Décision de télécom CRTC 2004-31

Ottawa, le 11 mai 2004

Modalités de service - Débranchement pour cause de paiement partiel des frais

Référence : 8638-C12-46/01

Dans la présente décision, le Conseil conclut qu'aux termes des Modalités de service approuvées des entreprises de services locaux titulaires (ESLT), les ESLT ne peuvent ni suspendre ni résilier (débrancher) ou menacer de débrancher les services tarifés d'un client qui a fait des paiements partiels suffisants pour couvrir ses arriérés impayés pour les services tarifés, qu'il reste ou non des arriérés impayés pour les services non tarifés.

Historique

1. Dans l'ordonnance Le Conseil modifie les exigences en matière de rapport concernant l'abordabilité, OrdonnanceCRTC 2000-393, 10 mai 2000, le Conseil a créé un Comité sur les outils de gestion des états de compte (OGEC)1 chargé de trouver des façons de promouvoir les OGEC et de faciliter l'accès au service téléphonique. Le Comité des OGEC, composé de groupes de défense des consommateurs et de représentants d'entreprises de services locaux titulaires (ESLT), s'est réuni à plusieurs reprises, dont la première fois, le 2 avril 2001.

Question du débranchement soulevée devant le Comité des OGEC

2. Le Centre pour la défense de l'intérêt public (PIAC), en son nom et pour le compte d'Action Réseau Consommateur (ARC) et de l'Organisation nationale anti-pauvreté (ONAP), a soulevé entre autres questions devant le Comité des OGEC la pratique qu'ont certaines ESLT de suspendre ou de résilier (débrancher) ou de menacer de débrancher le service local d'un client qui a payé partiellement ses frais non réglés, et qui laisse donc des montants impayés dans son compte. Le PIAC/ARC/l'ONAP ont demandé que le Comité des OGEC examine cette pratique à sa réunion du 9 avril 2002. Le PIAC/ARC/l'ONAP ont dit estimer qu'aux termes des Modalités de service des ESLT, il ne devrait pas être permis aux ESLT de débrancher ou de menacer de débrancher le service local d'un client, lorsque les montants payés couvrent les frais se rapportant au service local.

3. La question du débranchement a été abordée par les parties qui ont participé à la réunion du Comité des OGEC tenue le 9 avril 2002. Dans une lettre du 12 avril 2002, le PIAC/ARC ont demandé que les ESLT participant au Comité des OGEC répondent à un certain nombre de questions à ce sujet. Les parties suivantes ont répondu à ces questions au début de mai 2002 : Aliant Telecom Inc. (Aliant Telecom), Bell Canada, MTS Communications Inc. (MTS), Northern Telephone Limited Partnership2 (NorthernTel), Norouestel Inc. (Norouestel), l'Ontario Telephone Association (maintenant l'Ontario Telecommunications Association), Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), la Société en commandite Télébec (Télébec) et TELUS Communications Inc. (TCI) (collectivement, les intimées).

4. Les réponses indiquaient que les intimées ont actuellement pour pratique d'appliquer les paiements des clients aux frais non réglés, en commençant par les plus anciens jusqu'à ce que les frais impayés aient été recouvrés intégralement. Ces attributions par ordre chronologique sont appliquées aux frais des services tarifés et non tarifés, sans distinction quant aux types de service. MTS est la seule ESLT à avoir clairement indiqué dans sa réponse aux questions posées par le PIAC/ARC qu'elle n'était pas autorisée à débrancher le service local des clients en cas de non-paiement des frais non réglés de services non tarifés.

5. Le 13 mai 2002, le PIAC/ARC ont distribué un tableau résumant les réponses susmentionnées, ainsi qu'un énoncé de la question soulevée par l'information fournie. En réponse à une suggestion faite par Bell Canada le 5 juin 2002, en son nom et pour le compte d'Aliant Telecom, de MTS, de SaskTel, de NorthernTel, de Norouestel et de Télébec, le PIAC/ARC/l'ONAP ont proposé aux parties intéressées deux solutions à la question, le 7 juin 2002.

6. Cette question a été abordée de nouveau à une réunion du Comité des OGEC tenue le 17 juin 2002. Ayant constaté que les parties à la réunion n'avaient pu en arriver à un consensus, le PIAC/l'ONAP ont déposé un litige auprès du Comité des OGEC le 26 juin 2002. Ce litige traite de la même question et des mêmes alternatives que celles exposées dans la correspondance susmentionnée des 13 mai et 7 juin 2002.

Processus

7. Après le 26 juin 2002, diverses parties ont déposé auprès du Comité des OGEC des mémoires concernant la question de savoir si le Conseil devait traiter la question du litige soulevée par le PIAC/l'ONAP à ce moment-là ou plus tard, après l'instance, alors en suspens, concernant une Déclaration des droits du consommateur (DDDC)3. Dans une lettre datée du 18 juillet 2002, TCI a fait valoir qu'il serait préférable et plus productif d'examiner la question litigieuse dans le cadre d'une instance relative à la DDDC ou d'une instance possible sur les Modalités de service des ESLT après la tenue de l'instance portant sur la DDDC. Aliant Telecom, Bell Canada, MTS, NorthernTel, Norouestel, SaskTel et Télébec ont proposé la même chose dans une lettre du 28 juillet 2002. Dans leur lettre du 1er août 2002, le PIAC/l'ONAP ont soutenu qu'il fallait examiner la question sans plus tarder, puisqu'il n'y avait aucune garantie qu'elle serait incluse dans l'instance relative à la DDDC ou dans des instances ultérieures.

8. Dans une lettre du personnel du Conseil datée du 27 août 2002, les participants du Comité des OGEC ont été informés que le Conseil traiterait ce litige avant de tenir l'instance relative à la DDDC, et que tous les documents soumis à ce jour feraient partie du dossier. Les lettres de TCI et du PIAC/l'ONAP datées du 18 juillet et du 1er août 2002, respectivement, incluaient également des mémoires concernant la question litigieuse. Les parties ont été priées de soumettre leurs observations concernant la question en litige soulevée par le PIAC/l'ONAP. Le 11 septembre 2002, Aliant Telecom, Bell Canada, MTS, NorthernTel, Norouestel, SaskTel, Télébec et TCI (collectivement, les Compagnies) ont déposé leurs observations dans un mémoire combiné. Le PIAC/l'ONAP ont par ailleurs déposé leurs observations en réplique le 23 septembre 2002.

Cadre de réglementation

9. Dans la décision Débranchement du service téléphonique pour dettes non payées par d'autres personnes, Décision Télécom CRTC 77-14, 24 novembre 1977 (la décision 77-14), le Conseil a exprimé son avis au sujet de la gravité du débranchement de services de télécommunication de base :

L'interruption d'un service téléphonique de base est une mesure très grave dont les répercussions peuvent souvent, du point de vue de l'abonné, dépasser de beaucoup l'importance de tout paiement fait à la compagnie. De l'avis du Conseil, lorsque le téléphone est le seul service fourni à un abonné, il ne devrait jamais y avoir interruption du service, sauf dans les cas incontestables d'infraction au règlement4, et cela, seulement après avoir informé l'abonné des dispositions tarifaires applicables et après lui avoir donné l'occasion de fournir des explications à la compagnie et, au besoin, au Conseil.

10. Dans la lettre-décision Télécom CRTC 88-4, 7 juillet 1988 (la lettre-décision 88-4) concernant les pratiques de perception de Bell Canada dans le cas des frais du service 976, le Conseil a précisé quand des services tarifés pouvaient être refusés pour non-paiement de services non tarifés de même que la méthode d'attribution appropriée pour les paiements partiels :

Le Conseil rappelle que le non-paiement des frais non tarifés ne peut entraîner un débranchement de service. Il serait donc inacceptable pour la compagnie ou pour une partie agissant en son nom de prétendre que le non-paiement des frais non tarifés du service 976 entraînerait le débranchement de ce service. Comme les abonnés ne peuvent peut-être pas distinguer entre le paiement des frais tarifés et non tarifés, le Conseil ordonne que les paiements partiels s'appliquent d'abord aux frais tarifés.

11. Les Modalités de service, qui font partie des tarifs des ESLT que le Conseil a approuvés, renferment les obligations de base des ESLT et des clients. Les Modalités de service indiquent, par exemple, quand les services peuvent être débranchés ou quand ils ne le peuvent pas.

12. En ce qui concerne la question du débranchement permis et interdit, le libellé des Modalités de service des ESLT n'est pas identique. Sur cette question, toutefois, les Modalités de service des ESLT sont essentiellement les mêmes que celles de Bell Canada ou de TCI.

Modalités de service de Bell Canada

13. La portée de l'application des Modalités de service de Bell Canada est définie comme suit :

1.1 À moins de disposition contraire, les présentes Modalités s'appliquent aux services assujettis à un tarif approuvé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

14. Le paragraphe 22.1 expose les circonstances dans lesquelles Bell Canada peut suspendre ou résilier le service en raison de comptes en souffrance.

22.1 Bell Canada ne peut suspendre ou résilier le service d'un abonné que si celui-ci :

  1. omet de régler un compte en souffrance, pourvu que ce compte dépasse 50 $ ou soit en souffrance depuis plus de deux mois; .

15. Le paragraphe 22.2 précise les circonstances dans lesquelles Bell Canada ne peut suspendre ou résilier le service.

22.2 Bell Canada ne peut suspendre ou résilier le service dans les circonstances ci-après :

  1. le fait de ne pas régler des frais non tarifés; .

Modalités de service de TCI

16. Voici les dispositions correspondantes des Modalités de service de TCI :

101.3 Les présentes Modalités de service générales définissent les droits et les responsabilités de TCI et de ses abonnés à l'égard des services, installations et équipement contenus dans son Tarif.

115.2 TCI ne peut suspendre ou résilier le service d'un abonné que si celui-ci :

  1. omet de régler un compte en souffrance dont il est responsable, pourvu que ce compte dépasse 50 $ ou soit en souffrance depuis plus de deux mois, .

115.4 TCI ne peut suspendre ou résilier le service d'un abonné:

  1. qui a omis de payer des frais qui ne sont pas autorisés par le CRTC, .

Position de PIAC/ONAP

17. Selon le PIAC/l'ONAP, les ESLT ne devraient pas être autorisées à débrancher ou à menacer de débrancher le service local de clients qui ont payé des montants qui couvrent les frais se rapportant au service local. Le PIAC/l'ONAP ont indiqué que les Compagnies ne s'entendent pas au sujet de la manière d'interpréter leurs Modalités de service et qu'elles-mêmes comme les groupes de défense des consommateurs ne partagent pas non plus le même avis au sujet des règles qu'il faudrait appliquer à la situation. Le PIAC/l'ONAP ont dit estimer qu'à l'exception peut-être de TCI et de SaskTel, les Modalités de service des ESLT ne leur permettent pas de débrancher le service local d'un client ayant payé un montant suffisant pour régler les frais locaux.

18. Le PIAC/l'ONAP ont soutenu que les Modalités de service des ESLT s'appliquent uniquement aux services tarifés, puisque les termes « service », « compte » et « paiement » utilisés dans les Modalités de service renvoient exclusivement aux services tarifés, à moins d'indication contraire expresse. Le PIAC/l'ONAP ont également fait remarquer que dans la lettre-décision 88-4, le Conseil avait indiqué qu'aux termes de ses Modalités de service, Bell Canada ne peut refuser l'accès aux services tarifés en raison du non-paiement des frais de services non tarifés.

19. Le PIAC/l'ONAP ont fait valoir qu'il ne conviendrait pas que les ESLT débranchent ou même menacent de débrancher le service local de base lorsque le client fait des paiements qui

  1. règlent son état de compte local de base, ou
  2. aux termes d'un « accord raisonnable de paiements différés ».

Selon le PIAC/l'ONAP, le paragraphe 22.2 des Modalités de service de Bell Canada va dans ce sens.

20. Conscients des différences dans le libellé des Modalités de service de Bell Canada et celles de TCI, le PIAC/l'ONAP ont déclaré qu'il n'est pas clair si TCI et SaskTel, dont les Modalités de service sont équivalentes à celles de TCI sur cette question, sont autorisées à débrancher le service local d'un client qui a payé un montant suffisant pour régler les frais du service local.

21. Le PIAC/l'ONAP ont proposé qu'à moins d'indication contraire de la part du client, les paiements partiels de comptes soient appliqués aux frais impayés du service local d'abord, peu importe à quand remonte les états de compte non réglés du client, étant donné que la répartition chronologique de ces paiements partiels pourrait donner lieu à un solde impayé pour le service local, même si un paiement suffisant a été fait pour régler le montant total du service local. Tout montant résiduel devrait alors être appliqué aux autres frais impayés, en commençant par les frais les plus anciens. Le PIAC/l'ONAP ont fait valoir qu'il ne devrait y avoir débranchement du service téléphonique local de base que si un client n'a pas payé les frais non réglés du service téléphonique local de base, et seulement après des tentatives pour négocier un accord raisonnable de paiements différés concernant les frais locaux non réglés.

22. Comme alternative à sa proposition, le PIAC/l'ONAP ont suggéré que les ESLT continuent d'appliquer à leur gré les paiements partiels, mais qu'il n'y ait pas de débranchement du service local de base tant que le paiement partiel couvre les frais locaux, ou est conforme à un accord raisonnable de paiements différés à l'égard des frais impayés du service local. De plus, les ESLT ne devraient pas menacer de débrancher le service local de base d'un client tant que les paiements du client couvrent les frais locaux de base. Les ESLT devraient menacer de débrancher le service interurbain pour non-paiement des frais interurbains et le service optionnel, pour non-paiement des frais du service optionnel.

23. Le PIAC/l'ONAP ont fait remarquer que dans les deux cas, avant que le service local de base ne soit débranché pour non-paiement, le non-paiement des frais non réglés des services interurbains devraient entraîner le blocage de l'interurbain, et le non-paiement des frais du service local optionnel devrait donner lieu au débranchement de ce service.

Position des autres parties

TCI

24. Dans son mémoire du 18 juillet 2002, TCI a fait remarquer que l'article 115.4 (a) de ses Modalités de service lui interdit de suspendre ou de résilier le service d'un client parce qu'il n'a pas payé les frais qui « ne sont pas autorisés » par le Conseil. TCI a fait valoir que le terme « autorisé » s'applique aux services tarifés comme aux services faisant l'objet d'une abstention. TCI estime donc qu'elle peut suspendre ou résilier les services en raison du non-paiement par un client des frais de services tarifés ou faisant l'objet d'une abstention. TCI a en outre fait valoir que ses Modalités de service ne renferment pas de directive expresse ou implicite quant au type de services qui ont priorité dans la répartition des paiements partiels pour les frais impayés.

25. TCI a soutenu que la proposition du PIAC/l'ONAP l'obligerait à changer ses Modalités de service, de manière à faire référence spécifiquement aux services tarifés (non « autorisés ») ainsi qu'à limiter les références aux termes « service », « compte » et « paiement » comme signifiant services tarifés seulement. TCI a également soutenu que la proposition du PIAC/l'ONAP l'obligerait à modifier sensiblement ses systèmes de facturation de même que les autres processus manuels afin de contrôler les paiements partiels sur les comptes en souffrance. TCI a fait remarquer que le Conseil a conclu dans une lettre du 11 avril 20005 que les coûts de ces changements l'emporteraient probablement sur les avantages pour les clients qui sont exposés à un débranchement pour cause de paiements partiels.

26. Selon TCI, tant que le client continue de faire des paiements à l'égard de son compte impayé, il est tout à fait dans son intérêt de faire tous les efforts nécessaires pour garder ce client sur le réseau. TCI a indiqué n'avoir reçu aucune plainte d'abonnés concernant l'application de paiements partiels à leurs comptes et elle a dit estimer que le PIAC/l'ONAP n'ont pas prouvé au Comité des OGEC que les clients sont préoccupés par la pratique de la compagnie à cet égard.

Les Compagnies

27. Dans leur mémoire du 11 septembre 2002, les Compagnies ont convenu avec le PIAC/l'ONAP qu'il ne faudrait pas débrancher le service local si le client a payé pour ce service. Toutefois, le PIAC/l'ONAP ne s'entendent pas avec les Compagnies pour dire que tant que le client fait des paiements partiels équivalant au montant des frais du service local, ce service ne devrait pas être débranché. Les Compagnies ont soutenu que sur le plan stratégique, réglementaire ou commercial, il n'est pas justifié de répartir les paiements par service comme le proposent le PIAC/l'ONAP. Soulignant que les clients reçoivent un seul état de compte pour tous les services qu'ils utilisent et font un seul paiement pour tous les services qu'ils reçoivent, les Compagnies ont dit estimer que le client n'a payé son service local que lorsqu'il a payé son compte intégralement.

28. Les Compagnies ont fait remarquer que la pratique qui consiste à appliquer des paiements partiels au total des frais impayés facturés, en commençant par retirer les frais les plus anciens, est appliquée depuis des années et qu'un grand nombre d'industries l'ont adoptée. Les Compagnies ont fait valoir que cette approche est juste pour elles comme pour les abonnés. Elles ont notamment fait valoir que cette pratique profitait aux clients en réduisant l'accumulation des frais d'intérêts sur les montants impayés. Les Compagnies ont également fait remarquer que le processus qu'elles utilisent pour répartir les paiements a été revu par le personnel du Conseil et jugé raisonnable6.

29. Les Compagnies ont fait valoir que dans un régime concurrentiel, il est très important qu'elles puissent débrancher le service local d'un client pour non-paiement d'arriérés non contestés, en l'absence d'un programme de paiements différés convenu d'un commun accord. Les Compagnies ont soutenu que cela était particulièrement vrai en raison de leur statut d'entreprise de services interurbains de dernier recours (ESIDR). Pour appuyer leurs dires, les Compagnies ont donné comme exemple le cas d'un client qui était passé à un autre fournisseur de services interurbains (AFSI) pour être par la suite débranché par l'AFSI pour non-paiement. Les Compagnies ont fait remarquer que ce client pourrait revenir au réseau interurbain des Compagnies et accumuler des créances irrécouvrables sans que la compagnie en cause le sache. Permettre aux clients d'affecter les paiements partiels au service local signifierait effectivement, de l'avis des Compagnies, « permettre aux débiteurs récalcitrants de jouer le système » aux dépens des ESLT, des AFSI et, en bout de ligne, des clients solvables.

30. Les Compagnies ont fait remarquer que leurs Modalités de service respectives indiquent clairement que les clients sont responsables du paiement de tous les frais pour les appels à partir de leur numéro de téléphone et acceptés à ce numéro. Les Compagnies ont ajouté que les clients ne verraient pas leur service local débranché si des frais impayés étaient légitimement en litige ou si un client accepte un programme raisonnable de paiements différés et qu'il le respecte. Toutefois, les Compagnies ont déclaré qu'elles pouvaient utiliser le blocage de l'interurbain ou d'autres méthodes pour limiter l'accumulation d'arriérés.

Observations en réplique du PIAC/l'ONAP

31. Contrairement à la position des Compagnies, le PIAC/l'ONAP ont estimé que les clients ont payé leur service local lorsqu'ils ont payé la partie service local de leur compte de services local/interurbain. Le PIAC/l'ONAP ont soutenu que les services locaux et interurbains sont deux services distincts qui sont vendus séparément et qui peuvent être obtenus auprès de fournisseurs de services différents. De plus, le service interurbain peut être débranché indépendamment du service local. Par conséquent, de l'avis du PIAC/l'ONAP, il n'existe pas de raison convaincante de débrancher le service local lorsque les clients ont payé cette partie de leur compte au complet.

32. Le PIAC/l'ONAP se sont opposés à la position adoptée par les Compagnies, à savoir que leur politique de débranchement du service local de base pour non-paiement des frais d'interurbain est parfaitement conforme aux dispositions de leurs Modalités de service respectives. Le PIAC/l'ONAP ont également fait remarquer que dans au moins deux décisions antérieures, la lettre-décision 88-4 et la décision Mise en marché conjointe et groupement, Décision Télécom CRTC 98-4, 24 mars 1998, le Conseil a ordonné aux compagnies de Stentor d'appliquer d'abord des paiements partiels aux frais tarifés. De plus, le PIAC/l'ONAP ont fait remarquer que la lettre du personnel du Conseil datée du 11 avril 2000 n'est pas une décision du Conseil et ne rend donc pas compte des décisions ordonnant aux ESLT d'appliquer d'abord des paiements aux frais tarifés dans d'autres contextes7.

33. D'autre part, le PIAC/l'ONAP ont fait remarquer qu'elles ne contestent pas le fait que les clients sont responsables du paiement de tous les appels logés à partir de leurs téléphones. Le PIAC/l'ONAP n'ont pas non plus contesté la position des Compagnies selon laquelle elles devraient pouvoir utiliser la menace ultime du débranchement lorsque les clients ne paient pas leurs comptes à temps. Toutefois, le PIAC/l'ONAP ont réitéré que le débranchement du service devrait être directement lié au type de service pour lequel les frais sont non réglés. De l'avis du PIAC/l'ONAP, on ne devrait même pas envisager le débranchement du service local lorsqu'un client a payé une somme suffisante pour régler le compte local. Le PIAC/l'ONAP ont fait valoir que seul le service interurbain devrait être débranché lorsqu'il reste un solde de frais d'interurbain à payer.

34. Le PIAC/l'ONAP ont pris note de la préoccupation exprimée par les Compagnies au sujet du fait que le débranchement de clients par les AFSI pour non-paiement a eu pour effet d'augmenter les créances irrécouvrables au moment du raccordement à l'ESLT. Le PIAC/l'ONAP ont estimé que dans la mesure où il s'agit d'un problème auquel il faut trouver une solution, il ne concerne pas la question traitée dans ce processus.

35. Le PIAC/l'ONAP ont mis en doute l'avantage pour les clients de faire des paiements partiels par ordre chronologique afin de réduire les frais d'intérêt et ont laissé entendre que cet avantage est de peu de valeur pour les clients par rapport à l'intérêt de rester sur le réseau si cette pratique risque d'entraîner le débranchement du service local de base.

36. Le PIAC/l'ONAP ont laissé entendre que l'absence de plaintes de clients concernant cette pratique de la part de certaines ESLT n'a rien de surprenant. Le PIAC/l'ONAP ont soutenu que les clients ne se rendent peut-être pas compte qu'ils peuvent garder leur service local même si leur service interurbain ou autres services locaux optionnels sont débranchés. Le PIAC/l'ONAP ont indiqué qu'ils avaient soulevé cette question dans un but préventif afin d'empêcher les compagnies intégrées verticalement d'abuser de leur position dominante sur le marché au détriment des consommateurs dans la fourniture d'un service essentiel8.

Analyse et conclusion du Conseil

Processus

37. Le Conseil prend note de l'argument des Compagnies voulant qu'il serait préférable d'examiner le litige du PIAC/l'ONAP dans le cadre de l'instance sur la DDDC ou une instance éventuelle sur les Modalités de service des ESLT après la décision sur la DDDC. Les Compagnies ont proposé que si le litige n'était pas résolu dans le cadre de ces instances, le litige pourrait se poursuivre. Le Conseil fait remarquer que le PIAC/l'ONAP se sont opposés à ce report de l'examen du litige.

38. Le Conseil fait remarquer que dans la décision 2002-34, il a conclu qu'il serait utile d'élaborer une DDDC. Le Conseil a estimé qu'une DDDC devrait être une déclaration des droits du consommateur complète et concise et il a annoncé son intention d'amorcer une instance dans le cadre de laquelle il examinera les mémoires détaillés sur le contenu d'une DDDC et les questions afférentes. Dans la décision 2002-34, le Conseil a également estimé opportun d'attendre la fin de l'instance sur la DDDC, alors en suspens, avant de se prononcer sur la nécessité d'un examen des Modalités de service des ESLT.

39. Le Conseil fait remarquer que l'instance sur la DDDC, amorcée par l'avis Déclaration des droits du consommateur, Avis public de télécom CRTC 2003-6, 13 juin 20039, est limitée à la création d'un document qui sera un énoncé sur les droits actuels des consommateurs formulé dans un langage simple et à l'étude des deux méthodes de communication de la DDDC et du processus de modification, le cas échéant, qu'il conviendrait de suivre. Le Conseil fait également remarquer qu'aucune instance sur les Modalités de service des ESLT n'a été amorcée. Le Conseil estime que la tenue ou non d'une instance sur les Modalités de service n'a rien à voir avec la question de savoir si les ESLT interprètent et appliquent correctement leurs Modalités de service existantes. Le Conseil estime qu'il ne convient pas de reporter une décision à cet égard en attendant la tenue éventuelle d'instances. Le Conseil conclut donc qu'il convient d'aborder ce litige maintenant.

Définition des questions

40. Le PIAC/l'ONAP ont évoqué la question litigieuse en termes de débranchement du service local d'un client pour non-paiement des frais d'autres services tarifés et non tarifés. Toutefois, le Conseil estime que la question n'est pas limitée au débranchement du service local de base lorsqu'il reste un solde impayé correspondant à d'autres services tarifés ou non tarifés.

41. Le Conseil estime qu'il y a là deux questions : la première est de savoir si les ESLT enfreignent ou non leurs Modalités de service approuvées lorsqu'elles débranchent les services tarifés pour non-paiement des frais de services non tarifés, et la deuxième est de savoir si les ESLT peuvent ou non débrancher les services tarifés des clients qui ont versé des paiements partiels suffisants pour régler le solde impayé de ces services et dont les ESLT ont réparti les paiements de telle façon que les services tarifés restent impayés.

Interprétation des Modalités de service

42. Le Conseil prend note des arguments suivants soulevés par le PIAC/l'ONAP dans ce litige :

43. Le Conseil fait remarquer que le libellé de nature permissive du paragraphe 22.1 des Modalités de service de Bell Canada autorise Bell Canada à suspendre ou à résilier le service sans l'y obliger, alors que le paragraphe 22.2 interdit de façon absolue le débranchement du service. Par exemple, aux termes du paragraphe 22.2 (a), Bell Canada ne peut débrancher le service d'un client qui n'a pas payé les frais non tarifés (p. ex., l'interurbain).

44. La pratique des intimées de débrancher le service local même quand les clients ont payé suffisamment d'arriérés pour régler les parties tarifées de leur compte ne peut se justifier que si le paragraphe 22.1 et ses équivalents dans les Modalités de service d'autres ESLT l'emportent sur le paragraphe 22.2 et ses équivalents. Le Conseil estime que le libellé de nature permissive du paragraphe 22.1 et le libellé de nature obligatoire du paragraphe 22.2 préviennent tout conflit dans l'interprétation du paragraphe 22. Le paragraphe 22.2 et ses équivalents, interdisant le débranchement dans certaines circonstances, l'emportent sur le paragraphe 22.1 et ses équivalents.

45. Dans la décision 77-14, le Conseil a énoncé son opinion sur la gravité du débranchement du service téléphonique local des clients et il a fait remarquer que ce type de débranchement ne devrait se produire qu'en cas d'infraction évidente des dispositions antérieures des Modalités de service. Le Conseil fait remarquer qu'en raison du développement et de l'utilisation subséquents du numéro d'urgence 9-1-1, les réseaux de téléphone sont devenus un élément de sécurité publique encore plus important. Le Conseil estime que les opinions énoncées dans la décision 77-14 sont toujours valables.

46. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que Bell Canada, et les autres ESLT utilisant des Modalités de service qui, en ce qui concerne cette question, sont essentiellement les mêmes que celles de Bell Canada, ne sont pas autorisées à débrancher les services tarifés pour non-paiement des frais de services non tarifés.

47. Le Conseil prend note de l'argument présenté par TCI voulant qu'aux termes de ses Modalités de service, elle peut débrancher le service local pour non-paiement des frais que le Conseil a « autorisés ». TCI a soutenu que les frais « autorisés » comprennent ceux qui s'appliquent aux services faisant l'objet d'une abstention ainsi qu'aux services tarifés. TCI a soutenu par ailleurs que rien dans ses Modalités de service n'indique qu'un type de service a priorité sur d'autres en ce qui concerne l'application des paiements partiels.

48. L'article 115.4 des Modalités de service de TCI interdit le débranchement pour non-paiement des frais que le CRTC n'a pas autorisés. Le Conseil fait remarquer que lorsqu'il s'est abstenu de réglementer des services fournis par des ESLT comme TCI, il a supprimé, en vertu de l'article 34 de la Loi sur les télécommunications, l'exigence relative à l'approbation des tarifs de ces services et à leur inclusion dans les tarifs des ESLT. Le Conseil n'autorise donc pas les tarifs des services faisant l'objet d'une abstention.

49. Par conséquent, le Conseil conclut que l'expression « frais que le CRTC n'a pas autorisés » telle qu'elle est utilisée dans les Modalités de service de TCI s'entend des « frais de services non tarifés » et que TCI, et les autres ESLT utilisant des Modalités de service qui, en ce qui concerne la présente question, sont essentiellement les mêmes que celles de TCI, ne sont pas autorisées à débrancher les services tarifés pour non-paiement des frais de services non tarifés.

50. En résumé, le Conseil estime que les ESLT ne peuvent débrancher les services tarifés pour non-paiement que lorsqu'un client ne paie pas les arriérés des services tarifés. De plus, le débranchement pour non-paiement n'est possible que lorsque aucune des interdictions prévues au paragraphe 22.2 des Modalités de service de Bell Canada ou à l'article 115.4 des Modalités de service de TCI ou leur équivalent ne s'applique. Les ESLT doivent également respecter les autres exigences de leurs Modalités de service concernant le débranchement, notamment celles prévues aux paragraphes 22.3, 22.4 et 22.5 des Modalités de service de Bell Canada et aux articles 115.5, 115.6 et 115.7 des Modalités de service de TCI ou leur équivalent.

51. Étant donné que les ESLT ne sont pas autorisées à débrancher les services tarifés d'un client pour non-paiement lorsque le client a payé une somme suffisante pour régler les frais des services tarifés ou lorsque l'une quelconque des autres interdictions de débranchement s'applique, il leur est également interdit de menacer de débrancher les services tarifés dans ces cas.

Accumulations de créances irrécouvrables et ESIDR

52. Le Conseil prend note de la question soulevée par les Compagnies selon laquelle les clients ayant des arriérés impayés auprès d'autres fournisseurs de services interurbains pourraient accumuler de nouvelles créances irrécouvrables auprès des ESLT sans que les Compagnies ne soient au courant de l'historique des paiements de ces clients.

53. Le Conseil prend également note de l'argument des Compagnies voulant qu'il soit plus important que jamais de pouvoir débrancher le service local des clients pour non-paiement des arriérés non contestés, compte tenu de leur statut d'ESIDR pour les services interurbains.

54. Le Conseil estime que les arguments des Compagnies concernant la capacité des clients à accumuler des créances irrécouvrables et de leur statut d'ESIDR pour les services interurbains n'a rien à voir avec la bonne interprétation et l'application des Modalités de service.

Répartition chronologique des paiements partiels

55. Le Conseil prend note de l'argument des Compagnies selon lequel elles utilisent depuis longtemps un système de répartition chronologique des paiements partiels pour l'élimination des arriérés impayés, le solde le plus ancien étant éliminé en premier, et sans égard au type de service auquel les paiements s'appliquent. Par ailleurs, le Conseil fait remarquer que les Compagnies ont trouvé une justification de cette pratique dans les lettres du personnel du Conseil datées du 11 avril 2000.

56. Le Conseil estime que cette pratique pourrait donner lieu à des débranchements de services tarifés lorsque les clients ont fait un paiement suffisant pour régler les frais de ces services. Le Conseil estime que les décisions administratives que les ESLT ont prises au sujet de la répartition des paiements des clients ne peuvent pas servir à contourner le libellé des Modalités de service.

57. Le Conseil fait remarquer que l'alternative proposée par le PIAC/l'ONAP permettrait aux ESLT de continuer de décider de la répartition des paiements partiels tout en garantissant que le service local ne soit pas débranché lorsque les paiements partiels sont suffisants pour régler les arriérés impayés du service local. Le Conseil juge cette proposition intéressante. Toutefois, les Modalités de service s'appliquent à tous les services tarifés et non seulement au service local. Le Conseil est donc d'avis qu'il ne convient pas de débrancher les services tarifés pour non-paiement lorsque les paiements partiels sont suffisants pour régler les arriérés impayés des services tarifés.

58. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime inutile d'ordonner un changement aux pratiques des ESLT concernant l'application des paiements partiels tant qu'elles respectent toutes les règles applicables.

Conclusion

59. Le Conseil conclut que les ESLT enfreignent leurs Modalités de service approuvées lorsqu'elles débranchent les services tarifés des clients pour non-paiement des frais de services non tarifés. Le Conseil conclut en outre qu'aux termes de leurs Modalités de service, les ESLT ne doivent pas débrancher ou menacer de débrancher les services tarifés pour non-paiement lorsque le client a fait des paiements partiels suffisants pour régler les arriérés impayés des services tarifés. Cette décision s'applique qu'il reste ou non des arriérés impayés pour les services non tarifés. Par ailleurs, il est interdit aux ESLT de débrancher les services tarifés ou de menacer de le faire lorsque les autres interdictions prévues dans les Modalités de service s'appliquent (p. ex., le client est prêt à conclure et à honorer un accord raisonnable de paiements différés). Finalement, avant que les ESLT soient autorisées à débrancher les services tarifés d'un client ou à menacer de le faire, elles doivent respecter les exigences énoncées dans leurs Modalités de service concernant le débranchement du service.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

Notes de bas de page

[1] Les OGEC sont les moyens par lesquels le consommateur peut exercer un contrôle sur son abonnement. Ces outils ont été conçus de manière à venir en aide aux consommateurs qui ont de la difficulté à payer le service téléphonique résidentiel. Les OGEC comprennent, sans toutefois s'y limiter, le blocage des appels interurbains de départ, le blocage des appels à frais virés d'arrivée ainsi que les programmes de règlement par versements.

[2] Au moment où le litige a été déposé, NorthernTel s'appelait Northern Telephone Limited Partnership. Le Conseil a approuvé la demande de la compagnie visant à remplacer son nom par NorthernTel Limited Partnership dans l'ordonnance NorthernTel Limited Partnership - Changement de raison sociale, Ordonnance de télécom CRTC 2003-73, 13 février 2003.

[3] Voir le paragraphe 799 de la décision Cadre de réglementation applicable à la deuxième période de plafonnement des prix, Décision de télécom CRTC 2002-34, 30 mai 2002 (la décision 2002-34).

[4] La référence au règlement dans la décision 77-14 est une référence aux Règlements généraux, dispositions antérieures des Modalités de service des compagnies de téléphone réglementées par le gouvernement fédéral.

[5] La lettre de TCI datée du 11 avril 2000 provenait en fait du personnel du Conseil. Elle portait notamment sur la politique de la compagnie concernant les clients qui ont fait des paiements partiels sur leurs comptes impayés. La même lettre a également été envoyée à d'autres compagnies de téléphone le 11 avril 2000. Dans ces lettres, le personnel du Conseil déclarait que l'application par les compagnies de téléphone de paiements partiels ne semblait pas déraisonnable compte tenu du coût additionnel que les compagnies devraient engager pour modifier leurs systèmes de facturation et contrôler manuellement les frais tarifés et non tarifés des comptes en souffrance.

[6] Dans des lettres du personnel du Conseil datées du 11 avril 2000.

[7] Lettre du PIAC/l'ONAP au Comité des OGEC datée du 1er août 2002.

[8] Voir note de bas de page 7.

[9] Voir également Déclaration des droits du consommateur, Avis public de télécom CRTC 2003-6-1, 14 juillet 2003.

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