Décision de télécom CRTC 2004-56

Ottawa, le 26 août 2004

Demandes de sursis ainsi que de révision et de modification des décisions de télécom CRTC 2002-56 et 2003-27

Référence : 8662-W32-200308131 et 8680-W32-200307315

Dans la présente décision, le Conseil agrée la demande présentée par West Coast TelTech Ltd. et par A&A Call Link Telesolutions Ltd. en vue de réviser et de modifier la décision Instance de suivi de la décision de télécom CRTC 2002-56 - Compensation pour la perte de revenus d'interurbain associée à l'élargissement de zones d'appel local, Décision de télécom CRTC 2003-27, 7 mai 2003 (la décision 2003-27). Le Conseil n'estime pas nécessaire de réviser et de modifier la décision Cadre régissant l'élargissement des zones d'appel local, Décision de télécom CRTC 2002-56, 12 septembre 2002 (la décision 2002-56).

La conclusion susmentionnée rend inutile la demande de sursis des décisions 2002-56 et 2003-27 que les requérantes ont présentée, tant que le Conseil n'a pas statué sur la demande de révision et de modification des deux décisions.

1. Le 6 juin 2003, West Coast TelTech Ltd. (West Coast) et A&A Call Link Telesolutions Ltd. (A&A) (collectivement, les requérantes) ont déposé une demande en vertu de l'article 55 et du paragraphe 61(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi) ainsi que de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications (les Règles) en vue de surseoir à l'exécution de la décision Instance de suivi de la décision de télécom CRTC 2002-56 - Compensation pour la perte de revenus d'interurbain associée à l'élargissement de zones d'appel local, Décision de télécom CRTC 2003-27, 7 mai 2003 (la décision 2003-27), et de la décision Cadre régissant l'élargissement de zones d'appel local, Décision de télécom CRTC 2002-56, 12 septembre 2002 (la décision 2002-56). Le 27 juin 2003, les requérantes ont également déposé auprès du Conseil une demande de révision et de modification des deux décisions, en vertu de l'article 62 de la Loi ainsi que de la partie VII des Règles.

2. Les requérantes ont demandé que le Conseil :

3. Dans une lettre du personnel du Conseil datée du 16 juin 2003, les parties ont été informées que le Conseil traiterait les deux demandes en même temps et elles ont été invitées à déposer des observations. Les requérantes avaient 10 jours pour répliquer à ces observations.

4. La ville d'Ottawa (Ottawa), la ville du Grand Sudbury (Sudbury), Distributel Communications Ltd. (Distributel), H.M.Net Technologies Inc. (H.M.Net), Info-Touch Communications Systems (Info-Touch), SelectCom Inc. (SelectCom), Tatlayoko Think Tank Ltd. (TTT), TELUS Communications Inc. (TELUS) ainsi que l'Union des consommateurs et l'Association des consommateurs du Canada (les Consommateurs) ont déposé des observations avant le 15 juillet 2003. Les requérantes ont répliqué le 25 juillet 2003.

Historique

Élargissement des zones d'appel local sans frais d'interurbain

5. Dans l'avis Cadre régissant l'élargissement des zones d'appel local et questions connexes, Avis public CRTC 2001-47, 27 avril 2001 (l'avis 2001-47), le Conseil a amorcé une instance en vue d'établir un ensemble de principes généraux et de critères devant servir à évaluer les demandes d'élargissement des ZAL. Le Conseil a sollicité des observations sur ces principes et critères, sur les questions énumérées dans l'avis 2001-47 et sur toute autre question visée par l'instance. Il était notamment question de savoir si, dans l'éventualité où une ZAL était créée ou élargie, il faudrait dédommager les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et/ou les concurrents pour la perte de revenus d'interurbain, et de quelle manière.

6. Dans la décision 2002-56, le Conseil a annoncé un nouveau cadre régissant l'élargissement des ZAL. Le Conseil a fait remarquer que les concurrents ont fait d'importants investissements dans le marché de l'interurbain et il a estimé qu'à cause de leur position dans le marché, il se peut que les concurrents ne puissent modifier les offres de services et les tarifs afin de recouvrer les revenus d'interurbain perdus. Le Conseil a également estimé que toutes les entités devraient être traitées équitablement. Le Conseil a donc établi un nouveau cadre prévoyant pour les ESLT et les concurrents une compensation pour les revenus d'interurbain perdus à la suite de la création ou de l'élargissement d'une ZAL.

7. Dans ce cadre, le Conseil a établi un plan visant à dédommager les ESLT et les concurrents de l'interurbain pour certains des coûts associés à la création ou à l'élargissement d'une ZAL. Le plan prévoyait une compensation, sur demande, aux :

8. Le Conseil a conclu que les abonnés qui bénéficient de l'élargissement d'une ZAL devraient assumer les coûts liés à la perte des revenus d'interurbain en payant un supplément mensuel temporaire qui serait perçu par l'ESLT. Le Conseil a déclaré qu'en dédommageant les ESLT et les concurrents de façon permanente, les consommateurs risqueraient de payer trop cher l'élargissement des ZAL.

9. Le Conseil a déclaré qu'ayant conclu qu'il est raisonnable de dédommager les ESLT et les concurrents de l'interurbain pour les revenus d'interurbain perdus pendant une période fixe, il était d'avis préliminaire que le montant de la compensation devrait équivaloir à trois ans de revenus d'interurbain perdus. Le Conseil a donc amorcé une instance de suivi pour permettre aux parties de soumettre leurs observations sur cet avis préliminaire.

10. Dans la décision 2003-27, le Conseil a conclu de façon définitive que la compensation des fournisseurs de services interurbains pour les ZAL élargies équivaudrait à trois ans de revenus d'interurbain perdus.

11. Au paragraphe 46 de la décision 2003-27, le Conseil a déclaré :

Le Conseil prend note des observations de TELUS selon lesquelles les revendeurs de services locaux n'ont jamais été considérés comme des concurrents de l'interurbain et, comme ils ne fournissent à leurs abonnés que la zone d'appel local élargie, ils ne seraient pas admissibles à une compensation pour leurs revenus d'interurbain perdus. Le Conseil fait en outre remarquer que dans la décision Bell Canada - Requête en interdiction de la revente du service Centrex III par la Distributel Communications Limited, Décision de télécom CRTC 89-2, 7 février 1989, le Conseil a déclaré que le service Metroplus de Distributel Communications Limited (Distributel) était basé sur la revente, à un tarif mensuel fixe, du service Centrex III fourni à partir d'une circonscription principale offrant des appels sans frais d'interurbain avec des circonscriptions avoisinantes. Par conséquent, le service Metroplus reliait effectivement deux appels locaux et évitait ainsi les frais d'interurbain qui s'appliqueraient normalement. Le Conseil a conclu que le service fourni par Distributel était décrit à juste titre comme un service local. Par conséquent, en ce qui concerne le nouveau cadre régissant l'élargissement des ZAL, les revendeurs de services locaux, selon le Conseil, ne sont pas considérés comme des concurrents de l'interurbain et ne sont donc pas admissibles à une compensation pour les revenus d'interurbain perdus.

Position des parties

Les requérantes

12. West Coast a déclaré qu'elle offrait des services d'appel régionaux dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique à l'aide d'une configuration de réseau à transit simple. West Coast a fait valoir que ses services d'appel régionaux étaient en concurrence directe avec les services interurbains de TELUS et d'autres fournisseurs de services interurbains qui exploitent dans le territoire de desserte de West Coast, dont A&A.

13. A&A a fait valoir que ses services d'appel sans frais d'interurbain dans le Lower Mainland ressemblaient aux services d'appel régionaux de West Coast et qu'ils étaient en concurrence avec d'autres services interurbains. A&A a déclaré que ses services d'appel sans frais d'interurbain dans le Lower Mainland permettaient aux abonnés situés dans une circonscription locale de son territoire de desserte d'appeler dans une autre circonscription locale de son territoire de desserte sans avoir à payer les frais par minute ou d'autres frais d'interurbain qui s'appliqueraient autrement.

14. Les requérantes ont fait valoir que les instances qui ont mené aux décisions 2002-56 et 2003-27étaient injustes, parce qu'aucune d'elles ne portait sur la question de ce qui constituait un « concurrent de l'interurbain ». Pour appuyer leurs dires, les requérantes ont présenté les arguments suivants :

15. Les requérantes ont souligné que de l'avis de TELUS, les revendeurs de services à transit simple ne devraient pas être admissibles à une compensation uniquement à l'étape de la réplique de l'instance qui a mené à la décision 2003-27, soit trop tard pour qu'elles puissent formuler des observations.

16. Les requérantes ont soutenu que lorsque le Conseil a déclaré les revendeurs de services locaux non admissibles à une compensation, il a débordé le cadre de l'instance qui a mené à la décision 2003-27, puisque la seule question dans cette instance était la durée de la période de compensation.

17. Les requérantes ont fait valoir que lorsqu'il a établi que les revendeurs de services locaux n'étaient pas admissibles à une compensation, le Conseil n'avait avisé officiellement aucune partie qu'il songeait à élargir la portée de l'instance de suivi de la décision 2002-56 de manière qu'elle inclue l'admissibilité à une compensation. Les requérantes ont en outre fait valoir que le Conseil s'est basé sur une décision ou un principe qu'aucune partie n'a soulevé, et que lui-même n'a pas identifié au cours de l'instance de suivi comme devant faire l'objet d'observations.

18. Les requérantes ont fait valoir que selon les principes de justice naturelle, il est clair qu'elles ont le droit d'être entendues au sujet de la question de savoir si les revendeurs de services locaux, y compris les revendeurs de services à transit simple, devraient pouvoir recevoir une compensation pour la perte de revenus d'interurbain dans le nouveau cadre que le Conseil a établi pour l'élargissement des ZAL. Les requérantes ont fait valoir que, parce que l'admissibilité à une compensation n'était pas soulevée dans les instances qui ont mené aux décisions contestées, elles n'ont eu ni le droit ni la chance de commenter cette question avant la publication de la décision 2003-27.

19. Les requérantes ont soutenu que les revendeurs de services locaux et les autres fournisseurs de services interurbains livrent concurrence dans le marché des interurbains et offrent des services équivalents sur le plan fonctionnel, et que les deux groupes subiraient une perte de revenus après l'élargissement de ZAL. Les requérantes ont soutenu que, selon les méthodes de l'analyse de marché généralement utilisées par les concurrents et les organismes de réglementation au Canada et aux États-Unis, de même que par le Conseil dans ses Rapports à la gouverneure en conseil intitulés État de la concurrence dans les marchés des télécommunications au Canada (rapports de surveillance), la revente de services à transit simple peut remplacer les services interurbains, et les revendeurs de services à transit simple sont des concurrents de l'interurbain.

20. Les requérantes ont en outre déclaré que selon le glossaire des termes utilisés par le Conseil dans son analyse de marché et aux fins des exigences en matière de dépôt et de l'analyse des conditions de la concurrence dans les rapports de surveillance, la revente de services à transit simple est définie comme un service interurbain.

21. Les requérantes ont fait remarquer que c'est à partir des investissements des autres concurrents de l'interurbain qu'a été calculée la compensation à verser conformément aux principes établis dans la décision 2002-56. Les requérantes ont fait remarquer que les revendeurs de services à transit simple comme West Coast et A&A avaient fait également des investissements importants et elles ont soutenu que l'élargissement des ZAL rendrait le transit simple non viable. Les requérantes ont fait valoir que lorsque l'élargissement de la zone d'appel sans frais d'interurbain a été introduit dans le Grand Vancouver en 1999, les revenus d'A&A et sa clientèle ont diminué de 80 %.

22. Les requérantes ont fait valoir que le fait de ne pas dédommager les revendeurs de services à transit simple, tout en dédommageant les autres concurrents de l'interurbain, est incompatible avec le principe d'équité exposé dans la décision 2002-56 et selon lequel il faut dédommager tous les concurrents de l'interurbain, ainsi qu'avec le principe et l'objectif de l'équité concurrentielle.

23. Les requérantes ont fait valoir que, dans la décision 2003-27, le Conseil s'est fondé sur la décision 89-2 lorsqu'il a déclaré que les revendeurs de services locaux n'étaient pas des concurrents de l'interurbain et qu'ils ne pouvaient donc pas recevoir de compensation pour la perte de revenus d'interurbain. Les requérantes ont fait valoir que le contexte réglementaire a changé depuis la publication de la décision 89-2.

24. De plus, les requérantes ont soutenu que le Conseil a commis une erreur de fait quand il a déclaré les requérantes non admissibles à une compensation, parce que les requérantes ne revendaient pas des services Centrex, et que sur le plan technique, leur configuration était différente de celle des revendeurs de services Centrex. Les requérantes ont conclu qu'il existait donc un doute réel quant à la rectitude de la décision 2003-27.

Revendeurs de services à transit simple

25. Distributel, H.M.Net, Info-Touch et SelectCom ont appuyé les arguments des requérantes. Distributel a affirmé que l'admissibilité à une compensation n'a pas été abordée dans les instances qui ont mené aux décisions 2002-56 et 2003-27. Distributel a déclaré qu'au cours de l'instance qui a abouti à la décision 2002-56, certaines parties ont exprimé l'opinion qu'il faudrait dédommager tous les concurrents pour la perte de revenus d'interurbain découlant de l'élargissement de ZAL. Selon Distributel, dans la décision 2002-56, le Conseil a appuyé cette opinion lorsqu'il a déclaré que tous les concurrents de l'interurbain devraient être traités de la même façon. Distributel a notamment fait valoir que si la question de l'admissibilité à une compensation avait été à l'ordre du jour, la compagnie aurait participé aux instances.

26. Distributel a soutenu que l'exclusion des revendeurs de services à transit simple était injuste puisque ces revendeurs commercialisent leurs services en tant que services interurbains et que leurs clients ont continué d'obtenir le service local auprès d'une entreprise de services locaux.

27. SelectCom a fait valoir qu'il est préjudiciable de créer différentes catégories de fournisseurs de services interurbains dont certains seulement ont droit à une compensation.

28. H.M.Net et SelectCom ont fait valoir que la décision 2003-27 semble impliquer que les revendeurs de services locaux ne recevraient pas de compensation pour les revenus d'interurbain perdus. Elles ont déclaré que leurs services ne se limitaient pas à la revente de services à transit simple et que le fait qu'elles revendent des services à transit simple ne devrait pas les empêcher de recevoir une compensation pour la perte de revenus d'interurbain découlant de l'élargissement des ZAL.

Groupes d'intérêt public

29. Les Consommateurs ont soutenu que la demande de révision et de modification devrait être approuvée et que le Conseil devrait amorcer une autre instance afin de dédommager toutes les parties pour les pertes réellement subies par suite de la création ou de l'élargissement de ZAL.

30. Les Consommateurs ont également fait valoir que lorsqu'une ZAL est créée ou élargie, il faudrait tenir compte de tous les revenus perdus et des coûts supplémentaires pour évaluer correctement l'impact de la création ou de l'élargissement de la ZAL sur les tarifs que paient les abonnés.

31. Les Consommateurs ont soutenu que dans la décision 89-2 et la décision Bell Canada c. Distributel Communications Limited et autres et London Telecom c. Bell Canada - Revente de services locaux, Décision Télécom CRTC 91-6, 10 mai 1991 (la décision 91-6), les revendeurs de services Centrex à transit simple étaient considérés comme des fournisseurs de services locaux pour des raisons techniques. Les Consommateurs ont soutenu que l'étude du marché que desservent les revendeurs de services Centrex et d'autres services locaux a révélé que leurs services remplaçaient les services interurbains, notamment les services interurbains offerts par les ESLT et les entreprises de services locaux concurrentes.

Autres intervenants

32. Ottawa, Sudbury et TELUS se sont opposées aux demandes de révision et de modification des décisions 2002-56 et 2003-27. Sudbury a soutenu que ces demandes à l'égard des décisions contestées ne sont aucunement fondées puisqu'il n'y a ni erreur de droit, ni changement dans les circonstances, ni fait nouveau.

33. Ottawa a fait valoir que pour les requérantes, une perte de revenus des services qui peuvent être considérés comme des remplacements des services interurbains dans des situations particulières équivaut à une « perte de revenus d'interurbain », étant donné que cette expression est utilisée dans les décisions contestées.

34. De plus, Ottawa et TELUS ont fait valoir que la question principale dans cette instance est de savoir si la revente de services locaux à transit simple constitue un service local ou un service interurbain. Elles ont fait valoir que dans les décisions 89-2 et 91-6 et dans de nombreuses autres décisions, le Conseil a toujours conclu que la revente de services Centrex à transit simple constituait un service local et que la revente du service Centrex à transit double, lequel assure la liaison entre des circonscriptions où aucun abonné ne reçoit le service régional, constituait un service interurbain. Ottawa a fait remarquer qu'il n'est pas indiqué dans la décision 2002-56 que ces décisions ne seraient plus pertinentes.

35. TELUS a fait valoir que les requérantes n'ont pas fait la preuve qu'un service à transit simple devrait être un service interurbain et non un service local sans compter qu'elles n'ont fourni aucun argument justifiant la remise en question des décisions antérieures voulant que la revente de services Centrex à transit simple soit un service local. TELUS a ajouté que dans l'ordonnance Télécom CRTC 97-590, 1er mai 1997 (l'ordonnance 97-590) dans laquelle le Conseil a apporté des modifications à la contribution applicable à l'interurbain, le Conseil a maintenu que la revente de services Centrex à transit simple était un service local.

36. Ottawa et TELUS ont soutenu que les différences techniques dans la façon dont Distributel fournit son service Metroplus, approuvé dans la décision 89-2, et dans la façon dont les requérantes fournissent leur service sont négligeables sur le plan de la réglementation, étant donné que les résultats pour les clients des services de détail sont les mêmes.

37. Ottawa et TELUS ont soutenu que les instances ayant mené aux décisions 2002-56 et 2003-27étaient justes parce que dans l'avis 2001-47, la compensation pour les revenus d'interurbain perdus figurait parmi les questions abordées dans l'instance qui a mené à la décision 2002-56, et parce que le Conseil a toujours conclu que la revente de services à transit simple était un service local.

38. Selon Ottawa, le Conseil n'a pas commis d'erreur de fait et n'a pas refusé aux requérantes une procédure équitable lorsqu'il a déclaré dans la décision 2003-27 que la revente de services à transit simple n'était pas admissible à une compensation aux termes du nouveau cadre régissant les ZAL. Ottawa a ajouté que dans la mesure où le service des requérantes n'est pas un service interurbain, le fait de ne pas dédommager les revendeurs de services locaux n'est pas contraire au principe établi dans la décision 2002-56, à savoir que tous les fournisseurs de services interurbains devraient être dédommagés.

39. TELUS a fait valoir qu'avant l'étape de la réplique dans l'instance qui a mené à la décision 2002-56, elle avait commenté la position des requérantes selon laquelle elles devraient être dédommagées pour la perte de revenus découlant de l'élargissement d'une ZAL.

40. TELUS a soutenu qu'il est évident que lorsque le Conseil a utilisé le terme « concurrent » dans l'avis 2001-47 et dans les décisions 2002-56 et 2003-27, il faisait référence aux « concurrents qui fournissent des services interurbains ». De la même manière, dans l'avis 2001-47, il est dit clairement que le cadre de l'instance inclut la question de savoir s'il « faudrait [.] dédommager les ESLT et/ou leurs concurrentes pour les pertes de revenus dans le secteur de l'interurbain, et de quelle manière ». TELUS a soutenu que les requérantes ne sont pas des fournisseurs de services interurbains et qu'elles n'ont aucune raison valable de croire qu'elles pourraient être considérées comme des fournisseurs de services interurbains. Selon TELUS, les requérantes n'ont pas tenu compte à cet égard d'une série de décisions plus récentes que la décision 89-2, notamment la décision 91-6 et l'ordonnance 97-590, dans lesquelles le Conseil a conclu que les revendeurs de services à transit simple sont des fournisseurs de services locaux. TELUS a fait remarquer que le Conseil avait systématiquement statué que même si la revente de services à transit multiple était un service interurbain, la revente de services Centrex à transit simple ne l'était pas.

41. TELUS a soutenu que la décision 2003-27 a simplement précisé qu'en tant que fournisseurs de services locaux, les revendeurs de services à transit simple ne sont pas admissibles à une compensation. TELUS a donc soutenu que le Conseil n'a pas commis d'erreur de droit en déclarant que les revendeurs de services Centrex et d'autres services locaux n'avaient pas droit à une compensation.

42. Sudbury a fait remarquer qu'au cours de l'instance qui a mené à la décision 2002-56, les requérantes avaient affirmé qu'elles voulaient recevoir une compensation, et qu'elles l'avaient également indiqué dans leurs observations définitives dans cette instance. Sudbury a ajouté qu'à la suite de la réponse de TELUS à une des demandes de renseignements, les requérantes savaient que l'élargissement du service régional présentait un risque pour les revendeurs de services à transit simple et qu'en cas d'élargissement d'une ZAL, ils risqueraient de ne pas obtenir de compensation. Sudbury a soutenu que les requérantes auraient pu demander qu'il leur soit accordé plus de temps au cours de l'instance pour examiner la situation des revendeurs de services Centrex et d'autres services locaux.

43. Ottawa a déclaré qu'elle avait demandé que Bell Canada enclenche le processus d'élargissement de la ZAL d'Ottawa, et que tout autre retard dans la réglementation serait tout à fait « déraisonnable ». Ottawa et Sudbury ont fait valoir que si le Conseil agréait la demande de révision et de modification des décisions contestées, il devrait se contenter de modifier les deux décisions sans processus supplémentaire.

Réplique des requérantes

44. En réplique, les requérantes ont réitéré que le Conseil a commis une erreur de fait dans la décision 2003-27, en fondant uniquement sur la décision 89-2 sa conclusion selon laquelle les revendeurs de services locaux ne sont pas admissibles à une compensation pour la perte de revenus d'interurbain, étant donné que, sur le plan technique, les services de revente à transit simple ne sont pas configurés de la même manière que le service Metroplus de Distributel, qui faisait l'objet de la décision 89-2.

45. Les requérantes ont fait valoir que la caractérisation faite par le Conseil de ce qu'était alors le service Metroplus de Distributel dans la décision 89-2 était peut-être pertinente dans le cadre de réglementation qui s'appliquait alors à la revente et au partage, mais que la présente affaire est liée à un cadre de réglementation pour l'élargissement des ZAL entièrement différent et que le Conseil a introduit de nombreuses années plus tard. Les requérantes ont fait remarquer qu'entre 1989, année de la publication de la décision 89-2, et 2003, année de la publication de la décision 2003-27 comme suivi de la décision 2002-56, les télécommunications au Canada ont subi d'importantes transformations, y compris les forces du marché et la réglementation par le Conseil.

46. Les requérantes ont également réitéré que la revente de services à transit simple équivaut sur le plan fonctionnel aux traditionnels services interurbains à communications tarifées ou services interurbains, et que ces services se font donc concurrence dans le même marché.

47. Les requérantes ont fait valoir que, sans compensation, le nouveau cadre régissant les ZAL pourrait forcer de nombreux revendeurs de services à transit simple à fermer leurs portes. Elles ont soutenu qu'elles n'ont eu ni préavis suffisant, ni une véritable chance de s'exprimer sur les considérations factuelles et juridiques qui entourent leur admissibilité à une compensation.

48. Les requérantes ont également soutenu qu'aucune personne raisonnable ne pourrait conclure, à la lecture de la décision 2002-56, que les revendeurs de services à transit simple n'avaient pas droit à une compensation, et elles ont soutenu que, dans la décision 2003-27, le Conseil avait donc fait plus que simplement apporter un éclaircissement lorsqu'il les a déclarées non admissibles à la compensation.

Analyse et conclusions du Conseil

49. Dans l'avis Lignes directrices relatives aux demandes de révision et de modification, Avis public Télécom CRTC 98-6, 20 mars 1998 (l'avis 98-6), le Conseil a affirmé que pour exercer les pouvoirs que lui confère l'article 62 de la Loi, les requérantes doivent lui prouver qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision initiale, résultant, par exemple :

  1. d'une erreur de droit ou de fait;
  2. d'un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision;
  3. du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans la procédure initiale;
  4. d'un nouveau principe découlant de la décision.

50. Dans l'avis 2001-47, le Conseil a établi une instance afin, notamment, de déterminer si les ESLT et/ou les concurrents devraient être dédommagés pour la perte de revenus d'interurbain, et de quelle manière, et déterminer pour quelles dépenses les ESLT devraient être dédommagées lorsqu'une ZAL est créée ou élargie.

51. Dans la décision 2002-56, le Conseil a établi qu'à cause de leur position dans le marché, il est possible que les concurrents ne puissent modifier les offres de services ou les tarifs afin de pouvoir recouvrer les revenus d'interurbain perdus. Le Conseil a également estimé que tous les concurrents de l'interurbain devraient être traités équitablement. Par conséquent, le Conseil a conclu qu'une compensation devrait être versée aux ESLT et aux concurrents pour la perte de revenus d'interurbain découlant de la création ou de l'élargissement d'une ZAL.

52. Le Conseil fait remarquer que les requérantes ont soutenu, et plusieurs intervenants, y compris Ottawa, ont convenu, que des services de revente à transit simple ont quelques-unes des fonctionnalités des traditionnels services interurbains à communications tarifées ou services interurbains (intercirconscriptions), et livrent donc une concurrence dans le marché de l'interurbain. Le Conseil fait en outre remarquer qu'il a déclaré dans la décision 89-2 que la revente du Centrex à transit simple offre la possibilité de faire des appels intercirconscriptions. En fait, la revente de services Centrex à transit simple est un type de revente à transit simple, et dans tous les cas ces services de revente à transit simple livrent concurrence aux services interurbains.

53. Les requérantes ont fait valoir que le fait de ne pas dédommager les revendeurs de services à transit simple, tout en dédommageant les autres concurrents de l'interurbain, était incompatible avec le principe d'équité établi dans la décision 2002-56, de dédommager tous les concurrents de l'interurbain, ainsi qu'avec le principe et l'objectif de l'équité concurrentielle. SelectCom a ajouté que créer arbitrairement des catégories différentes de fournisseurs de services interurbains, en n'en dédommageant que quelques-uns, était préjudiciable.

54. Le Conseil estime que les fournisseurs de services qui désirent fournir des services intercirconscriptions peuvent choisir divers arrangements techniques pour offrir leurs services. Par exemple, ils peuvent dispenser des services au moyen de leurs propres installations, ou les louer auprès d'autres entreprises. Les fournisseurs de services peuvent revendre les services fournis par les ESLT ou par d'autres entreprises, ou encore offrir la revente de services à transit simple en utilisant des installations louées, ou la revente de services Centrex à transit simple. Le Conseil s'attend à ce que chaque fournisseur de services choisisse les arrangements techniques qu'il trouve les plus avantageux dans son cas.

55. Compte tenu des alternatives qui sont ouvertes aux concurrents qui désirent offrir des services interurbains, le Conseil estime qu'il serait davantage compatible avec le principe de l'équité concurrentielle à l'endroit de tous les concurrents, exposé dans la décision 2002-56, de baser la compensation pour la perte de revenus d'interurbain découlant de la création ou de l'élargissement de ZAL sur le marché dans lequel un service livre concurrence, plutôt que sur la configuration technique utilisée pour fournir le service, ou sur la question de savoir si le service a été classé comme un service interurbain ou un service local à d'autres fins.

56. De plus, le Conseil fait remarquer que les clients de revendeurs de services à transit simple souscrivent à des services de ces fournisseurs de services afin d'obtenir des services intercirconscriptions. Toutefois, ces clients continuent d'obtenir leur service local d'une entreprise de services locaux, habituellement l'ESLT.

57. En outre, suivant le glossaire des termes utilisés pour les rapports de surveillance, les fournisseurs de services ont pour consigne de déclarer les revenus provenant de la revente des services à transit simple. Dans les rapports de surveillance, le Conseil reconnaît que la revente de services à transit simple peut remplacer les services interurbains, et les revenus de services à transit simple sont déclarés comme des revenus d'interurbain.

58. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que pour les fins de la création ou de l'établissement d'une ZAL ainsi que d'une compensation pour les revenus d'interurbain perdus, les fournisseurs de services à transit simple devraient être considérés comme des fournisseurs de services interurbains.

59. Le Conseil estime en outre que le paragraphe 46 de la décision 2003-27 n'a pas pleinement mis en ouvre le principe, établi dans la décision 2002-56, et selon lequel tous les concurrents doivent être traités équitablement.

60. Par conséquent, le Conseil estime que le paragraphe 46 de la décision 2003-27 renferme une erreur de fait lorsqu'il indique que les revendeurs de services locaux ne sont pas considérés comme des concurrents de l'interurbain et donc non admissibles à une compensation pour les revenus d'interurbain perdus.

61. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime qu'il existe un doute réel quant à la rectitude du paragraphe 46 de la décision 2003-27.

62. Par conséquent, le Conseil agrée la demande de révision et de modification de la décision 2003-27 et il détermine que les revendeurs de services à transit simple auront droit à une compensation pour les revenus d'interurbain perdus dans le cas des services qui livrent concurrence aux services interurbains. Toutefois, le Conseil n'estime pas nécessaire de réviser et de modifier la décision 2002-56, étant donné qu'il n'a pas établi dans cette décision que les revendeurs de services à transit simple n'ont pas droit à une compensation lorsqu'une ZAL est créée ou élargie.

63. Le Conseil fait remarquer que dans la décision 2002-56, il prévoyait que chaque demande visant la création ou l'élargissement d'une ZAL ferait l'objet d'une instance distincte, qu'il trancherait en fonction des faits de cette instance. Dans ce contexte, le Conseil estime qu'au cours d'une instance portant sur la mise en oeuvre d'une ZAL, les fournisseurs de services devraient identifier les services, y compris la perte de revenus qui s'y rattache, pour lesquels ils réclament une compensation, et soumettre ces renseignements au Groupe de services aux entreprises de l'ESLT visée. S'il y a lieu, une compensation sera accordée suivant les principes établis dans la décision 2002-56, la décision 2003-27 et dans la présente décision.

Conclusion

64. À la lumière de ce qui précède, la demande de révision et de modification de la décision 2003-27 est agréée de manière à prévoir que les revendeurs de services à transit simple seront admissibles à une compensation pour la perte de revenus d'interurbain lorsqu'une ZAL est créée ou élargie. Tel qu'indiqué précédemment, il n'est pas nécessaire de modifier la décision 2002-56. Compte tenu de la décision du Conseil concernant la demande de révision et de modification de la décision 2002-56 et de la décision 2003-27, il juge inutile la demande de sursis de ces décisions.

Secrétaire général

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