ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2004-4

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Décision de radiodiffusion CRTC 2004-4

  Ottawa, le 14 janvier 2004
 

Câblevision TRP-SDM inc.

 

Cogeco Câble inc.

 

Plainte déposée par Câblevision TRP-SDM inc. contre Cogeco Câble inc. alléguant des infractions à l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion

  Le Conseil accueille la portion de la plainte déposée par Câblevision TRP-SDM inc. (Câblevision) contre Cogeco Câble inc. (Cogeco) ayant trait aux clauses de marketing exclusif que renferment certaines ententes de service signées par cette dernière, et conclut que Cogeco a enfreint l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion qui interdit à un titulaire d'accorder une préférence indue à quiconque, y compris lui-même, ou d'assujettir quiconque à un désavantage indu.
  Le Conseil rejette la portion de la plainte de Câblevision contre Cogeco alléguant qu'il y a eu infraction aux règles de reconquête établies par le Conseil.
 

La plainte

1.

Câblevision TRP-SDM inc. (Câblevision) exploite une entreprise de distribution de radiocommunication par système de distribution multipoint (SDM) desservant Rimouski. Cogeco Câble inc. (Cogeco) exploite une entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) par câble desservant aussi Rimouski. Le Conseil a reçu une plainte déposée par Câblevision contre Cogeco alléguant que cette dernière a contrevenu à l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement). Câblevision a déposé sa plainte en deux étapes, par lettres datées respectivement du 20 décembre 2002 et du 6 janvier 2003. Dans sa plainte, Câblevision allègue que Cogeco, (a) en signant des ententes de service qui contiennent des clauses de marketing exclusif ainsi que des incitations financières pour les propriétaires et gérants d'immeubles à logements multiples (ILM) de Rimouski, a contrevenu aux dispositions du Règlement ayant trait à l'accès aux ILM faisant l'objet de comptes globaux commerciaux, et, (b) en proposant des rabais aux abonnés qui communiquent directement avec Cogeco pour demander d'être débranchés, a contrevenu aux règles de reconquête établies par le Conseil dans Litige du CDIC - Règles relatives à la communication entre le client et l'entreprise de distribution de radiodiffusion, lettre de décision du CRTC, 1er avril 1999 (les règles de reconquête). Câblevision a cité en outre plusieurs exemples où elle aurait été empêchée d'installer ses câbles d'accès à l'intérieur d'un immeuble.

2.

En particulier, Câblevision a allégué que :
 
  • Cogeco a proposé à des propriétaires d'immeubles et à des résidences pour personnes âgées des incitations comme des décodeurs gratuits et des services à tarif réduit en retour d'un engagement à promouvoir les services de Cogeco; et que ces incitations, en plaçant ces propriétaires en situation de conflit d'intérêt, les auraient amenés à refuser à Câblevision l'accès à leurs immeubles.
 
  • Un grand nombre de propriétaires ayant accepté ce type d'incitations proposées par Cogeco, Câblevision s'est vue empêchée d'offrir ses services à plus de 2 000 locataires à Rimouski. Bien que Câblevision reconnaisse qu'il n'y avait aucune entente d'exclusivité de service entre Cogeco et ces autres parties, elle a soutenu que le résultat a été le même que s'il y avait eu effectivement des ententes de ce type, c'est-à-dire un conflit d'intérêt chez les propriétaires d'immeubles.
 
  • Cogeco a pratiqué une politique de désinformation auprès des propriétaires et gérants d'immeubles qui ont demandé à Cogeco si Câblevision avait la permission d'utiliser le câblage intérieur dans leurs immeubles. Cette désinformation consiste à dire que Câblevision se livrait à des agissements illégaux, que Câblevision n'avait aucun droit d'accès au câblage intérieur et que Câblevision était à la veille de fermer ses portes.

3.

D'après Câblevision, la stratégie de Cogeco était clairement de se débarrasser de la concurrence de Câblevision en empêchant celle-ci, de façon indirecte, d'avoir accès aux immeubles et de proposer ses services aux occupants. Câblevision a fourni au Conseil, avec une lettre d'accompagnement datée du 3 février 2003, l'exemple d'une promotion de Cogeco datée du 17 octobre 2002 où il est question d'une « offre spéciale » réservée aux propriétaires d'ILM. Ce document déposé par Câblevision contient notamment les passages suivants :
 
  • Cette entente vous donne un avantage concurrentiel important puisqu'elle représente une économie de près de 15 $ par mois pour chaque locataire, tout en éliminant la présence de coupoles sur votre (vos) immeuble(s).
 
  • Votre seul engagement. Afin de vous démontrer l'importance que nous accordons au programme, COGECO offre un certain nombre de gratuités pouvant s'appliquer aux concierges ou aux propriétaires conditionnellement à l'atteinte d'un certain taux de pénétration.
 
  • Stratégie : Offrir, sans frais, une quantité X de décodeurs aux locataires. Économie équivalente à 15 $/mois par locataire qui choisit de s'abonner au service numérique de Cogeco Câble Canada inc.
 
  • Gratuités : Un nombre limité de gratuités peuvent être appliquées pour les concierges et propriétaires des immeubles conditionnellement à l'atteinte d'un taux de pénétration de 60 %.
 
  • Taux de pénétration de moins de 60 % = Aucune gratuité.
 
  • Taux de pénétration de 60 % à 69 % = Forfait Intégral (valeur 75,89 $/mois tx et déco incl.) - annuel = 910,68 $.
 
  • Taux de pénétration de plus de 70 % = Forfait Intégral Rapidus (113,85 $/mois tx et déco incl.) - annuel = 1 366,20 $.
 
  • Revenus d'installation : Possibilité de revenus supplémentaires pour les propriétaires et/ou locataires (valeur d'installation = 79,99 $ + tx = 92,01 $).
    [Les caractères gras apparaissent de cette façon dans la promotion originale]

4.

Câblevision a soutenu que les pratiques de Cogeco allaient à l'encontre de l'objectif du Conseil énoncé à l'origine dans Concurrence et culture sur l'autoroute canadienne de l'information : gestion des réalités de transition, 19 mai 1995 (le Rapport sur la convergence) et repris dans le paragraphe 40 de Ordonnance rendue en vertu de l'article 12(2) de la Loi sur la radiodiffusion en ce qui concerne Vidéotron ltée et ses filiales, décision de radiodiffusion CRTC 2002-299, 9 octobre 2002, dans lequel le Conseil déclarait que « dorénavant, il favoriserait davantage la concurrence dans le domaine de la câblodistribution afin d'offrir aux consommateurs un plus grand choix parmi les distributeurs de services de radiodiffusion ».

5.

Câblevision a également fourni dans sa documentation l'adresse d'immeubles spécifiques où, a-t-elle allégué, on lui a interdit l'accès à la suite des offres promotionnelles de Cogeco, ainsi que des détails sur ses échanges avec les propriétaires d'ILM. Entre autres, Câblevision a déclaré que les propriétaires d'ILM croyaient que leurs ententes avec Cogeco pouvaient les empêcher d'accorder à Câblevision des droits d'accès aux immeubles en question. Câblevision a ajouté qu'un grand nombre de propriétaires d'ILM ont accepté l'offre de Cogeco, ce qui a eu pour effet d'empêcher Câblevision d'offrir ses services à plus de 2 000 locataires à Rimouski. D'après Câblevision, les ententes ont placé les propriétaires d'ILM en conflit d'intérêt et les ont incités à refuser l'accès à leurs immeubles.

6.

Câblevision a demandé au Conseil d'exiger de Cogeco qu'elle cesse toute promotion visant directement ou indirectement à empêcher Câblevision de lui livrer une juste concurrence et à empêcher les habitants de Rimouski de choisir eux-mêmes leur fournisseur de service.

7.

En outre, Câblevision a fait valoir, dans le contexte de l'accès aux ILM, que l'entente passée entre Cogeco et le Centre polyvalent des Aînés(es) de Rimouski fixe un tarif mensuel par abonné inférieur au tarif que Cogeco perçoit normalement chez ses abonnés résidentiels à Rimouski. Selon Câblevision, cette pratique aurait constitué une infraction à l'article 9 du Règlement.

8.

Enfin, Câblevision a soutenu que Cogeco pratiquait une stratégie systématique pour reconquérir les abonnés de Câblevision lorsqu'ils appellent pour mettre fin à leur service du câble. Câblevision a fourni certains exemples de la prétendue stratégie de Cogeco incluant l'offre de décodeurs numériques gratuits et de rabais sur le tarif mensuel de base. Câblevision a fait valoir que des pratiques de ce genre sont incompatibles avec les règles de reconquête.
 

La position de Cogeco

9.

Le 17 janvier 2003, Cogeco a déposé sa réplique à la plainte de Câblevision. Cette réplique traite séparément des trois principales questions soulevées par la plainte, soit l'accès aux ILM, les comptes globaux commerciaux, et les règles de reconquête du marché.
 

Accès aux ILM

10.

Cogeco a déclaré n'avoir aucune entente d'exclusivité avec des propriétaires d'ILM à Rimouski qui pourrait restreindre de quelque façon l'accès à ces immeubles par des concurrents. Cogeco a soutenu être en parfaite conformité avec la politique du Conseil sur les contrats d'exclusivité, telle qu'elle est énoncée au paragraphe 108 de Nouveau cadre de réglementation pour les entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public CRTC 1997-25, 11 mars 1997 (l'avis public 1997-25). Ce paragraphe se lit en partie comme suit :
 

Même s'il estime que l'accès par l'abonné à des concurrents dans des [ILM] devrait être laissé surtout aux forces du marché, le Conseil reconnaît qu'un contrat d'exclusivité signé dans un contexte non concurrentiel peut créer un obstacle important à la concurrence et à la réalisation de l'objectif des choix offerts au client. Par conséquent, il n'entend pas autoriser une entreprise de distribution à limiter l'accès d'un concurrent à un édifice, malgré l'existence d'un contrat d'exclusivité lorsque : (1) le contrat d'exclusivité a été signé avant la déréglementation des tarifs de l'entreprise de distribution; et (2) plus de cinq ans se sont écoulés depuis l'exécution du contrat.

11.

Cogeco a déclaré que la politique du Conseil, telle qu'énoncée dans l'avis public 1997-25, n'empêche pas une EDR de conclure une entente avec le propriétaire d'un ILM, laquelle entente, sans interdire à la concurrence d'avoir accès à l'immeuble, peut comporter des dispositions liées au marketing suivant lesquelles le propriétaire de l'ILM encouragera l'utilisation du service de cette EDR dans son immeuble.

12.

En outre, Cogeco a fait valoir que le marché de Rimouski est un marché concurrentiel et que, bien qu'il n'y ait actuellement aucune entente d'exclusivité liant Cogeco et des propriétaires d'ILM, la politique énoncée au paragraphe 109 de l'avis public 1997-25 devrait s'appliquer de toute façon. Ce paragraphe se lit comme suit :

En même temps, le Conseil juge qu'il faudrait imposer peu de restrictions sinon aucune à l'égard de la capacité d'une partie de négocier des contrats d'exclusivité ou à long terme dans un marché concurrentiel. Dans ce marché, l'exclusivité ou la nature à long terme d'un contrat avec un propriétaire d'édifice ne sera généralement pas considérée comme constituant une préférence ou un avantage indu.

13.

Enfin, Cogeco a fait valoir qu'elle était libre d'offrir les promotions qu'elle juge avantageuses à ses abonnés résidant dans des ILM. Cogeco a nié l'allégation de Câblevision suivant laquelle Cogeco entretiendrait une politique de désinformation auprès des propriétaires d'ILM à Rimouski, en ajoutant qu'il n'y avait aucune preuve pour étayer cette affirmation.
 

Les comptes globaux commerciaux

14.

Cogeco a affirmé que « Tous les distributeurs, incluant sûrement Câblevision, offrent des conditions différentes à leurs clients commerciaux, qui comme pour les clients résidentiels unifamiliales et multifamiliales, relèvent de leur entière discrétion ».
 

Règles de reconquête du marché

15.

Cogeco a nié l'allégation de Câblevision suivant laquelle ses activités dans le marché de Rimouski contrevenaient aux règles de reconquête, et elle a fait valoir que Câblevision n'avait pas fourni de preuve pour étayer cette prétendue violation des règles de reconquête. Cogeco a ajouté que :
 

Les règles de reconquête du CRTC n'empêchent nullement les câblodistributeurs qui se soucient de la satisfaction de leur clientèle, de discuter avec les clients qui appellent pour les aviser de leur décision de passer avec une autre entreprise de distribution autorisée et de mettre fin à leur service, afin de connaître les motifs de leur décision, de revoir leur offre de service avec eux ou de les intéresser à d'autres offres de services généralement offertes à leurs clients.

16.

Cogeco a également répliqué à chacune des allégations de Câblevision concernant la violation des règles de reconquête. Selon Cogeco, en réponse aux offres qui leur étaient faites, les abonnés ont réagi de l'une ou l'autre façon suivante :
 
  • Certains abonnés ont décidé d'opter pour un forfait de câble meilleur marché que leur forfait en cours. Par exemple, quelques-uns ont décidé de laisser tomber le service de base analogique qui leur coûtait 26,76 $ et d'opter pour le service de base numérique au prix de 10,99 $, offre faite, selon Cogeco, à l'ensemble de ses abonnés. Quelques autres ont décidé de modifier leur forfait de câble analogique pour réaliser des économies.
 
  • D'autres abonnés, qui louaient leur décodeur numérique depuis au moins 12 mois ont choisi de l'acheter à 79,99 $ pour ne plus avoir à verser de frais mensuels de location. Il s'agissait, ici encore, selon Cogeco, d'une offre mise à la disposition de l'ensemble de ses abonnés.

17.

Dans une lettre du 11 février 2003, le Conseil a demandé à Cogeco de lui soumettre une copie de ses ententes de service. En réponse, avec une lettre d'accompagnement en date du 18 février 2003, Cogeco a fourni des copies des ententes de service intervenues entre elle-même et les propriétaires ou gérants des entreprises et des ILM suivants :
 
  • Gestion Simon Brisson (Immeubles Brisson)
  • Immeubles Jean Rioux inc.
  • Logeri inc. (Résidence l'Oasis)
  • Centre polyvalent des Aînés(es) de Rimouski

18.

Cogeco a soutenu que l'article 9 du Règlement s'applique uniquement quand une EDR et un propriétaire d'ILM signent une entente de distribution renfermant une clause d'exclusivité pour les services de cette EDR. Cogeco a répété que les services qu'elle fournit aux ILM n'étaient pas couverts par des ententes lui accordant l'exclusivité. Cogeco a repris l'argument qu'il faut distinguer entre l'exclusivité de la distribution de services dans un immeuble et la promotion exclusive de ces services par le propriétaire de l'immeuble, une pratique qui, d'après Cogeco, serait conforme à la politique du Conseil.

19.

Cogeco a confirmé dans sa lettre du 18 février 2003 au Conseil qu'aucune des offres décrites dans sa lettre du 17 janvier 2003 en réponse à la plainte de Câblevision n'avait été publiée comme telle, que ce soit dans les journaux ou à la télévision. Elle a expliqué qu'elles faisaient partie d'une liste d'offres que les représentants du service à la clientèle de Cogeco peuvent présenter à leurs clients potentiels, et qu'en général, ces offres étaient valables pour tous les clients de Cogeco au Québec. Selon Cogeco, n'importe quel abonné du Québec, en communiquant avec le service à la clientèle de Cogeco, pouvait s'abonner au service numérique de base moyennant le tarif en vigueur de 10,99 $ par mois, ou acheter un décodeur pour 79,99 $ après l'avoir loué pendant au moins 12 mois.

20.

Cogeco a demandé au Conseil de rejeter la plainte de Câblevision.

21.

Dans une lettre du 24 février 2003, Câblevision a répliqué qu'elle n'avait rien à ajouter aux arguments déjà présentés, si ce n'est qu'à son avis, les arguments de Cogeco contrevenaient au principe selon lequel on ne peut en toute légalité faire indirectement une chose qui est illégale si elle est faite directement.
 

Analyse et conclusions du Conseil

 

Accès aux ILM : clauses de marketing exclusif et incitations financières

  Les clauses et incitations de ce type entraînent-elles une préférence ou un désavantage indus?

22.

L'article 9 du Règlement précise : « Il est interdit au titulaire d'accorder à quiconque, y compris lui-même, une préférence indue ou d'assujettir quiconque à un désavantage indu. »

23.

Le Conseil note que les ententes en question ne sont pas des contrats de distribution exclusive. En réalité, les ententes prévoient que le propriétaire de l'ILM accorde à Cogeco le « droit exclusif d'annoncer et de faire la promotion des services » auprès des locataires de l'ILM. Le propriétaire de l'ILM s'engage également à « promouvoir exclusivement les services de Cogeco » auprès des locataires de l'ILM. En outre, ces ententes prévoient des incitations financières substantielles pour les propriétaires et gérants d'ILM qui font la promotion des services de Cogeco. Les propriétaires reçoivent gratuitement le service de Cogeco lorsqu'ils voient à ce que les gérants appuient les activités de promotion et de marketing de Cogeco. Les gérants peuvent eux aussi obtenir des services gratuits, suivant le degré de pénétration réalisé par Cogeco chez les locataires.

24.

Le Conseil estime, eu égard à la présence dans les ententes de clauses de marketing exclusif et d'autres dispositions prévoyant des incitations financières pour les propriétaires et les gérants d'immeubles, que Cogeco a pris des mesures pour empêcher Câblevision et d'autres concurrents d'annoncer leurs services ou d'en faire la promotion dans les immeubles concernés, et pour empêcher les propriétaires d'immeubles de faire la promotion des services de Câblevision ou de ceux de tout autre concurrent de Cogeco. Le Conseil est donc d'avis qu'en signant des ententes de ce type, Cogeco s'est accordée une préférence à elle-même et a assujetti Câblevision et les résidents des ILM de la région où sont exploitées les deux EDR à un désavantage.
 
La préférence ou le désavantage sont-ils indus?

25.

Afin de déterminer si la préférence ou le désavantage est indu ou pas, le Conseil a tenté de voir si les actions de Cogeco avaient eu ou risquaient d'avoir des conséquences tangibles néfastes pour Câblevision, pour les résidents des ILM en question ou pour toute autre personne, ainsi que les répercussions que ces actions avaient eu ou risquaient d'avoir sur la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).

26.

Le cadre réglementaire concurrentiel du Conseil, en ce qui concerne les EDR, prévoit une expansion de la concurrence pour les services de distribution de radiodiffusion. Le Conseil a constaté systématiquement qu'une concurrence saine et viable entre les distributeurs de services de radiodiffusion est un outil efficace et approprié pour promouvoir un plus grand choix, l'innovation et la croissance. Le Conseil a établi des règles qui ménagent une place à la concurrence et accordent aux fournisseurs de services l'équité d'accès auprès des abonnés du câble, afin que les consommateurs puissent bénéficier d'un choix et d'une diversité accrus parmi les fournisseurs de services et les forfaits de services. C'est ainsi que la concurrence saine et viable permet de réaliser bon nombre des objectifs de politique énoncés à l'article 3 de la Loi. L'un de ces objectifs, comme le précise l'article 3(1)t)(ii), c'est que les EDR « devraient assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables ».

27.

Le cadre de réglementation concurrentiel est également conforme aux objectifs de réglementation cités à l'article 5(2) de la Loi. En vertu de cet article, le Conseil a reçu le mandat de réglementer et de surveiller le système de radiodiffusion de manière suffisamment souple pour, par exemple, « pouvoir aisément s'adapter aux progrès scientifiques et techniques » et « permettre la mise au point de techniques d'information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens des services qui en découlent ». Le cadre de réglementation concurrentiel du Conseil vise un plus grand choix pour l'utilisateur ultime. Le Conseil a confirmé et renforcé sa politique de choix pour l'utilisateur ultime dans les paragraphes 80 et 81 de Règlement sur la distribution de radiodiffusion, avis public CRTC 1997-150, 22 décembre 1997 (l'avis public 1997-150). Ces paragraphes se lisent comme suit :
 

80. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil juge opportun de modifier la démarche de politique exposée dans l'avis 1997-25 se limitant à encourager la fourniture du choix par l'utilisateur ultime. Plus particulièrement, dans le cas d'un immeuble à logements multiples où il est techniquement possible de fournir l'accès concurrentiel à des logements individuels, le Conseil a établi qu'un contrat d'exclusivité entre une EDR et le propriétaire de l'édifice ne servirait pas l'intérêt public. À son avis, un contrat d'exclusivité dans pareils cas signifierait généralement qu'une EDR se confère une préférence indue, ce qui est contraire à l'article 9 du règlement. Pour ce qui est d'un contrat à long terme, cependant, sous réserve qu'il ne soit pas exclusif, une EDR ne serait pas considérée comme se conférant une préférence indue.

 

81. Dans les immeubles à logements multiples où la fourniture du choix par l'utilisateur ultime n'est pas possible techniquement, le Conseil estime qu'il convient d'adopter une autre démarche. Plus précisément, le titulaire d'une EDR ne devrait d'aucune façon empêcher le propriétaire de l'édifice de conclure un contrat avec un autre distributeur afin de desservir les résidents de l'édifice, même s'il existe un contrat exclusif à long terme entre le titulaire et le propriétaire de l'édifice, si ce contrat a été signé avant la déréglementation des tarifs du titulaire et que plus de cinq ans se sont écoulés depuis son exécution. Le titulaire qui prendrait une telle mesure serait généralement considéré comme se conférant une préférence indue, ce qui irait à l'encontre de l'article 9 du règlement. Si, d'autre part, le contrat à long terme a été signé après la déréglementation des tarifs du titulaire, ce dernier ne sera pas considéré comme se conférant une préférence indue.

28.

Le Conseil note que les dispositions concernant le marketing exclusif et les incitations financières s'y rapportant dans ces ententes n'empêchent pas explicitement un occupant de l'immeuble d'opter pour l'abonnement à une EDR concurrente de Cogeco, pas plus qu'elles n'empêchent une EDR concurrente de fournir le service à un occupant. Néanmoins, le Conseil est préoccupé par l'effet que peuvent avoir ces dispositions au plan pratique sur la capacité d'une nouvelle venue à exercer de la concurrence dans ces immeubles et, par conséquent, sur la capacité de choix dont devrait jouir l'utilisateur ultime. Tout d'abord, le Conseil note que, selon les dispositions du type d'entente dont il est question, plus important est le degré de pénétration des services de Cogeco parmi les occupants de ces ILM, plus intéressants sont les avantages accordés aux gérants de ces ILM sous forme de services gratuits. Ensuite, les dispositions de marketing exclusif ont pour but d'empêcher le propriétaire de promouvoir les services de tout distributeur autre que Cogeco. Le Conseil estime que ces dispositions, prises dans leur ensemble, constituent un intérêt direct pour les propriétaires et les gérants d'ILM qui obtiennent des services gratuits à restreindre l'accès à leur ILM par Câblevision ou d'autres EDR que Cogeco en même temps que l'accès du consommateur à Câblevision ou à tout autre distributeur que Cogeco. Le droit exclusif de Cogeco d'annoncer et de promouvoir ses services constitue un obstacle supplémentaire pour empêcher la concurrence de rejoindre les locataires. Finalement, le Conseil accepte les allégations de Câblevision, y compris celles mentionnées au paragraphe 5, selon lesquelles l'accès aux ILM qui lui a été refusé découlait directement de ces ententes.

29.

Dans le contexte de la présente instance, y compris du marché particulier en question, le Conseil est d'avis que l'effet cumulatif de ces dispositions fut de réduire, et réduira vraisemblablement, l'accès par Câblevision ou d'autres concurrents aux locataires des ILM en question et que ces dispositions constituent de ce fait un obstacle important à la concurrence. Pareille situation va à l'encontre des objectifs de politique du Conseil qui sont d'assurer une concurrence saine et viable et un plus grand choix pour l'utilisateur ultime.

30.

Par conséquent, le Conseil conclut que Cogeco s'est accordée à elle-même une préférence et a assujetti Câblevision à un désavantage qui a eu, ou pourrait avoir des conséquences tangibles néfastes pour Câblevision. En outre, en entravant l'accès raisonnable aux ILM par une entreprise concurrente de distribution, Cogeco a sapé sérieusement ou pourrait saper sérieusement la capacité de l'utilisateur ultime d'exercer son choix dans la région desservie par les deux sociétés.
 
Conclusion

31.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu'en signant des ententes assorties de clauses de marketing exclusif et de dispositions prévoyant des incitations financières pour les propriétaires et les gérants auxquels on réfère aux paragraphes 23 et 24 ci-dessus, Cogeco, dans le contexte de la présente instance, s'est accordée à elle-même une préférence indue et a assujetti Câblevision et les résidents des ILM où sont exploitées les deux sociétés à un désavantage indu, contrevenant ainsi à l'article 9 du Règlement.
 
Mesures correctives à apporter pour que Cogeco ne contrevienne plus à l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion

32.

Pour ne plus contrevenir à l'article 9 du Règlement, Cogeco devra adopter les mesures correctives suivantes :
 
  • modifier les ententes spécifiées en supprimant les clauses ou les annexes que le Conseil estime aller à l'encontre de l'article 9 du Règlement;
 
  • modifier toutes les autres ententes intervenues entre Cogeco et les propriétaires et gérants d'ILM qui contiendraient les clauses ou les annexes en question;
 
  • voir à l'avenir à ce que toute nouvelle entente ne contienne ni clause ni annexe dont la teneur serait sensiblement la même que celle des clauses ou annexes que le Conseil estime aller à l'encontre de l'article 9 du Règlement.

33.

Advenant que Cogeco ne prenne pas les mesures pour corriger la situation, le Conseil pourra fixer une audience publique pour examiner les circonstances qui l'empêcheraient de publier une ordonnance, ou avoir recours à toute autre mesure incitative dont il dispose.
 

Comptes globaux commerciaux

34.

Dans la section précédente de cette décision qui reprend en détail la plainte déposée par Câblevision, il a été fait mention d'une entente passée entre Cogeco et le Centre polyvalent des Aînés(es) de Rimouski, par laquelle Cogeco consent un tarif mensuel par abonné inférieur au tarif que Cogeco perçoit normalement chez ses abonnés résidentiels de Rimouski. Câblevision a allégué que cette entente constituait une infraction à l'article 9 du Règlement. Il s'agit d'un cas de facturation globale.

35.

La facturation globale est une pratique selon laquelle le propriétaire ou le gérant d'un ILM se procure les services de programmation d'une EDR au prix du gros pour les redistribuer aux occupants de l'immeuble. Comme le note le Conseil dans Facturation globale par les entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe, avis public de radiodiffusion CRTC 2002-7, 12 février 2002 :
 

Depuis quelque temps, les câblodistributeurs utilisent les arrangements de facturation globale comme un outil de commercialisation qui, selon le Conseil, peut s'avérer à la fois commode et économique pour l'abonné.

36.

Ces rabais, lorsqu'ils sont raisonnables et offerts à tous les abonnés résidant dans un ILM, sont conformes à la politique du Conseil qui permet depuis longtemps la facturation globale. À la suite de son examen de l'arrangement de facturation globale dont il est fait état dans la plainte à l'étude, le Conseil conclut qu'il ne constitue pas une préférence indue non plus qu'un désavantage indu, et ne contrevient donc pas à l'article 9 du Règlement. Le Conseil rejette donc cette portion de la plainte. En ce qui a trait toutefois à la clause 4 de l'entente de facturation globale en cause intervenue entre Cogeco et le Centre polyvalent des Aînés(es) de Rimouski, le Conseil rappelle à Cogeco que rien dans cette clause ne doit être interprété ou mis en ouvre de façon à empêcher ou à tenter d'empêcher un autre distributeur d'offrir son service dans un ILM, en retour du paiement du tarif approprié pour l'utilisation du câblage intérieur.
 

Règles de reconquête du marché

37.

L'objectif des règles de reconquête du marché est d'empêcher le démarchage direct, par une EDR par câble en place, auprès des clients qui lui ont signalé leur intention d'annuler leur service de base. Le Conseil a précisé, dans sa lettre de décision du 1er avril 1999 établissant les règles de reconquête, qu'il exigerait :
 

.que les câblodistributeurs titulaires s'abstiennent d'offrir des rabais ou d'autres incitatifs qui ne sont généralement pas offerts au public aux clients qui communiquent personnellement avec eux pour annuler leur service de câble de base. Cette restriction s'appliquera à partir de la date de réception de l'avis d'annulation et jusqu'à quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de débranchement du service de câble de base.

38.

Comme mentionné, Câblevision a allégué que Cogeco, en offrant des décodeurs numériques gratuits et des rabais sur le tarif mensuel de base, exerçait une stratégie destinée à reconquérir systématiquement les abonnés de Câblevision lorsqu'ils annulent leur service du câble, et que cette stratégie allait à l'encontre des règles de reconquête du marché.

39.

Cogeco a répliqué que, dans les exemples cités par Câblevision, Cogeco n'avait fait que présenter aux abonnés les offres qui sont généralement offertes à tous les clients de Cogeco au Québec. Plus précisément, selon Cogeco, n'importe quel abonné, n'importe où au Québec, peut communiquer avec le service à la clientèle de Cogeco et s'abonner au service numérique de base moyennant le tarif en vigueur de 10,99 $ par mois, ou acheter un décodeur pour 79,99 $ après l'avoir loué pendant au moins 12 mois. Les modifications apportées dans le tarif de l'abonné résultaient donc de la décision de cet abonné de changer son forfait de câble analogique, ou de remplacer son service de base analogique par le service de base numérique meilleur marché, ou encore d'acheter le décodeur qu'il avait l'habitude de louer.
 
Conclusion

40.

À la lumière de ces éclaircissements et sur la foi des affirmations qui ont été consignées lors de cette instance, le Conseil conclut que Cogeco n'a pas agi à l'encontre des règles de reconquête dans la mesure où les offres étaient généralement offertes à tous les clients de Cogeco.

41.

Toutefois, le Conseil constate avec inquiétude que Cogeco semble avoir pris l'habitude d'informer ses clients des « offres généralement offertes » uniquement quand les clients communiquent avec son service de la clientèle. Le Conseil est d'avis que ces offres « généralement offertes » devraient être communiquées ouvertement et il s'attend à ce que Cogeco agisse en ce sens.
 

Requête de confidentialité

42.

Cogeco a demandé que les ententes de service qu'elle a signées avec Gestion Simon Brisson (Immeubles Brisson), Immeubles Jean Rioux inc. et Logeri inc. (Résidence l'Oasis), et les modalités de facturation globale dont elle a convenu avec le Centre polyvalent des Aînés(es) de Rimouski soient traitées sous le sceau de la confidentialité étant donné qu'elles renferment des informations confidentielles et cruciales d'un point de vue commercial, et parce que leur divulgation donnerait un avantage concurrentiel indu aux concurrents de Cogeco et causerait des dommages sérieux et irréparables à Cogeco et aux autres parties concernées.

43.

Le Conseil estime que le préjudice pouvant résulter de la divulgation des conditions financières, lorsqu'il s'agit d'ententes cruciales comme celles-ci, dépasse les avantages pouvant résulter de leur divulgation. La demande de confidentialité des documents en question est donc accordée. Conformément à la politique du CRTC, toute correspondance ayant trait à cette plainte, à moins de renfermer de l'information confidentielle, sera déposée au dossier public.
  Secrétaire général
  La présente décision devra être annexée à chaque licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

Mise à jour : 2004-01-14

Date de modification :