Décision de télécom CRTC 2003-65

Ottawa, le 29 septembre 2003

Norouestel Inc. - Demande visant à retirer les restrictions relatives à la mise en marché conjointe

Référence : 8622-N1-200301359

Dans la présente décision, le Conseil approuve la demande présentée par Norouestel Inc. (Norouestel) en vue de retirer les restrictions interdisant à Norouestel d'établir une mise en marché conjointe de ses services avec ceux de son entreprise de services sans fil affiliée, Northwestel Mobility Inc. De plus, le Conseil énonce son opinion préliminaire concernant la conformité de Norouestel aux règles du Conseil sur le groupement et les affiliées, et il exprime son avis sur la réglementation des entreprises canadiennes sous le même contrôle qu'une entreprise de services locaux titulaire. Un processus de justification est établi pour permettre d'évaluer s'il y a lieu de mettre en oeuvre les opinions préliminaires du Conseil.

Introduction

1. Le Conseil a reçu une demande présentée en vertu de la partie VII des Règles de procédures du CRTC en matière de télécommunications le 5 février 2003 par Norouestel Inc. (Norouestel) afin que le Conseil retire les interdictions qui empêchent la compagnie de mettre en marché ses services conjointement avec ceux de son entreprise de services sans fil affiliée, Northwestel Mobility Inc. (NMI). NMI fournit des services cellulaires dans le territoire de desserte de Norouestel.

2. Le Conseil a reçu des observations du gouvernement du Yukon (GY) le 20 février 2003 et le 21 mars 2003, de la Chambre de commerce de Yellowknife (CCYK) le 28 février 2003, de la Chambre de commerce de Whitehorse (CCW) le 10 mars 2003, du Utilities Consumers' Group (UCG) le 18 mars 2003, de New North Networks Ltd. (NNN) le 26 mars 2003 et de la Chambre de commerce du Yukon (CCY) le 2 avril 2003. Norouestel a déposé des observations en réplique le 2 avril 2003.

Historique

3. Dans la décision Radio cellulaire - Opportunité des garanties structurelles, Décision Télécom CRTC 87-13, 23 septembre 1987 (la décision 87-13), le Conseil a imposé aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT) des restrictions relatives à la mise en marché conjointe afin de faciliter l'entrée en concurrence dans le nouveau marché des services de télécommunication sans fil mobiles, marché alors en émergence. Ces restrictions ont été réitérées dans la décision Rogers Cantel Inc. c. Bell Canada - Mise en marché du service cellulaire, Décision Télécom CRTC 92-13, 29 juin 1992 (la décision 92-13).

4. Conformément à une lettre du Conseil datée du 14 février 1997, Norouestel a appliqué, à compter du 1er mai 1997, les restrictions relatives à la mise en marché conjointe énoncées dans la décision Réglementation des services de télécommunications sans fil mobiles, Décision Télécom CRTC 96-14, 23 décembre 1996 (la décision 96-14). Dans la décision 96-14, le Conseil a conclu qu'il y avait lieu d'étendre les interdictions prévues dans les décisions susmentionnées aux relations entre les compagnies de téléphone et les affiliées fournissant des services téléphoniques mobiles publics commutés.

5. Dans l'avis Examen des restrictions relatives à la mise en marché conjointe, Avis public Télécom CRTC 97-14, 25 avril 1997 (l'avis 97-14), le Conseil a fait remarquer que les restrictions relatives à la mise en marché conjointe, établies dans les décisions 87-13 et 92-13, représentaient un ensemble de garanties destinées à empêcher les compagnies de téléphone filaires de se conférer à elles-mêmes ou à leurs affiliées de services cellulaires une préférence ou un avantage indu, ce qui est contraire au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications. Les garanties comprenaient :

  1. l'interdiction de faire toute mise en marché et publicité conjointes;
  2. l'obligation de référer les clients de façon impartiale;
  3. l'interdiction d'échanger des renseignements confidentiels sur les clients; et
  4. l'interdiction d'interfinancer les services cellulaires à partir des services filaires.

Dans l'avis 97-14, le Conseil, a sollicité des observations sur la question de savoir si, compte tenu de l'évolution du marché, il convenait de continuer d'imposer aux anciennes compagnies membres du Centre de ressources Stentor Inc. (Stentor) et aux compagnies de téléphone indépendantes les restrictions susmentionnées relativement à la mise en marché conjointe.

6. Dans l'avis Examen du groupement et des restrictions relatives à la mise en marché conjointe, Avis public Télécom CRTC 97-14, 6 juin 1997 (l'avis 97-14), le Conseil a annoncé qu'il élargissait la portée de l'instance établie dans l'avis 97-14 afin d'inclure la question du groupement et il a sollicité des observations sur le groupement d'un service tarifé avec :

7. Dans l'avis 97-14, le Conseil a également déclaré, qu'il n'entendait pas revenir sur les questions concernant le groupement des services de télécommunication fournis à l'interne par les compagnies ex-membres de Stentor. Les questions concernant ce groupement ont été abordées dans la décision Examen du cadre de réglementation, Décision Télécom CRTC 94-19, 16 septembre 1994 (la décision 94-19) et la décision Concurrence locale, Décision Télécom CRTC 97-8, 1er mai 1997 (la décision 97-8).

8. Conformément aux instances amorcées par les avis publics 97-14 et 97-14, la décision Mise en marché conjointe et groupement, Décision Télécom CRTC 98-4, 24 mars 1998 (la décision 98-4) a été publiée. Dans cette décision, le Conseil a levé l'interdiction de mise en marché conjointe des services sans fil mobiles et des services filaires imposées aux compagnies ex-membres de Stentor et aux compagnies de téléphone indépendantes. Norouestel n'était pas partie à cette instance. Le Conseil a également fixé, pour les compagnies ex-membres de Stentor, des règles applicables au groupement des services de télécommunication tarifés avec ceux d'une compagnie affiliée ou non affiliée, ou encore avec des services autres que de télécommunication.

9. Le 8 mars 1999, Norouestel a déposé une demande pour que le Conseil retire l'interdiction imposée à la compagnie à l'égard de la mise en marché conjointe des services de télécommunication filaires et sans fil mobiles. Le Conseil a rejeté la demande de Norouestel dans l'ordonnance Restrictions relatives à la mise en marché conjointe conservées pour Norouestel, Ordonnance CRTC 2000-396, 12 mai 2000 (l'ordonnance 2000-396). Le Conseil avait conclu que :

La demande de Norouestel

10. Norouestel a fait valoir que certains changements importants étaient survenus dans son secteur de télécommunication à la suite de la publication de l'ordonnance 2000-396. Parmi ces changements, notons entre autres la publication de la décision La concurrence dans l'interurbain et le service amélioré pour les abonnés de Norouestel, Décision CRTC 2000-746, 30 novembre 2000 (la décision 2000-746), qui a permis d'instaurer la concurrence dans l'interurbain dans la zone d'exploitation de Norouestel et qui a servi à établir un cadre de réglementation unique et approprié pour le Nord; la croissance rapide de la concurrence des services sans fil dans les zones de desserte les plus rentables de l'affiliée de la compagnie, en particulier la concurrence des grands fournisseurs de services établis dans le Sud.

11. Norouestel a fait valoir que l'objectif général du Conseil lorsqu'il a instauré la concurrence dans l'interurbain dans la décision 2000-746 était de promouvoir une concurrence justifiée qui soit adaptée aux caractéristiques particulières du Nord tout en fournissant aux clients des services sensiblement comparables à des tarifs sensiblement comparables. Norouestel a indiqué que le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe non seulement renforcerait la capacité de la compagnie à répondre aux besoins de ces clients mais lui permettrait également de prendre les mesures nécessaires pour améliorer son efficacité et ainsi de réduire ses besoins en matière de financement supplémentaire.

12. Norouestel a soutenu que les obstacles à l'entrée en concurrence sur le marché de l'interurbain, qui, comme en a conclu le Conseil dans l'ordonnance 2000-396, étaient une des principales raisons pour laquelle la compagnie n'était pas autorisée à retirer les restrictions relatives à la mise en marché conjointe à l'époque, ont maintenant été éliminés et les habitants dans le Nord devraient pouvoir bénéficier des avantages de la mise en marché conjointe.

13. À l'appui de sa demande, Norouestel a fait valoir que le Conseil avait reconnu dans la décision 98-4 que la mise en marché conjointe entre compagnies affiliées présentait des avantages certains pour les clients comme pour l'industrie. Norouestel a fait remarquer en particulier les déclarations du Conseil selon lesquelles la mise en marché conjointe satisferait mieux aux demandes des abonnés pour un guichet unique et des services intégrés et permettrait de fournir des services de télécommunication de façon plus rentable.

14. Norouestel a également indiqué que le Conseil avait reconnu dans l'ordonnance 2000-396 que ces avantages de la mise en marché conjointe concernaient également le territoire d'exploitation de Norouestel. Norouestel a fait valoir toutefois que même si le Conseil avait reconnu les avantages de la mise en marché conjointe, sa principale préoccupation au moment où il a publié l'ordonnance 2000-396 concernait l'absence d'une réelle concurrence dans le territoire de Norouestel, ce qui l'a poussé à conclure que les avantages de la mise en marché conjointe dans le territoire de Norouestel ne compensaient pas pour ses effets négatifs sur le développement des marchés concurrentiels.

15. En ce qui concerne le degré de concurrence dans le secteur de l'interurbain dans son territoire, Norouestel a fait valoir qu'avant 2001, sa part du marché avait été réduite parce que le gouvernement fédéral revendait le service interurbain. Norouestel a indiqué que cette revente s'est poursuivie jusqu'en août 2002, après quoi le trafic connexe a été transféré à un grand fournisseur national qui a obtenu le contrat national afférent aux systèmes informatiques de télécommunication du gouvernement à la fin de 2001. Norouestel a fait valoir que ce concurrent d'égalité d'accès avait jusqu'à présent ciblé les gros clients dans les grands centres, comme on peut s'y attendre en début de concurrence. Toutefois, Norouestel a indiqué prévoir que ce concurrent ciblerait les marchés d'égalité d'accès de Whitehorse, de Yellowknife et de Fort Nelson en 2003. Norouestel a en outre indiqué que ce concurrent est une des plus grosses compagnies de services sans fil et filaires au Canada et que, selon elle, cette compagnie allait offrir des services sans fil et filaires groupés aux grandes entreprises et aux gouvernements. Norouestel a également fait remarquer qu'un autre fournisseur d'égalité d'accès s'était récemment établi dans son territoire d'exploitation et qu'une tierce partie avait eu des discussions avec la compagnie.

16. Norouestel a fait valoir que l'autre changement important survenu depuis la publication de l'ordonnance 2000-396 avait trait aux conditions actuelles du marché aux termes desquelles les services sans fil sont fournis dans le Nord. Norouestel a indiqué que les fournisseurs de services sans fil (FSSF) offrent maintenant des services complets qui font concurrence aux services filaires locaux et interurbains et a souligné que ces concurrents établissent généralement leurs prix à partir de leurs coûts nationaux, plutôt que de leurs coûts dans le marché du Nord. Norouestel a soutenu que les nouvelles installations des concurrents permettent aux FSSF d'offrir des forfaits complets de services de télécommunication dans les marchés « de grande valeur » se trouvant dans le Nord.

17. Norouestel a fait valoir que TELUS Communications Inc. (TCI) avait étendu un réseau micro-ondes numérique à haut débit dans la zone de desserte la plus active de NMI, à savoir le Nord-Est de la Colombie-Britannique, où l'exploration pétrolière et gazière était l'activité la plus importante. Selon Norouestel, une telle situation permettrait également à TCI de faire concurrence à Norouestel dans le secteur des services filaires. En outre, Norouestel a fait remarquer que TCI exploitait différents réseaux privés dans le Nord de la Colombie-Britannique ainsi que divers services de voix et de données, ce qui en fait un fournisseur de services complets, offrant des forfaits selon des modalités et des conditions non tarifées à certains clients.

18. Norouestel a également fait valoir que les nouveaux concurrents bénéficient d'autres avantages sur le plan de la réglementation en ce sens qu'ils pourraient utiliser l'interfinancement pour accaparer une plus grande part de marché, et ce, sans avoir à déposer de tarifs. Norouestel a laissé entendre que ces avantages sur le plan de la réglementation, ainsi que le prestige de la marque, aident ses concurrents à le chasser de bon nombre de ses marchés les plus intéressants, car la réglementation limite sa capacité d'offrir des forfaits complets. Norouestel a soutenu qu'elle doit avoir la possibilité de servir les intérêts des gros clients de « grande valeur » dans les régions éloignées, dans la mesure où ces clients ont besoin de forfaits pleinement intégrés comprenant des services mobiles, fixes, interurbains, de données et Internet.

19. Pour ce qui est de la concurrence locale, Norouestel a fait remarquer que le Conseil s'est abstenu d'examiner l'implantation de la concurrence locale au moment de la décision 2000-746. Compte tenu de l'aspect particulier du marché des télécommunications dans le Nord, Norouestel a fait valoir que la concurrence locale dans les services filaires risquait de ne jamais se concrétiser dans son territoire de desserte et que d'ailleurs, les services sans fil des concurrents avaient déjà remplacé le service filaire local de base dans les endroits les plus intéressants. Mais Norouestel a fait valoir que l'absence de concurrence locale ne devrait pas empêcher la compagnie de fournir aux clients les avantages associés à la mise en marché conjointe et au groupement des services.

20. Norouestel a indiqué que même si la concurrence locale n'était pas actuellement autorisée, cela n'empêchait pas les nouveaux venus offrant des services de radio et de satellite qui ne sont pas assujettis aux restrictions relatives à la mise en marché conjointe d'offrir des groupements qui comprennent des installations de réseau privées, des services de radio mobiles cellulaires, ainsi que des services interurbains et l'équipement connexe.

21. Norouestel a fait valoir que ses clients s'étaient dits mécontents de ne pouvoir traiter qu'avec un seul représentant du service à la clientèle (guichet unique) et de ne recevoir qu'une seule facture pour les services de télécommunication. Norouestel a fait remarquer, à titre d'exemple, que les clients de l'industrie pétrolière et gazière ont besoin du déploiement rapide de plusieurs services intégrés, notamment des configurations de réseau étendu reliées à des bureaux à domicile et d'autres services de données, services cellulaires et autres services de radio mobiles, et des systèmes fixes essentiels pour les services téléphoniques locaux et interurbains. Selon Norouestel, les clients estiment que ces services sont complémentaires, si bien qu'ils sont déconcertés et déçus quand la compagnie leur demande de s'adresser à plusieurs représentants, ce qui leur paraît comme du temps perdu qui coûte cher, en particulier dans les régions éloignées pour la mise en valeur des ressources.

22. En ce qui concerne les garanties contre l'interfinancement, Norouestel est d'avis qu'il existe déjà suffisamment de garanties pour que les concurrents ne soient pas désavantagés si les restrictions relatives à la mise en marché conjointe étaient retirées. Ces garanties comprennent la séparation comptable, les exigences de rapports pendant les instances réglementaires annuelles, les rapports de transaction entre sociétés et les rapports annuels de la Phase III.

23. En ce qui concerne les garanties contre le groupement des services avec ceux des entreprises de services sans fil affiliées, Norouestel a dit estimer que les restrictions en vigueur continueraient de s'appliquer. Norouestel a indiqué qu'elle continuerait de se conformer aux tests d'imputation sur les forfaits groupés, notamment les services tarifés des compagnies de téléphone groupés avec les services des affiliées. Norouestel a indiqué que dans la mesure où la grande majorité des services qu'elle fournit sont actuellement tarifés, le Conseil aurait l'occasion de faire en sorte, au cas par cas au moyen du processus de demande tarifaire, qu'aucun comportement anticoncurrentiel n'en résulte.

Observations des parties

24. Des observations à l'appui de la demande de Norouestel ont été déposées par la CCW, la CCY et la CCYK. NNN et le UCG se sont opposés à la demande de Norouestel. Le GY a jugé souhaitable d'étudier la demande dans le contexte d'un examen global du cadre de réglementation des télécommunications dans le Nord; de l'avis du GY, la demande de Norouestel ne porte que sur un aspect de la concurrence dans les services de télécommunication et il y a lieu d'adopter une perspective plus large à l'égard des possibilités de concurrence, en particulier la concurrence dans le Nord.

25. NNN était d'avis que Norouestel n'avait pas réussi à montrer que des changements importants étaient survenus dans un contexte concurrentiel depuis la publication de l'ordonnance 2000-396 et que sa requête visant la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe ne devrait pas lui être accordée.

26. Pour ce qui est de l'affirmation de Norouestel selon laquelle les obstacles à l'entrée en concurrence dans le secteur de l'interurbain ont été éliminés, NNN est d'avis que, malgré une certaine entrée en concurrence dans le territoire de Norouestel, il ne s'agit que d'un pas vers la concurrence étant donné que d'autres segments du marché des services filaires, comme le service filaire local, continuent d'être exclus du régime de concurrence. NNN a fait valoir que l'on ne devrait pas assouplir les restrictions relatives à la mise en marché conjointe de Norouestel tant que le marché des télécommunications ne serait pas davantage ouvert à la concurrence, et en particulier tant que la concurrence locale dans le secteur du service filaire à tout le moins était autorisée.

27. NNN a indiqué que ni TELUS Mobility Inc. ni les fournisseurs de services de radio et de satellite ne peuvent devenir des concurrents importants de Norouestel puisque le régime de réglementation actuel les empêche d'offrir les services locaux que seule Norouestel peut offrir. NNN a soutenu que la plupart des petites compagnies du Nord qui offrent des services de télécommunication concurrentiels étaient en concurrence avec Norouestel car celle-ci ne pouvait pas ou ne voulait pas fournir les services au moment opportun et qu'en fait, elle entrait souvent dans le marché une fois que ces services avaient déjà fait l'objet d'un lancement et d'un développement initial.

28. NNN a admis que certains clients réclament un guichet unique pour une gamme de services de télécommunication par souci d'efficacité et de rapidité, comme Norouestel l'a fait remarquer. NNN a également convenu avec Norouestel que la capacité de mettre conjointement en marché ses produits et ses services était sans conteste un avantage certain pour les clients.

29. Toutefois, NNN a soutenu que lui-même et ses partenaires étaient les principaux fournisseurs de services de communication dans la région pétrolifère du delta du Mackenzie et qu'il sait bien, d'après ses contacts avec les clients, que ceux-ci s'opposeraient également à une limitation de la concurrence au profit d'une réduction possible du montant de subvention que reçoit Norouestel. Selon NNN, si le Conseil accordait à Norouestel la levée des restrictions qu'elle demande, la compagnie deviendrait le seul choix de fournisseur de services intégrés.

30. NNN n'accepte pas les déclarations de Norouestel voulant que le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe assurerait l'égalité de traitement réglementaire, établirait des règles du jeu plus équitables et favoriserait l'égalité concurrentielle entre les petits titulaires et les grands concurrents qui entreraient dans le marché. NNN a indiqué que le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe renforcerait simplement la position dominante de Norouestel et ne ferait rien pour stimuler ou même soutenir la concurrence.

31. Le UCG a soutenu qu'il n'était pas convaincu que Norouestel avait fait la preuve que les avantages du retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe compenseraient les effets négatifs. Le UCG est d'avis que le marché du Nord est très vulnérable pour les activités commerciales, en particulier pour les entreprises locales comme celles qui oeuvrent dans les marchés des services Internet et du câble, car la population est limitée et répartie sur d'immenses étendues. Le UCG a insisté sur le fait que les marchés des services Internet et du câble constituent de bons créneaux pour les entrepreneurs du Nord, ce qui leur permet de décrocher les emplois et les investissements locaux dont ils ont bien besoin, et a souligné que ces créneaux continuaient de s'éroder progressivement en raison de la concurrence des affiliées de Norouestel. Le UCG a fait valoir que le fait d'autoriser Norouestel à effectuer la mise en marché conjointe et le regroupement de services risquerait d'éliminer ces petits concurrents indépendants du marché.

32. CCYK était d'avis que le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe donnerait un élan à la concurrence dans le marché de Yellowknife et apporterait certainement des avantages aux entreprises et aux résidents de Yellowknife sous la forme d'un plus grand choix pour les clients, d'une réduction des coûts des services de télécommunication, d'une amélioration des services et d'une augmentation possible de l'emploi local. La CCYK a également fait remarquer qu'avec le retrait des obstacles à l'entrée en concurrence dans le marché de l'interurbain à Yellowknife le 1er janvier 2001, les restrictions relatives à la mise en marché conjointe n'étaient plus nécessaires.

33. À l'appui de la demande de Norouestel visant le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe, la CCW et la CCY ont indiqué que leurs membres ne profitent pas des mêmes avantages que les clients du Sud en ce qui concerne la mise en marché conjointe des forfaits de services de télécommunication intégrés, notamment le guichet unique et la personnalisation des forfaits. La CCW et la CCY ont fait remarquer que leurs membres ont besoin d'un déploiement rapide de nombreux services intégrés et ont soutenu que l'obligation pour les clients de s'adresser à de nombreux représentants des services à la clientèle et de redonner plusieurs fois les mêmes renseignements pour définir leurs besoins correspondait à du temps perdu qui coûtait cher.

34. Le GY a soutenu qu'il avait intérêt à assurer le développement des services et d'une infrastructure de télécommunication pour le bénéfice des usagers dans l'ensemble du Yukon, notamment un fournisseur de service viable établi dans le Nord et des possibilités d'entrée en concurrence, en particulier pour les fournisseurs de services locaux. Le GY a fait valoir qu'il existait des données probantes révélant que les concurrents locaux peuvent offrir des services ou des forfaits intégrés comme solution de rechange, ou services à valeur ajoutée, en concurrence avec Norouestel.

35. Le GY a fait valoir que l'on devrait donner à Norouestel une occasion équitable d'utiliser ses capacités concurrentielles dans le marché du Nord et de ne pas être désavantagée par des règles asymétriques qui permettent aux grands concurrents de mieux se positionner. Toutefois, le GY a dit craindre que des changements apportés au cadre de réglementation aient des effets préjudiciables sur le développement des petits concurrents établis dans le Nord. De l'avis du GY, le fait de donner plus de souplesse à Norouestel, sans établir un cadre de réglementation et de tarification permettant aux fournisseurs de service locaux de bénéficier des mêmes possibilités de concurrence, pourrait nuire au développement des conditions propres à la concurrence dans le Nord.

36. Le GY a fait remarquer que le Conseil a récemment examiné la règle des affiliées et qu'il a établi des lignes directrices précises pour les ESLT concernant le groupement des services tarifés et ayant fait l'objet d'une abstention dans leurs territoires d'exploitation dans la décision Mesures de protection à l'égard des affiliées des titulaires, groupements effectués par Bell Canada et questions connexes, Décision de télécom CRTC 2002-76, 12 décembre 2002 (la décision 2002-76). Le GY a fait remarquer que la décision 2002-76 ne faisait pas mention de Norouestel spécifiquement.

37. Le GY a soutenu qu'il serait souhaitable d'étudier la demande de Norouestel dans le contexte d'un examen global du cadre de réglementation des télécommunications dans le Nord.

Observations en réplique de Norouestel

38. Norouestel a soutenu que l'argument de NNN selon lequel les restrictions relatives à la mise en marché conjointe devraient rester en vigueur puisque la concurrence locale des services filaires n'était pas encore autorisée dans le Nord ne tient pas compte du fait que même si cette concurrence locale n'est pas encore autorisée pour la plupart des compagnies de téléphone du Sud, le Conseil a cependant levé les restrictions relatives à la mise en marché conjointe pour mieux répondre aux besoins des clients. À cet égard, Norouestel a fait remarquer que NNN avait reconnu que les clients préfèrent souvent s'adresser à un guichet unique pour obtenir une gamme de services de télécommunication, par souci d'efficacité et de rapidité.

39. Norouestel a fait valoir que le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe n'empêcherait pas le développement de la concurrence de se poursuivre dans le Nord, mais, comme le Conseil a conclu pour le reste du Canada, leur retrait permettrait de mieux répondre aux besoins des clients dans le Nord.

Analyse et conclusion du Conseil

Mise en marché conjointe

40. Le Conseil prend note de l'argument de Norouestel voulant qu'un certain nombre de changements importants soient intervenus depuis que sa demande précédente visant le retrait des restrictions relatives à la mise en marché conjointe lui a été refusée dans l'ordonnance 2000-396. Ces changements comprennent l'établissement d'un cadre pour la concurrence dans le secteur de l'interurbain, dans la décision 2000-746.

41. Le Conseil est d'avis que la concurrence dans le secteur de l'interurbain à l'intérieur du territoire de Norouestel continue d'évoluer et qu'elle a progressé depuis la publication de l'ordonnance 2000-396. Le Conseil est également d'avis que la concurrence s'intensifiant, les clients sont plus au courant des services concurrentiels. Le Conseil reconnaît également que les clients exigent la commodité d'un guichet unique et de services intégrés. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d'avis que la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe n'aurait pas d'effet dissuasif sur le développement des marchés concurrentiels, mais contribuerait à répondre aux attentes des clients et assurerait également aux clients plus de commodité et de choix.

42. Le Conseil prend note de la position adoptée par Norouestel concernant la croissance rapide de la concurrence dans les services sans fil depuis la publication de l'ordonnance 2000-396, en particulier dans les zones les plus rentables de son affiliée, du fait que les concurrents offrent des forfaits complets qui remplacent les services filaires locaux et interurbains qui font l'objet de beaucoup de publicité. Le Conseil fait aussi remarquer que les services sans fil concurrentiels sont mis en marché par un certain nombre de concurrents dans divers points de vente au détail d'un certain nombre de collectivités du territoire de Norouestel. Depuis la publication de l'ordonnance 2000-396, on a constaté une croissance des services sans fil concurrentiels, dont la mise en marché contribue au choix concurrentiel et permet aux clients de mieux connaître les services offerts. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d'avis que la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe pour Norouestel ne découragerait pas la concurrence dans les services sans fil.

43. Le Conseil est également d'avis que même si le service filaire local ne s'ouvre pas à la concurrence dans un avenir prévisible, cela ne devrait pas en soi empêcher la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe.

44. En ce qui concerne les garanties concernant l'obligation de référer les clients de façon impartiale, le Conseil est d'avis que dans la mesure où les clients sont au courant de l'état de concurrence comme il est indiqué ci-dessus, elles ne sont plus nécessaires. De plus, pour ce qui est de l'échange de renseignements confidentiels sur les clients, le Conseil estime que, pour protéger la vie privée des clients, on peut utiliser certaines garanties comme les modalités de service de Norouestel et les conditions relatives aux renseignements confidentiels sur les clients imposées aux entreprises de services sans fil, y compris NMI, comme condition d'abstention de la réglementation.

45. En ce qui concerne l'interfinancement des services sans fil par les services filaires, le Conseil fait remarquer que cela découle de la séparation comptable entre les entités distinctes de Norouestel et de NMI et des transactions intersociétés connexes qui continueraient de s'appliquer. Le Conseil fait également remarquer que les instances de réglementation et les rapports annuels de la Phase III représentent également des garanties puisque Norouestel est toujours assujettie à la forme de réglementation fondée sur la base tarifaire et le taux de rendement, laquelle est assortie d'examens annuels du financement supplémentaire.

46. En ce qui concerne la requête voulant que cette demande soit étudiée dans le contexte d'un examen global du cadre de réglementation des télécommunications dans le Nord, le Conseil fait remarquer qu'au paragraphe 126 de la décision Norouestel Inc. - Examen annuel initial du financement supplémentaire, Décision de télécom CRTC 2003-39, 20 juin 2003, il a conclu que toute modification du cadre réglementaire de Norouestel devrait être étudiée dans le cadre de l'examen de son financement supplémentaire de 2004. Dans cette décision, le Conseil a indiqué qu'à ce moment-là, il décidera si la forme de réglementation actuelle est toujours appropriée ou s'il faut la remplacer par un régime de transition ou passer directement à une réglementation des prix.

47. Toutefois, le Conseil estime que cette demande devrait être traitée maintenant, car à la lumière de ce qui précède, le Conseil est d'avis que les restrictions relatives à la mise en marché conjointe applicables à Norouestel ne sont plus nécessaires. De plus, le Conseil est d'avis que Norouestel devrait être traitée davantage comme ses homologues ESLT du reste du Canada et non plus comme la seule titulaire encore assujettie aux restrictions relatives à la mise en marché conjointe. Par conséquent, le Conseil approuve la demande deNorouestel.

48. Cependant, le Conseil fait également remarquer qu'outre la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe et un traitement de Norouestel qui ressemble davantage à celui de ses homologues ESLT, il est d'avis que l'on devrait tenir compte de ses récentes décisions concernant les règles sur le groupement des services, les modifications connexes de la règle des affiliées et la réglementation afférente applicable aux entreprises canadiennes sous contrôle commun avec une ESLT. Ces questions sont abordées ci-après.

Groupement

49. Le Conseil fait remarquer qu'il a établi les règles sur le groupement et les tests d'imputation dans la décision 94-19 à l'égard du groupement des services monopolistiques avec les éléments des services concurrentiels et du groupement des arrangements personnalisés (AP) pour les grandes ESLT, y compris Norouestel. À la suite de la décision 94-19, les règles sur le groupement ont été encore modifiées dans un certain nombre de décisions et ordonnances pour les grandes ESLT, à l'exclusion de Norouestel. Dans la décision 97-8, le Conseil a élargi la portée de la décision 94-19 pour permettre le groupement des services locaux avec les services ayant fait l'objet d'une abstention. Dans la décision 98-4, les règles sur le groupement ont été également étendues au groupement des services tarifés avec des compagnies affiliées ou non affiliées ou des services autres que de télécommunication offerts à l'interne par les grandes compagnies de téléphone titulaires.

50. De plus, dans l'ordonnance Élaboration d'un cadre de réglementation à l'égard des arrangements personnalisés, Ordonnance CRTC 2000-425, 19 mai 2000, le Conseil a fixé les règles concernant les AP qui groupent les services de télécommunication tarifés et les services non tarifés et/ou les services autres que de télécommunication. Il a également établi des critères pour le groupement des services tarifés et faisant l'objet d'une abstention dans le cadre d'un marché concurrentiel.

51. L'avis préliminaire du Conseil est qu'outre la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe et un traitement de Norouestel qui ressemble davantage à celui de ses homologues ESLT du reste du Canada, Norouestel devrait également se conformer à toutes les règles établies par le Conseil en matière de groupement pour se protéger contre les comportements anticoncurrentiels et veiller à ce qu'il y ait une distinction claire entre le groupement des services et la mise en marché conjointe des services. Le Conseil ordonne àNorouestel de justifier, dans les 21 jours de la date de la présente décision, pourquoi ces règles ne devraient pas être appliquées.

Règle des affiliées

52. Dans la décision 2002-76, le Conseil a apporté des modifications à la règle des affiliées, notamment un changement à la définition de « affiliée » ainsi que des changements aux conditions selon lesquelles une ESLT peut fournir des services tarifés à une affiliée. Plus précisément, le Conseil a changé la définition de « affiliée » afin d'inclure seulement les personnes qui ne sont pas des entreprises canadiennes et qui contrôlent des ESLT ou sont contrôlées par elles ou qui sont contrôlées par une personne qui contrôle également l'ESLT. Dans tous les cas, le contrôle signifie un contrôle de fait direct ou indirect.

53. Le Conseil a également modifié les conditions aux termes desquelles une ESLT peut fournir des services tarifés à une affiliée dans le sens où il est interdit à une ESLT de fournir à une affiliée des services n'ayant pas fait l'objet d'une abstention si l'affiliée utilise ces services pour fournir des services de télécommunication au public, sauf conformément à un tarif approuvé qui définit les taux, les modalités et les conditions selon lesquels les services de télécommunication sont fournis par l'affiliée au public. Ces taux, modalités et conditions doivent être identiques à ceux qui s'appliqueraient si les services de télécommunication en question étaient fournis au public par l'ESLT, plutôt que par l'affiliée.

54. L'avis préliminaire du Conseil est qu'outre la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe, il conviendrait également que Norouestel respecte les modifications apportées à la règle des affiliées. Cela rapprocherait la compagnie des grandes ESLT et ferait en sorte, comme le Conseil l'a fait remarquer au paragraphe 159 de la décision 2002-76 concernant les modifications à la règle des affiliées, que les services tarifés des ESLT soient fournis au public de façon entièrement conforme à la réglementation du Conseil, y compris celle qui touche le groupement et l'application des tests d'imputation. Le Conseil ordonne àNorouestel de justifier, dans les 21 jours de la date de la présente décision, pourquoi ces modifications ne devraient pas être mises en oeuvre.

Contrôle commun

55. Le Conseil fait remarquer que dans la décision 2002-76, en plus des modifications à la règle des affiliées, il a également jugé nécessaire d'examiner la réglementation des entreprises canadiennes sous contrôle commun avec une ESLT (contrôle commun, au paragraphe 74 c) de la décision 2002-76).

56. Dans cette décision, le Conseil a exprimé l'opinion préliminaire qu'une abstention serait justifiée pour un service de télécommunication d'une telle entreprise canadienne si et seulement si l'abstention était également justifiée si le service était fourni par l'ESLT. Le Conseil a également exprimé l'opinion préliminaire que les services de télécommunication ne faisant pas l'objet d'une abstention fournis par une telle entreprise canadienne devraient être assujettis aux mêmes règles et exigences que celles qui s'appliqueraient si les services étaient fournis par une ESLT. Le Conseil a invité les grandes ESLT à justifier pourquoi le Conseil ne devrait pas mettre en ouvre la réglementation proposée des entreprises canadiennes sous contrôle commun avec une ESLT.

57. Le Conseil a également indiqué dans cette décision que, comme mesure provisoire, jusqu'à ce que le Conseil se prononce sur la réglementation des entreprises canadiennes sous contrôle commun avec une ESLT, une entreprise canadienne assujettie sous contrôle commun avec une ESLT ne peut revendre des services tarifés offerts par cette ESLT, sauf en conformité avec un tarif déposé par l'entreprise canadienne et approuvé par le Conseil. Cette interdiction ne s'appliquait pas à la revente des services tarifés d'accès à la ligne d'abonné numérique à paire asymétrique aux fournisseurs de services Internet.

58. Le Conseil est d'avis préliminaire qu'outre la levée des restrictions relatives à la mise en marché conjointe, ses opinions concernant la réglementation des entreprises canadiennes sous contrôle commun avec une ESLT, ainsi que la mesure provisoire mentionnée ci-dessus, devraient également s'appliquer à Norouestel afin de rapprocher la compagnie des grandes ESLT. Le Conseil ordonne à Norouestel de justifier, dans les 21 jours de la date de la présente décision, pourquoi cela ne devrait pas être mis en ouvre.

Processus de justification

59. Norouestel devrait déposer ses justifications auprès du Conseil et en signifier copie aux parties intéressées par cette instance d'ici le 20 octobre 2003. Les parties intéressées peuvent déposer des observations au sujet de ces justifications d'ici le 27 octobre 2003 et en signifier copie à Norouestel et aux autres parties intéressées. Norouestel peut déposer des observations en réplique d'ici le 3 novembre 2003 et en signifiercopie aux parties intéressées qui ont déposé des observations. Lorsqu'un document doit être déposé ou servi à une date donnée, le document doit être reçu et non simplement envoyé à cette date.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca 

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