ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2002-47

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Décision de télécom CRTC 2002-47

Ottawa, le 9 août 2002

Demande présentée par Vidéotron ltée en vue de réviser et modifier l'ordonnance CRTC 2001-92

Référence : 8662-V3-01/01

Vidéotron ltée (Vidéotron) a déposé auprès du Conseil une demande en révision et modification de l'ordonnance CRTC 2001-92 afin que les règles de reconquête prévues au paragraphe 15 de l'ordonnance cessent de s'appliquer ou, sinon, qu'elles soient imposées à tous les fournisseurs de service Internet grande vitesse de détail dotés d'installations et établis dans le territoire d'exploitation de Vidéotron. Dans la présente décision, le Conseil conclut que Vidéotron n'a pas réussi à prouver qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de l'ordonnance CRTC 2001-92 et, par conséquent, il rejette la demande.

Historique

1.

Dans l'ordonnance CRTC 2001-92 du 1er février 2001 intitulée Modalités et tarifs approuvés pour le service d'accès grande vitesse des grandes entreprises de câblodistribution - Suivi de l'ordonnance CRTC 2000-789 (l'ordonnance 2001-92), le Conseil a établi qu'il y avait lieu d'imposer les règles de reconquête du marché des services de radiodiffusion aux services d'accès grande vitesse des grands câblodistributeurs.

La demande

2.

Le 5 mars 2001, Vidéotron ltée (Vidéotron) a déposé auprès du Conseil, conformément à l'article 62 de la Loi sur les télécommunications (la Loi), une demande en révision et modification de l'ordonnance 2001-92 afin que les règles de reconquête prévues au paragraphe 15 de l'ordonnance cessent de s'appliquer ou, sinon, qu'elles soient imposées à tous les fournisseurs de service Internet (FSI) grande vitesse de détail dotés d'installations et établis dans le territoire d'exploitation de Vidéotron.

3.

Selon Vidéotron, le Conseil a commis des erreurs de fait et de droit et il a introduit de nouveaux principes pour en arriver à sa décision. En effet, la compagnie soutient que :

- le Conseil a commis une erreur de fait lorsqu'il a déclaré que Vidéotron occupait une place dominante dans le marché des services Internet de détail et qu'elle exerçait une emprise importante sur ce marché. Selon Vidéotron, rien ne prouve que la compagnie est effectivement dominante ou qu'elle exerce une certaine emprise sur le marché des services Internet de détail ou du segment grande vitesse du marché des services Internet de détail dans son territoire d'exploitation.
- l'application de dispositions réglementaires asymétriques destinées à empêcher une partie de livrer concurrence dans un marché hautement concurrentiel et chaudement disputé constitue une erreur de droit.
- le Conseil a introduit de nouveaux principes, à savoir que (i) l'état de la concurrence n'est pas un facteur pertinent à prendre en considération pour établir s'il convient ou non d'imposer des restrictions à des fournisseurs de services individuels ou à des technologies dans le marché visé; et (ii) les marchés devraient se définir en fonction des technologies utilisées plutôt qu'en fonction des services fournis. Vidéotron a fait valoir que pour être considérée comme une entreprise dominante dans le marché des services Internet de détail, il faudrait que le marché soit défini en fonction des technologies utilisées. Vidéotron a également fait valoir que ce nouveau principe s'écarte des politiques de la Loi, lesquelles favorisent le jeu de la concurrence et la neutralité technologique, et que le Conseil n'aurait pas dû l'appliquer sans avoir sollicité l'opinion des parties.

Processus

4.

Le Conseil a reçu des observations provenant des membres indépendants de l'Association canadienne des fournisseurs Internet (MIACFI), d'AT&T Canada Corp. et AT&T Canada Telecom Services Company (AT&T Canada), de Bell Canada, de TELUS Communications Inc. (TCI), de M. François Ménard et de GT Group Telecom Services Corp. (Group Telecom). Vidéotron a déposé des répliques.

5.

Suite aux répliques, les MIACFI ont déposé d'autres observations, demandant que certaines parties de la réplique de Vidéotron soient retirées du dossier public. Vidéotron a donné suite à la demande des MIACFI, qui ont à leur tour déposer des observations en réplique.

Position des parties

6.

Selon les MIACFI, l'argument de Vidéotron voulant que le Conseil ait commis des erreurs de fait et de droit n'est pas fondé puisque la compagnie s'était inspirée d'une analyse qui ne visait pas le bon marché. Les MIACFI soutenaient que le Conseil avait raison de déclarer, au paragraphe 13 de l'ordonnance 2001-92, qu'il faudrait examiner l'utilité d'appliquer les règles de reconquête actuelles aux services d'accès des entreprises de câblodistribution en fonction du pouvoir de marché des entreprises de câblodistribution dans le segment accès grande vitesse, plutôt que dans le segment services Internet de détail.

7.

Comme l'ont déclaré les MIACFI, le Conseil a établi à maintes reprises que les grands câblodistributeurs titulaires et les compagnies de téléphone titulaires sont, pour ainsi dire, les fournisseurs exclusifs des services d'accès grande vitesse et qu'ils possèdent une bonne emprise sur ce marché. Les MIACFI ont fait valoir que la demande de Vidéotron ne comportait aucune preuve permettant de réfuter la conclusion du Conseil, à savoir que Vidéotron et les autres câblodistributeurs titulaires dominent le marché des services d'accès grande vitesse, si bien que l'allégation voulant que l'application des règles de reconquête soit attribuable à une erreur de fait n'est pas fondée.

8.

AT&T Canada a fait valoir que les fournisseurs titulaires dotés d'installations, dans le cas présent, Vidéotron et Bell Canada, sont ceux qui dominent le segment grande vitesse du marché du détail et que la concurrence n'est pas suffisamment prononcée pour justifier l'élimination des règles de reconquête.

9.

M. Ménard a contesté la déclaration de Vidéotron concernant l'absence de preuve que la compagnie exerçait une certaine emprise sur le segment grande vitesse du marché des services Internet de détail, soutenant que Vidéotron, grâce à son service de modem câble, est la seule compagnie dotée d'une installation sous-jacente permettant de fournir l'accès Internet grande vitesse dans l'ensemble de son territoire d'exploitation, car Bell Canada n'a pas encore étendu son service de lignes d'abonnés numériques (LAN) aux zones situées à plus de cinq kilomètres de ses centraux.

10.

Bell Canada a fait valoir qu'il y avait lieu de supprimer les restrictions en matière de reconquête, car il est inacceptable que le Conseil impose des restrictions à la commercialisation à un seul fournisseur dans le marché des services Internet de détail, lequel est concurrentiel.

11.

En plus d'approuver le maintien de l'application des règles de reconquête à l'endroit des câblodistributeurs titulaires, les MIACFI et AT&T Canada se sont dits en faveur de l'option proposée par Vidéotron pour modifier l'ordonnance 2001-92, laquelle consiste à imposer les règles de reconquête à tous les fournisseurs de services Internet grande vitesse de détail dotés d'installations.

12.

TCI et Bell Canada ont fait valoir que les règles de reconquête ne devraient pas s'appliquer à tous les fournisseurs dotés d'installations. TCI a déclaré que le Conseil avait imposé des règles de reconquête aux grands câblodistributeurs parce qu'il avait des réserves face à l'évolution de la concurrence dans le marché des services Internet grande vitesse de détail, où les FSI font appel aux services d'accès des câblodistributeurs. Selon TCI, aucune de ces réserves n'est justifiée si l'on considère l'infrastructure de cuivre du marché des services d'accès Internet grande vitesse.

13.

Dans ses mémoires, TCI a fait valoir qu'il serait possible, en se fondant sur des décisions antérieures, de formuler un critère général qui viserait la suppression des restrictions en matière de reconquête. Group Telecom et AT&T Canada ont déclaré que TCI, dans ses observations relatives à la proposition d'un critère général pour la suppression des règles en matière de reconquête, est allée au-delà du redressement que demandait Vidéotron, de sorte que ces commentaires devraient être retirés du dossier public.

Réplique de Vidéotron

14.

Dans sa réplique, Vidéotron s'est opposée à la suggestion voulant que les services d'accès constituent le marché des produits pertinent. Vidéotron a fait valoir que le Conseil lui avait imposé des règles de reconquête à l'égard de ses services Internet de détail afin de limiter la compagnie dans sa reconquête des clients du service Internet de détail et non dans sa reconquête des clients du service d'accès. Vidéotron a d'ailleurs précisé que le Conseil avait imposé ces règles à l'égard des services locaux, des services de distribution de radiodiffusion et des services de téléphones payants. Enfin, Vidéotron a fait valoir que dans ces cas, le Conseil avait justifié l'imposition des règles de reconquête en s'appuyant sur l'état de la concurrence dans le marché de détail et non en s'appuyant sur l'état de la concurrence dans le marché des services d'accès sous-jacents utilisés dans le marché de détail.

15.

Aux paragraphes 20 et 21 de sa réplique, Vidéotron a ajouté (i) qu'elle n'occupait pas une place plus dominante dans le marché des services d'accès que dans le marché des services de détail et que sa part du marché des services Internet de détail s'établit à environ 20 %; et (ii) qu'elle ne pourrait pas, sur une base non transitoire, majorer les prix des services d'accès de façon rentable parce que les clients de ses FSI opteraient pour un service de LAN ou un autre service d'accès sans fil.

16.

Vidéotron a indiqué qu'il serait inutile d'examiner le critère que propose TCI pour la suppression des règles de reconquête puisque, selon elle, les règles n'auraient jamais dû être imposées. Vidéotron a également déclaré que le Conseil pourrait rendre une décision qui annulerait les règles de reconquête sans élaborer un critère général qui risquerait d'avoir des répercussions sur le marché des services locaux.

Observations en réponse à la réplique de Vidéotron

17.

Les MIACFI ont demandé au Conseil d'ordonner que les paragraphes 20 et 21 de la réplique de Vidéotron soient retirés du dossier public, soutenant que Vidéotron a indûment introduit de nouveaux éléments de preuve dans le but de dévoiler sa part du marché des services d'accès. Les MIACFI ont déclaré qu'il est contraire aux Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications ainsi qu'aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale d'introduire une telle preuve dans une réplique parce que les parties intéressées se voient ainsi refuser le droit d'être entendues à fond.

18.

En réponse, Vidéotron a précisé que les MIACFI ont bel et bien eu la chance de formuler des observations concernant la place que Vidéotron occupe dans le marché des services d'accès puisqu'il existe une corrélation directe entre le nombre de services Internet de détail et le nombre de services d'accès Internet offerts par un FSI dotés d'installations.

19.

En réplique, les MIACFI ont fait valoir que Vidéotron aurait dû présenter l'élément de preuve concernant le marché de services d'accès grande vitesse dans sa demande.

Conclusions du Conseil

Questions de procédure

20.

Le Conseil précise que Vidéotron a effectivement introduit un nouvel argument et une nouvelle preuve aux paragraphes 20 et 21 de sa réplique. Toutefois, comme ces mémoires et la preuve afférente ont été déposés à l'étape des répliques et qu'ils n'ont pas été vérifiés, le Conseil leur a accordé peu d'importance lors de ses délibérations. De plus, le Conseil ne croit pas que l'on puisse se fonder sur la prépondérance d'une compagnie dans le marché des services d'accès pour évaluer la part du marché des services Internet de détail de cette compagnie.

La demande de révision et de modification

21.

Au paragraphe 13 de l'ordonnance 2001-92, le Conseil a tiré les conclusions suivantes :

- il faudrait examiner l'utilité d'appliquer les règles de reconquête en fonction du pouvoir de marché des entreprises de câblodistribution dans le marché d'accès des services grande vitesse;
- comme les entreprises de câblodistribution titulaires détiennent un pouvoir de marché dans le segment des services d'accès grande vitesse, elles seraient tentées, voire capables, de reconquérir les clients ayant indiqué leur intention de passer à des FSI concurrents qui utilisent les installations d'entreprises de câblodistribution;
- les règles de reconquête relatives aux services d'accès grande vitesse sont nécessaires même si le marché des services Internet de détail est concurrentiel;
- les activités de reconquête dans le marché des services d'accès pourraient freiner l'évolution de la concurrence dans le segment grande vitesse du marché des services Internet de détail.
22.

Selon le Conseil, rien ne permet à Vidéotron d'affirmer que le Conseil a commis une erreur de fait lorsqu'il a déclaré que la compagnie occupait une place dominante dans le marché des services Internet de détail. Contrairement aux affirmations de Vidéotron dans son mémoire, le Conseil n'a pas déclaré que Vidéotron occupait une place dominante dans le marché des services Internet de détail, mais, plutôt, qu'il avait tenu compte de la prépondérance du pouvoir de marché de Vidéotron dans le segment accès grande vitesse pour tirer les conclusions qu'il a présentées dans l'ordonnance 2001-92.

23.

Le Conseil conclut également que rien ne permet à Vidéotron de soutenir qu'il a commis une erreur de droit en appliquant les règles de reconquête au marché concurrentiel des services Internet de détail. Dans l'ordonnance 2001-92, le Conseil a établi que les règles de reconquête s'imposaient malgré le fait que le marché des services Internet de détail était concurrentiel. Le Conseil fait d'ailleurs remarquer que Vidéotron est un fournisseur dominant d'installations de câblodistribution et de services d'accès au câble dont les FSI indépendants ont besoin et, qu'en plus, la compagnie livre concurrence à ces FSI dans le marché des services Internet grande vitesse de détail. Les règles de reconquête s'appliquent aux clients qui sont sur le point de changer leur fournisseur actuel de service Internet haute vitesse, soit Vidéotron, pour un autre FSI qui utilise les installations de Vidéotron pour offrir le service. Le Conseil estime que les règles de reconquête protègent adéquatement contre les abus pouvant découler, dans ces cas, de l'accès à des renseignements commercialement sensibles.

24.

Le Conseil n'a pas l'impression d'avoir introduit deux nouveaux principes pour en arriver à ses conclusions. Contrairement à Vidéotron, le Conseil était d'avis et demeure d'avis que la concurrence dans un marché est un facteur pertinent à prendre en considération lorsqu'il faut déterminer s'il y a lieu d'imposer des règles de reconquête. De plus, le Conseil n'a pas introduit un nouveau principe voulant que les marchés soient définis en fonction des technologies utilisées plutôt qu'en fonction des services fournis. Dans la décision Télécom CRTC 98-9 du 9 juillet 1998 intitulée Réglementation en vertu de la Loi sur les télécommunications de certains services de télécommunication offerts par des « entreprises de radiodiffusion », le Conseil a défini le marché d'accès grande vitesse comme celui incluant les services de transmission à des vitesses supérieures à 64 kbit/s, peu importe la technologie sous-jacente utilisée pour fournir le service.

25.

Pour ce qui est de l'autre alternative de Vidéotron, le Conseil conclut que Vidéotron n'a pas prouvé qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision qu'il a prise de ne pas imposer les règles de reconquête à d'autres fournisseurs dotés d'installations. Conformément à la pratique du Conseil de limiter l'étendue d'une instance à un groupe donné d'entreprises, l'instance ayant mené à l'ordonnance 2001-92 visait exclusivement à établir les modalités convenables pour les services d'accès grande vitesse des grands câblodistributeurs. Par ailleurs, le Conseil fait remarquer qu'il a imposé des règles de reconquête semblables à Bell Canada dans la décision de télécom CRTC 2002-37 du 27 juin 2002 intitulée Membres indépendants de l'Association canadienne des fournisseurs Internet - Services Internet de lignes d'abonnés numériques fournis par Bell Canada et Bell Nexxia. Dans cette décision, le Conseil a également indiqué qu'il était d'avis préliminaire que ces règles de reconquête devraient s'appliquer aux autres grandes entreprises de services locaux titulaires dans leurs territoires d'exploitation respectifs et il a amorcé une instance afin de se pencher sur cette question.

26.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Vidéotron n'a pas réussi à prouver qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de l'ordonnance 2001-92 et, par conséquent, il rejette la demande en révision et modification de l'ordonnance.

27.

Finalement, le Conseil estime que la proposition de TCI concernant l'établissement d'un critère général pour la suppression des restrictions en matière de reconquête déjà en place déborde du cadre de la présente instance.

Secrétaire général

Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

Mise à jour : 2002-08-09

Date de modification :