée par Primus Telecommunications Canada Inc. visant la révision et la modification des parties de la Décision de télécom CRTC 2006-15 portant sur la règle de reconquête.
 

La demande

1.

Le 6 juin 2006, Primus Telecommunications Canada Inc. (Primus) a déposé une demande en vertu de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications,afin que le Conseil révise et modifie certaines conclusions et directives portant sur les restrictions relatives à la reconquête dans le marché des services locaux énoncées aux paragraphes 484 à 488 inclusivement de la décision Abstention de la réglementation des services locaux de détail, Décision de télécom CRTC 2006-15, 6 avril 2006 (la décision 2006-15). Dans sa demande, Primus a demandé que le Conseil publie :
 

a) une ordonnance renversant sa décision d'abaisser de 12 à 3 mois la « période d'interdiction de reconquête » dans le marché des services locaux de résidence pour les entreprises de services locaux titulaires (ESLT);

 

b) une ordonnance renversant sa décision d'examiner les demandes de suppression complète de la règle d'interdiction de reconquête lorsqu'une ESLT peut prouver qu'elle a perdu 20 p. 100 de sa part de marché dans un marché de services locaux pertinent et a respecté certains indicateurs de qualité de service pendant une période de trois mois;

 

c) une ordonnance suspendant les conclusions qu'il a tirées sur la reconquête dans la décision 2006-15, et ce, jusqu'à ce qu'il se prononce sur les questions soulevées en a) et en b) ci-dessus.

 

Historique

2.

Dans diverses décisions, le Conseil a imposé certaines restrictions quant à la capacité des ESLT de communiquer directement avec d'anciens clients des services locaux dans le but de les reconquérir (la règle de reconquête).

3.

L'énoncé le plus récent de la règle de reconquête se trouve dans la décision 2006-15 :
 

Le Conseil interdit à l'ESLT de tenter de reconquérir un abonné du service d'affaires dans le cas du service local de base [(SLB)] ou du service VoIP [communication vocale sur protocole Internet] local, et dans le cas d'un client du service local de résidence (p. ex., SLB ou service VoIP local), à l'égard de tout autre service, pour une période commençant au moment de la demande de service local et se terminant trois mois après que le service local de base ou service VoIP local de l'abonné a été complètement transféré à un autre fournisseur de services locaux, sous réserve d'une exception : les ESLT doivent être autorisées à reconquérir les abonnés qui appellent pour les aviser qu'ils veulent changer de fournisseur de services locaux1.

4.

Dans cet énoncé de la règle de reconquête, le Conseil a abaissé de 12 à 3 mois la période d'interdiction de reconquête2. En fait, le Conseil a établi ce qui suit :
 

Compte tenu de cette nouvelle réalité du marché, le Conseil estime qu'il ne convient plus d'appliquer une période d'interdiction de reconquête de 12 mois relative au service local de résidence dans le cadre de la règle de reconquête. Le Conseil conclut qu'il est préférable de limiter cette période à trois mois, comme c'était le cas avant la décision 2004-4. [.] Selon le Conseil, une période d'interdiction de reconquête de trois mois est, dans les conditions actuelles du marché, suffisante et nécessaire pour empêcher que les ESLT disposent d'un avantage indu ou injuste [.].

5.

De plus, toujours dans la décision 2006-15, le Conseil s'est dit d'avis que lorsqu'une ESLT peut prouver qu'elle a respecté certains autres critères3 dans un marché pertinent, la règle de reconquête dans le marché local peut être levée. Le Conseil a conclu que dans ces circonstances
 

[.] la concurrence aura atteint dans ce marché un niveau considérable. À ce moment-là, la possibilité pour l'ESLT d'exploiter les avantages que lui confère son statut de titulaire afin de cibler, au moyen de communications directes, les clients des concurrents, à des fins de reconquête, ne lui permettra plus de s'accorder un avantage indu ou injuste [.].

 

Le processus

6.

Le 30 juin 2006, Primus a déposé ses réponses aux demandes de renseignements que le Conseil lui avait adressées.

7.

Le 6 juillet 2006, Bell Canada, Aliant Telecom Inc.4 et Saskatchewan Telecommunications (collectivement, les Compagnies), Shaw Communications Inc. (Shaw) et TELUS Communications Company (TCC) ont déposé leurs observations concernant la demande de Primus. Primus a déposé son plaidoyer en réplique le 17 juillet 2006.

8.

Les positions des parties ont dû être résumées dans la présente décision, mais le Conseil fait toutefois remarquer qu'il a examiné avec soin tous les mémoires versés au dossier de l'instance en cause.
 

Mémoire de Primus

9.

Primus a fait valoir que malgré l'introduction de la technologie VoIP, la part du marché de résidence des ESLT n'a pas particulièrement diminué et que rien ne laisse à penser qu'on a contredit les motifs énoncés dans la décision 2004-4 pour prolonger la période d'interdiction de reconquête de 3 à 12 mois, ou dans la décision Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale sur protocole Internet, Décision de télécom CRTC 2005-28, 12 mai 2005, telle que modifiée par la Décision de télécom CRTC 2005-28-1, 30 juin 2005 (la décision 2005-28), pour étendre la règle de reconquête aux services VoIP.

10.

Primus a fait valoir en outre que dans la décision 2006-15, le Conseil n'a pas déterminé s'il existait des marchés locaux bien définis qui pouvaient être caractérisés comme des « marchés concurrentiels arrivés à maturité », pour lesquels les ESLT ne conservent plus de données sur les besoins, les préférences ou les habitudes d'appel des clients en matière de télécommunication.

11.

Primus a soutenu que même si le Conseil a conclu qu'il lui fallait une analyse par marché pour évaluer si les ESLT exerçaient un pouvoir de marché important dans un marché donné, il n'a pas étudié la mesure dans laquelle la règle de reconquête était encore nécessaire dans un marché en particulier. Étant donné que la règle de reconquête visait à protéger les nouveaux venus contre la domination des ESLT dans un marché local et à leur permettre d'établir des relations avec les nouveaux clients avant que ceux-ci ne soient ciblés par de nouvelles promotions des ESLT, Primus se demandait en quoi il était justifié de modifier la règle dans des marchés locaux où l'ESLT est dominante, ou encore à l'échelle nationale. Primus a fait valoir que renverser la décision 2004-4 retarderait la concurrence, maintiendrait la domination des ESLT et retarderait l'abstention de la réglementation, et qu'une période d'interdiction de reconquête de 12 mois devrait s'appliquer dans tous les marchés locaux où les ESLT exercent encore une position dominante.

12.

Primus a également soutenu que la décision 2006-15 était incohérente du fait que le Conseil y a conclu que la règle de reconquête serait levée à la suite d'une analyse de la concurrence dans un marché local pertinent, d'une part; mais qu'à défaut d'une telle analyse, il convenait d'abaisser la période d'interdiction de reconquête de 12 à 3 mois à l'échelle nationale, d'autre part. Primus a également fait valoir que puisque la période d'interdiction de reconquête avait été imposée en tant qu'une mesure réglementaire pour protéger les concurrents contre l'abus de la position dominante des ESLT dans le marché des services locaux de résidence, abus qui se traduit par des promotions ciblées, il n'est pas logique d'éliminer la règle de reconquête avant l'abstention si les ESLT dominent encore. De la même façon, Primus était d'avis que la décision 2006-15 n'expliquait pas pourquoi la règle de reconquête serait éliminée lorsqu'une ESLT perd 20 p. 100 de part de marché, alors que d'autres garanties sont maintenues jusqu'à ce que l'ESLT perde 25 p. 100 de part de marché.

13.

Selon Primus, les activités de reconquête des ESLT sont anticoncurrentielles. Primus a contesté la pratique des ESLT de cibler les anciens clients au moyen d'offres spéciales, soutenant qu'en raison de leur statut de titulaire, ainsi que de leur connaissance très exacte du marché et du moment précis où un client est parti, elles peuvent cibler leurs anciens clients avec des forfaits spéciaux.

14.

Finalement, Primus a soutenu que dans un marché local, les activités de reconquête des ESLT représentent un plus grand préjudice que la simple perte d'une vente. Primus a fait valoir que si un client décide de passer à un concurrent, celui-ci doit engager des coûts considérables pour raccorder le client à son réseau et si, par la suite, ce même client accepte une offre de reconquête, le concurrent perd à la fois ses coûts de marketing et l'investissement qu'il a fait pour raccorder le client.
 

Positions des autres parties

15.

Shaw a fait valoir que les décisions récentes portant sur la règle de reconquête montrent que le Conseil croit encore que la règle est essentielle au maintien de la concurrence locale et que, pour cette raison, il conviendrait de la supprimer ou de l'assouplir lorsque la concurrence réduit les avantages de la position de titulaire de sorte que les tentatives de reconquête ciblées ne confèrent plus aux ESLT un avantage indu ou injuste. En l'absence de preuves montrant que telle est la réalité, Shaw a fait valoir que la période d'interdiction de reconquête de 12 mois établie dans la décision 2004-4 demeurait valable.

16.

Shaw a fait valoir que la réduction de la période d'interdiction de reconquête à l'échelle nationale n'a pas tenu compte de la concurrence dans les marchés locaux pertinents. Shaw a convenu avec Primus que cette mesure était contraire à l'objet de la règle de reconquête, aux principes du droit de la concurrence et au cadre d'abstention. Shaw a fait valoir que ces incohérences soulevaient des doutes réels quant à la rectitude de la décision 2006-15 en ce qui a trait à la réduction de la période d'interdiction de reconquête à trois mois à l'échelle nationale. Shaw a fait valoir en outre que le Conseil n'avait pas analysé les effets de la réduction de la période d'interdiction de reconquête dans les marchés où les ESLT conservaient presque la totalité de leur part de marché, ce qui renforce encore les doutes quant à la rectitude de la décision 2006-15.

17.

Les Compagnies ont douté que les décisions sur la reconquête aient une incidence directe sur Primus. Elles ont fait valoir que du fait que Primus ne soit pas une entreprise dotée d'installations, le Conseil ne devrait pas tenir compte de ses arguments concernant les décisions du Conseil au sujet de la reconquête, puisque les mesures en cause ne visent pas les fournisseurs de services non dotés d'installations. Les Compagnies ont fait remarquer que les revendeurs n'émettent pas de demandes de service local (DSL), à moins qu'ils soient des entreprises de services locaux ayant besoin d'installations ou de se faire transférer un numéro.

18.

Les Compagnies ont fait valoir que les doutes soulevés par Primus quant à la rectitude des décisions du Conseil sur la reconquête ne sont pas fondés, faisant remarquer que l'affirmation de Primus dans sa demande que « rien n'a changé » dans le marché des services locaux, y compris les changements attribuables à la technologie VoIP, ne correspond pas aux conclusions du rapport du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications (le Rapport du Groupe d'étude)5. Les Compagnies ont d'ailleurs ajouté que le Rapport du Groupe d'étude mettait en doute le bien-fondé des règlements qui limitent les activités de reconquête des ESLT.

19.

En outre, les Compagnies ont fait valoir que la part de marché que les câblodistributeurs ont gagnée grâce à leurs services VoIP confirme que les consommateurs sont nombreux à remplacer leurs connexions locales filaires traditionnelles par des connexions VoIP, ce qui prouve que les clients des services de résidence considèrent les produits VoIP comme des produits de remplacement fonctionnels.

20.

Les Compagnies ont fait valoir que le Conseil n'a jamais appliqué la règle de reconquête en fonction de la conjoncture d'un marché local donné parce qu'il n'aurait jamais pu adapter la portée, l'étendue et la durée de la règle à un marché local en particulier (i) tant qu'il n'aurait pas défini la portée géographique des marchés filaires locaux (et des services qui les composent), ce qu'il a fait dans la décision 2006-15, et (ii) tant qu'il n'aurait pas disposé de statistiques sur les parts de marché dans un marché donné en fonction des marchés géographiques.

21.

TCC a fait valoir que Primus a confondu ses arguments sur la nécessité de maintenir la règle de reconquête avec ses arguments sur la question du doute réel quant à la rectitude de la décision 2006-15. Selon TCC, le simple fait que Primus juge la règle de reconquête nécessaire ne veut pas dire que le Conseil a commis une erreur dans la décision 2006-15 et qu'il faille la réviser et modifier. Toujours, selon TCC, Primus contestait les activités de reconquête des ESLT en général, et non les activités de reconquête pendant une période de 3 mois plutôt que 12. TCC a fait valoir que dans l'instance en cause, la question est de savoir si la période aurait dû être réduite à trois mois et non si les ESLT devraient être autorisées à communiquer avec les clients à des fins de reconquête.

22.

TCC a fait remarquer que le Conseil n'a jamais mentionné les conditions concurrentielles dans des régions géographiques en particulier lorsqu'il a établi ou modifié la règle de reconquête dans les décisions citées par Primus dans sa demande.

23.

TCC a fait valoir que le service local devient plus concurrentiel et que dans la mesure où la lenteur de la croissance de la concurrence locale est ce qui a conduit le Conseil à prolonger la période d'interdiction de reconquête de 3 à 12 mois en 2004, ses conclusions sur l'accélération rapide de la concurrence en 2006 suffisaient à justifier qu'il ramène la période d'interdiction de reconquête à 3 mois, voire l'éliminer complètement.

24.

TCC a fait remarquer que Primus n'a pas accusé les ESLT d'enfreindre les règles sur la tarification, le groupement ou les promotions dans leurs offres de reconquête. TCC a fait valoir que ces offres comprennent des services faisant l'objet d'une abstention, ou bien sont des forfaits qui incluent des services réglementés et qui respectent les règles du Conseil en matière de tarification, de groupement et de promotion.
 

Plaidoyer en réplique de Primus

25.

Primus a soutenu qu'elle ne recherchait pas une protection contre la concurrence, mais contre les abus de pouvoir de marché là où les ESLT exercent un pouvoir de marché important et où leurs activités de reconquête constituent une infraction au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications. Primus a fait remarquer que le Rapport du Groupe d'étude reconnaît la nécessité de réglementer la conduite des ESLT dans les marchés où elles continuent d'exercer un pouvoir de marché important.

26.

Primus a soutenu que dans la décision 2006-15, bien qu'il ait défini clairement les marchés locaux pour évaluer le pouvoir de marché et établi des critères à satisfaire avant de retirer les garanties réglementaires, y compris la règle de reconquête, le Conseil n'a pas tenu compte de ces principes lorsqu'il a réduit la période d'interdiction de reconquête de 12 à 3 mois.

27.

Primus a fait valoir que rien dans la preuve ne permettait de conclure qu'une période d'interdiction de reconquête de trois mois suffisait pour empêcher les ESLT de bénéficier d'un avantage indu ou injuste ou de tirer injustement un profit en raison de leur capacité de cibler les anciens clients des services locaux à des fins de reconquête. Étant donné que le degré de concurrence variait considérablement d'un marché local à l'autre, et que la concurrence était totalement inexistante dans certains d'entre eux, rien ne justifiait une réduction générale de la période d'interdiction de reconquête de 12 à 3 mois. Primus a reconnu que la technologie VoIP pourrait éventuellement permettre l'instauration de la concurrence dans les marchés des services locaux, mais les ESLT continuaient d'exercer un pouvoir de marché important dans tous les marchés géographiques.

28.

Primus a fait valoir qu'elle ne disposait pas des dernières données du Conseil concernant le marché et a exprimé ses doutes concernant un changement dramatique de la conjoncture, faisant remarquer que la concurrence avait peu progressé dans de nombreuses régions du pays. Primus a fait remarquer que dans les provinces largement peuplées comme l'Ontario et le Québec, Bell Canada conservait une forte part de marché et a cité à cet effet les derniers rapports financiers de Bell Canada.

29.

Primus a précisé que la référence qu'ont faite les compagnies à l'observation du Rapport du Groupe d'étude, selon laquelle l'organisme de réglementation ne devrait pas restreindre les campagnes de reconquête, était précédée de la phrase « à moins qu'il soit prouvé que la campagne de reconquête réduit considérablement la concurrence. » [traduction] Primus a en outre fait remarquer que le Conseil a toujours admis qu'il fallait imposer une période d'interdiction de reconquête afin d'empêcher que les ESLT exploitent leur position dominante pour faire obstacle injustement à la concurrence.

30.

En ce qui concerne l'argument des Compagnies selon lequel Primus était mal venue de déposer une demande de révision et de modification parce que la règle de reconquête ne s'applique pas aux revendeurs, Primus a fait valoir que même si le Conseil a mentionné l'incidence de la règle de reconquête sur les entreprises de services locaux concurrentes (ESLC), il n'a jamais dit que les revendeurs ne tiraient pas avantage des restrictions relatives à la reconquête.

31.

Primus a fait remarquer que dans la décision 2005-28, le Conseil a appliqué la règle de reconquête aux services VoIP des ESLT, mais sans distinguer entre les clients du service VoIP obtenant leur service auprès de revendeurs ou d'ESLC. Primus a fait valoir que du fait qu'elle-même et d'autres revendeurs étaient des « fournisseurs de services VoIP » selon la définition du Conseil, chaque revendeur était directement touché par la réduction de la période d'interdiction de reconquête de 12 à 3 mois.
  Analyse et conclusions du Conseil

32.

Dans l'avis Lignes directrices relatives aux demandes de révision et de modification, Avis public Télécom CRTC 98-6, 20 mars 1998, le Conseil a énoncé les critères à prendre en compte pour étudier les demandes de révision et de modification. Plus précisément, le Conseil a déclaré :
 

[.] les requérantes doivent lui démontrer qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision initiale, résultant, par exemple : (i) d'une erreur de droit ou de fait; (ii) d'un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; (iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans la procédure initiale; ou (iv) d'un nouveau principe découlant de la décision.

33.

Contrairement aux affirmations des Compagnies, le Conseil estime que Primus, en tant que concurrent dans le marché des services locaux, est directement touchée par les conclusions qu'il a tirées au sujet de la règle de reconquête.

34.

En ce qui concerne l'argument selon lequel Primus prétend que les changements survenus dans le marché local depuis la décision 2004-4 ne justifiaient pas les conclusions sur la reconquête formulées dans la décision 2006-15, le Conseil estime que les changements à la conjoncture dont témoigne le dossier de l'instance ayant mené à la décision 2006-15 suffisaient à justifier que la période d'interdiction de reconquête soit abaissée de 12 à 3 mois. Le Conseil estime que Primus n'a pas présenté de nouveaux faits pour soulever le doute, encore moins un doute réel, quant à la rectitude de sa conclusion concernant les changements dans le marché de résidence.

35.

Le Conseil fait remarquer que des données plus récentes sur le marché des services locaux viennent appuyer les conclusions auxquelles il est arrivé dans la décision 2006-15. Dans la décision Réexamen de la décision Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale sur protocole Internet, Décision de télécom CRTC 2006-53, 1er septembre 2006, le Conseil a fait remarquer que la croissance des services VoIP locaux de résidence donnait lieu à une concurrence nettement plus vigoureuse dans le marché des services locaux et que la concurrence locale dans le marché de résidence était beaucoup mieux enracinée qu'elle ne le semblait d'après le dossier de l'instance ayant mené à la décision 2006-15.

36.

Le Conseil rejette l'affirmation de Primus selon laquelle la décision 2006-15 est incohérente du fait que le Conseil y a conclu qu'il fallait évaluer la compétitivité des marchés locaux individuels avant de lever la règle de reconquête, alors qu'il n'a pas appliqué ce même critère avant de réduire la période d'interdiction de reconquête. Le Conseil fait remarquer qu'il a étendu la période d'interdiction de reconquête à 12 mois dans la décision 2004-4 et qu'il l'a ensuite abaissée à 3 mois dans la décision 2006-15, compte tenu de la conjoncture générale dans l'ensemble du pays. En revanche, dans la décision 2006-15, le Conseil a fixé à 20 p. 100 le seuil de perte de part de marché qui justifierait l'élimination de la règle de reconquête, établissant ainsi les conditions et modalités selon lesquelles il accepterait d'accorder l'abstention. Comme dans le cas de l'abstention complète, l'élimination de la règle de reconquête se ferait marché par marché.

37.

Quant à l'affirmation de Primus voulant que le Conseil n'ait pas fait la distinction entre la garantie contre la reconquête et les autres mesures de protection qu'il n'a ni éliminées ni modifiées sur le plan de la concurrence, le Conseil fait remarquer que pour en arriver à conclure qu'il était possible de réduire la période d'interdiction de reconquête à 3 mois, il avait estimé qu'il n'était plus nécessaire de prévoir 12 mois pour empêcher une préférence indue et une discrimination injuste et avait procédé à une évaluation qui s'était limitée à la règle de reconquête. Le Conseil estime que le fait qu'il n'a pas modifié d'autres garanties sur le plan de la concurrence ne soulève pas de doute réel quant à la rectitude de ses conclusions précises relatives à la règle de reconquête.

38.

De plus, le Conseil estime que les arguments de Primus au sujet de la nature anticoncurrentielle des activités de reconquête des ESLT ne soulèvent pas de doute réel quant à la rectitude de sa conclusion voulant que trois mois constituent une période d'interdiction de reconquête acceptable compte tenu des nouvelles conditions du marché.

39.

Finalement, en ce qui concerne l'affirmation de Primus selon laquelle les concurrents courent un plus grand risque que les ESLT en raison des coûts qu'ils engagent pour raccorder les clients à leur réseau, d'où la nécessité d'obtenir une protection de 12 mois contre les activités de reconquête des ESLT sur présentation d'une preuve attestant de la conquête du client et des coûts de raccordement, le Conseil estime que l'objet de la règle de reconquête n'est pas de protéger la viabilité financière des concurrents.

40.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que Primus n'a pas soulevé de doute réel quant à la rectitude des conclusions qu'il a formulées sur la reconquête dans la décision 2006-15. Le Conseil rejette donc la demande de Primus visant la révision et la modification des parties de la décision 2006-15 portant sur la règle de reconquête.
 

Demande de sursis de Primus

41.

Dans sa demande, Primus a également demandé au Conseil de surseoir à l'application de la décision 2006-15 jusqu'à ce qu'il se prononce sur la demande de révision et de modification.

42.

Comme le Conseil rejette la demande de révision et de modification, il juge que la demande de sursis de Primus est sans objet et qu'il serait inutile d'en examiner le bien-fondé.
  Secrétaire général
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Notes de bas de page :

1 Décision 2006‑15, paragraphe 486.

2 Dans la décision Demande présentée par Call‑Net en vertu de la partie VII - Promotion de la concurrence dans les services locaux de résidence, Décision de télécom CRTC 2004‑4, 27 janvier 2004 (la décision 2004‑4), le Conseil a prolongé de 3 à 12 mois la période d'interdiction de reconquête relative au service local de résidence en raison notamment du développement plus lent que prévu de la concurrence locale. Dans la décision Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale sur protocole Internet, Décision de télécom CRTC 2005‑28, 12 mai 2005, telle que modifiée par la Décision de télécom CRTC 2005‑28‑1, 30 juin 2005 (la décision 2005‑28), le Conseil a prolongé l'application de la règle de reconquête aux services VoIP locaux.

3 Au paragraphe 488 de la décision 2006‑15, le Conseil a conclu qu'il était disposé à examiner les demandes d'une ESLT qui réclame la suppression de la règle de reconquête du marché local dans un marché pertinent, du moment que la requérante peut prouver qu'elle a perdu 20 p. 100 de sa part de marché dans ce marché pertinent et qu'au cours des trois mois précédant la demande, elle a respecté les normes de chacun des 14 indicateurs de qualité de service pour les concurrents énoncés dans le plan de rabais tarifaire destiné aux concurrents, lorsqu'on établit la moyenne des résultats obtenus au cours de cette période de trois mois.

4 Le 7 juillet 2006, les activités régionales de télécommunication filaire de Bell Canada en Ontario et au Québec ont été regroupées avec, entre autres, les activités de télécommunication filaire d'Aliant Telecom Inc., de la Société en commandite Télébec et de NorthernTel, Limited Partnership en vue de créer Bell Aliant Communications régionales, société en commandite.

5 Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications : Rapport final - 2006, mars 2006.

Mise à jour : 2006-11-07

Date de modification :