ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2006-668

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Décision de radiodiffusion CRTC 2006-668

  Ottawa, le 11 décembre 2006
  Société Radio-Canada
L'ensemble du Canada
 

Plaintes concernant la diffusion de Sex Traffic et de Old School par le réseau anglais de la Société Radio-Canada avant l'heure critique

  Dans cette décision, le Conseil statue sur deux plaintes distinctes relatives à la diffusion par le réseau anglais de la Société Radio-Canada (SRC) de deux émissions contenant des scènes réservées à un auditoire averti. Le Conseil conclut qu'en diffusant Sex Traffic et Old School à 20 h, la titulaire n'a pas respecté l'objectif de la politique canadienne de radiodiffusion énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion et selon lequel la programmation devrait être de haute qualité. Le Conseil conclut que la diffusion de Sex Traffic à 20 h enfreint également l'article relatif à l'heure critique du Code d'application volontaire concernant la violence à la télévision de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, auquel la SRC doit se conformer par condition de licence.
 

Historique

1.

Le Conseil a été saisi de deux plaintes concernant la diffusion par la Société Radio-Canada (SRC) avant 21 h d'émissions réservées à un auditoire averti. La première plainte concerne la diffusion, le 17 avril 2005 à 20 h, de Sex Traffic, un docudrame en deux parties concernant le trafic de femmes d'Europe de l'Est sur le marché du sexe. La seconde plainte porte sur la diffusion, le 15 août 2005 à 20 h, d'une comédie intitulée Old School, superproduction américaine destinée à un auditoire averti.
 

Sex Traffic

 

L'émission

2.

Sex Traffic est un docudrame coproduit par le Canada et la Grande-Bretagne, qui explore le trafic notoire de centaines de milliers de jeunes Européennes de l'Est pour alimenter le marché de la prostitution des grandes villes d'Europe et d'Amérique du Nord. L'émission dévoile un marché mondial d'un milliard de dollars dans lequel les victimes, attirées par la promesse fallacieuse d'emplois à l'étranger, sont forcées de se livrer à la prostitution, réduites en servitude, et soumises à des abus sexuels et autres formes de violence et de coercition. L'émission suit le parcours de deux jeunes sours, originaires de Moldavie, qu'une suite d'opérations commerciales déplacent à travers la Roumanie, la Serbie, l'Albanie, la Bosnie, l'Italie pour aboutir dans les quartiers louches de Londres et montre comment, au long de leur parcours, elles sont trahies par des proxénètes, des policiers et des politiciens.
 

La plainte

3.

Le plaignant s'est adressé au Conseil par écrit le 22 avril 2005 pour dénoncer la diffusion de Sex Traffic, et en particulier une scène explicite de viol. Selon le plaignant, [traduction] « le message que tentait de véhiculer la SRC requiert certes d'être connu et traité, mais cela n'est pas une excuse pour exposer ce genre de matériel au public ». Le plaignant croit que le contenu en question ne convient pas du tout à la télévision, et surtout pas à l'antenne du diffuseur public. Pour finir, le plaignant dénonce le fait que cette émission a été diffusée aux heures de grande écoute.
 

Réplique de la titulaire

4.

La titulaire a répliqué à la plainte le 9 mai 2005. La SRC soutient que Sex Traffic explore une question importante pour tous les Canadiens, [traduction] « qui devraient être conscients de cette pratique honteuse et criminelle qui nous touche tous ». Elle explique que les émissions pour adultes sont généralement diffusées plus tard en soirée, mais que s'il lui arrive d'inscrire plus tôt à l'horaire une émission dont le sujet exige de la maturité, elle voit à l'encadrer par des mises en garde. Dans ce cas, la SRC affirme [traduction] « qu'il y a eu des mises en garde textuelles et sonores très claires au début de l'émission. Ces mises en garde ont été répétées plusieurs fois au cours de l'émission, notamment à chaque reprise après les pauses publicitaires. »
 

Analyse et décision du Conseil concernant Sex Traffic

5.

Lors de son examen, le Conseil a tenu compte des motifs du plaignant, de la réponse de la titulaire et de sa propre analyse du contenu. Le Conseil a effectué cette analyse eu égard à une condition de licence de la titulaire qui l'oblige à se conformer au Code d'application volontaire concernant la violence à la télévision (le Code sur la violence) publié par l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), et en fonction des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), dont celui énoncé à l'article 3(1)g) suivant lequel la programmation devrait être de haute qualité.

6.

Le Conseil est d'avis que les codes d'industrie comme le Code sur la violence constituent en général de bons points de référence pour déterminer les normes d'éthique courantes en radiodiffusion. Dans le cas présent, pour évaluer la haute qualité de l'émission, le Conseil en a examiné le contenu à la lumière des articles 1.1, 3.1.1, 5.1 et 5.2 du Code sur la violence, qui s'énoncent comme suit :
 

Article 1.1

 

Les télédiffuseurs canadiens ne doivent pas diffuser d'émissions qui :

 
  • renferment des scènes de violence gratuite*, sous quelque forme que ce soit;
 
  • endossent, encouragent ou glorifient la violence.
 

(*Gratuit s'entend de ce qui n'est pas inhérent au déroulement de l'intrigue, à l'évolution des personnages ou au développement du thème de l'émission dans son ensemble.)

 

Article 3.1.1

 

Les émissions comportant des scènes violentes et destinées à un auditoire adulte ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h et 6 h.

 

Article 5.1

 

Pour aider le téléspectateur à faire son choix d'émissions, les télédiffuseurs doivent présenter des mises en garde au début et pendant la première heure d'émission diffusée pendant la plage des heures tardives, qui contient des scènes de violence à l'intention d'auditoires adultes.

 

Article 5.2

 

Les télédiffuseurs doivent diffuser des mises en garde au début et pendant la présentation d'émissions diffusées hors de la plage des heures tardives et qui contiennent des scènes de violence qui ne conviennent pas aux jeunes enfants.

7.

Après avoir étudié le contenu de l'émission, le Conseil conclut que Sex Traffic traite son sujet d'une manière détaillée, poignante, parfois choquante et souvent touchante. De l'avis du Conseil, l'émission ne comporte pas de violence excessive, sauf pour une scène de viol très explicite qui pourrait s'avérer assez perturbante pour plusieurs téléspectateurs. Les éléments de violence dans cette émission sont tout à fait en contexte et, par conséquent, le Conseil est d'avis que l'émission n'a pas enfreint l'article 1.1 du Code sur la violence.

8.

En ce qui concerne les mises en garde que préconise le Code sur la violence (articles 5.1 et 5.2), la SRC a clairement annoncé aux téléspectateurs la nature explicite, parfois violente de l'émission. La SRC a ponctué sa diffusion de mises en garde précises, en plus de confier à l'actrice Cara Pifko, agissant à titre d'hôtesse de l'émission, le soin de préciser le contenu complexe et perturbant de Sex Traffic. Le Conseil est d'avis que les efforts déployés par la SRC pour bien informer les auditeurs du contenu de Sex Traffic respectent les articles du Code sur la violence relatifs aux mises en garde.

9.

Pour la portion de la plainte relative à l'heure de diffusion, le Conseil a demandé à la SRC d'expliquer sa politique en matière d'horaire à la lumière des articles du Code sur la violence concernant l'inscription à l'horaire (article 3.1.1). Dans une lettre datée du 24 novembre 2005, la SRC explique qu'elle [traduction] « présente fidèlement son bulletin de nouvelles six soirs par semaine à 22 h, en plein cour de la période de grande écoute. Nous sommes le seul radiodiffuseur nord-américain à pratiquer cet usage. Nous croyons qu'il s'agit d'une autre façon importante de remplir notre rôle en tant que diffuseur public national. »
10. Cela dit, la SRC reconnaît que certaines scènes de Sex Traffic renferment de la violence et s'adressent vraisemblablement à un auditoire averti. La SRC ajoute qu'elle [traduction] « prendra des mesures additionnelles pour voir à ce que notre processus d'analyse de la programmation et de prise de décisions tienne compte davantage des dispositions du Code sur la violence de l'ACR ».

11.

Bien que les mises en garde faites par la SRC furent de précieux outils pour informer les spectateurs éventuels des risques liés au contenu de l'émission en question, le Conseil est d'avis que les mises en garde n'excusent pas le dommage que peut causer la diffusion, avant l'heure critique, d'un contenu clairement réservé à un public averti. Le Conseil a pris note de l'engagement de la SRC à mettre d'autres mesures en place pour que les dispositions du Code sur la violence soient respectées, mais constate que la SRC n'a pas précisé de quelles mesures il s'agissait.

12.

Considérant ce qui précède, le Conseil juge qu'en omettant de diffuser Sex Traffic après l'heure critique, la SRC a enfreint sa condition de licence à l'égard de l'article 3.1.1 du Code sur la violence. Par la même occasion, la SRC s'est trouvée à enfreindre l'objectif de la politique canadienne sur la radiodiffusion énoncé à l'article 3(1)g) de la Loi et selon lequel la programmation devrait être de haute qualité.
 

Old School

 

L'émission

13.

Old School est un long métrage comique qui raconte les exploits loufoques d'un groupe d'hommes dans la trentaine qui, ayant essuyé une série de revers dans leurs relations, décident de fonder une association rattachée au collège local dans l'espoir de revivre leur jeunesse. La version diffusée par le réseau anglais de la SRC, en format DVD, était classée 18A1 par son distributeur, Dreamworks Pictures, en raison du langage grossier, des thèmes abordés et du contenu sexuel explicite. La régie du cinéma de l'Ontario classe Old School dans la catégorie 18 ans et plus2.
 

La plainte

14.

Dans ce cas, le plaignant a écrit le 15 août 2005 pour dénoncer le fait que le contenu de ce long métrage auquel il s'objecte a été présenté à l'écran entre 20 h et 20 h 30. Il s'agissait selon lui d'un contenu [traduction] « tout à fait inapproprié, étant donné des scènes de nudité (de dos et de face) et la grossièreté du langage ». Le plaignant ajoute que le contenu de l'émission l'a contraint à éteindre le téléviseur lorsque ses enfants sont entrés dans la pièce.
 

Réponse de la titulaire

15.

La titulaire a répliqué à la plainte le 31 août 2005. Elle reconnaît que le contenu de Old School pouvait déranger certains téléspectateurs. Consciente de ce fait, la SRC assure qu'elle a fait paraître des mises en garde au début du film et après chaque pause publicitaire pendant la diffusion du film.

16.

Le 6 septembre 2005, le Conseil a demandé à la SRC d'étoffer sa réponse à la plainte et de lui faire parvenir un ruban-témoin de l'émission. Malgré deux rappels, le Conseil n'a jamais reçu de réponse écrite à cette demande. En février 2006, la SRC s'est contentée de remettre au Conseil une version du film en DVD, au lieu du ruban-témoin demandé.
 

Analyse et décision du Conseil concernant Old School

17.

Comme dans le cas discuté plus haut, le Conseil a tenu compte, lors de son examen, des motifs du plaignant, de la réponse de la titulaire et de sa propre analyse du contenu. Le Conseil a effectué cette analyse en fonction des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion de la Loi, dont celui énoncé à l'article 3(1)g) suivant lequel la programmation devrait être de haute qualité.

18.

L'article 10 (Télédiffusion) du Code de déontologie de l'ACR précise que les émissions à l'intention des auditoires adultes ayant du contenu sexuellement explicite ou comportant du langage grossier ou injurieux ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h et 6 h. Cette disposition reflète le principe de « l'heure critique » qui a d'abord été établi dans le Code sur la violence de l'ACR pour s'assurer que les émissions renfermant des scènes de violence et réservées à un public averti ne seraient pas diffusées à des heures où de jeunes enfants risquent de se trouver devant l'écran. Même si la SRC n'est pas tenue, par condition de licence, de se conformer au Code de déontologie, le Conseil estime qu'aux fins de définir en quoi consiste une émission de haute qualité au sens de la Loi, la notion d'heure critique reflète une norme sociale applicable à l'éthique autant du radiodiffuseur public que des radiodiffuseurs privés.

19.

Après avoir étudié le contenu de l'émission, le Conseil conclut que Old School s'adresse clairement à un public averti. De plus, le Conseil conclut que pour de multiples raisons englobant la grossièreté du langage, les scènes de nudité et les thèmes réservés à un public averti dont la pornographie, la sexualité de groupe et les beuveries, la diffusion par la SRC de Old School, avant l'heure critique et selon toute vraisemblance dans sa version intégrale, était inappropriée. Les efforts déployés par la titulaire pour mettre les auditeurs en garde ne suffisent pas à justifier la diffusion, avant l'heure critique, d'un film classé 18 ans et plus ou 18A par les autorités.

20.

En l'absence d'un ruban-témoin, le Conseil n'est pas en mesure de confirmer si la diffusion affichait ou non les classifications à l'écran. Néanmoins, le Conseil signale que les classifications et les mises en garde ne relèvent pas les télédiffuseur de leur obligation de respecter l'heure critique. Tous ces mécanismes sont prévus pour éclairer ensemble le choix des téléspectateurs adultes et les assurer que leurs jeunes enfants ne sont pas exposés à des émissions qui ne leur conviennent pas.

21.

Le Conseil conclut donc qu'en diffusant Old School avant l'heure critique, la SRC n'a pas atteint l'objectif de haute qualité de la politique canadienne de radiodiffusion énoncé à l'article 3(1)g) de la Loi.
 

Conclusions

22.

Le Conseil s'attend à ce que la SRC s'assure que l'inscription à l'horaire d'une émission comportant des scènes de violence et de sexualité explicite, ou traitant de sujets réservés à un public averti, se conforme à la norme de l'industrie selon laquelle ce type d'émissions doit être diffusé après 21 heures. Le Conseil examinera, lors du renouvellement de la licence, la conformité de la SRC avec cette obligation.

23.

Le Conseil rappelle à la titulaire l'importance de garder les rubans-témoins pour être prête en tout temps à les remettre au Conseil sur demande, comme l'exige l'article 10 du Règlement de 1987 sur la télédiffusion. Le Conseil s'attend à ce que SRC prenne les dispositions nécessaires pour être en mesure de fournir les rubans-témoins au Conseil dans un délai raisonnable et l'informe des mesures mises en place à cet effet dans les trente (30) jours suivant la publication de cette décision.
  Secrétaire général
  La présente décision devra être annexée à la licence. Elle est disponible sur demande, en média substitut et peut également être consultée en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca
  Notes de bas de page:
1Les personnes de moins de 18 ans doivent être accompagnées d'un adulte.

2S'adresse à un public de 18 ans et plus.

Mise à jour : 2006-12-11

Date de modification :