ARCHIVÉ - Décision CRTC 2001-711

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Décision CRTC 2001-711

Ottawa, le 23 novembre 2001

CTV Television Inc. et Groupe TVA inc.
L'ensemble du Canada

Modifications aux conditions de licence portant sur la nature des services spécialisés fournis par Newsnet et Le Canal Nouvelles (LCN)

La présente décision complète le processus entamé avec l'avis public CRTC 2001-65, par lequel le Conseil a sollicité des observations sur une proposition de modifications des conditions de licence portant sur la nature des services devant être offerts par Newsnet et LCN.
Le Conseil a examiné les nombreuses observations soumises en réponse à son appel, y compris celles de Newsnet et de LCN. À la majorité des voix, le Conseil a décidé d'accepter les propositions présentées par les titulaires, moyennant certaines modifications. La majorité du Conseil est convaincue que les modifications finales énoncées ci-après garantiront que les deux titulaires s'en tiennent à la formule manchettes déjà approuvée, tout en leur accordant la possibilité de couvrir les nouvelles à la satisfaction des téléspectateurs canadiens et d'exploiter des services viables et pertinents.
Historique

1.

Newsnet et LCN sont détenues et exploitées respectivement par CTV Television Inc. et Groupe TVA inc. Ces deux services ont reçu leur licence en 1996, à l'issue d'un processus concurrentiel, pour fournir des services spécialisés de nouvelles en formule manchettes, le premier en anglais, le second en français.

2.

Selon les demandes originales de licence, ces services devaient présenter, en blocs de 15 minutes continuellement mis à jour, des manchettes sur l'actualité, la météo et les sports de même que de l'information sur les affaires, la consommation et les modes de vie. Lors de l'audience initiale, les requérantes ont déclaré que leurs services se démarqueraient des services en place, ne comprendraient pas d'émissions de longue durée et s'en tiendraient strictement aux formules de programmation proposées.

3.

La politique du Conseil relative à l'approbation d'un service spécialisé en mode analogique dans chaque langue pour un genre d'émissions donné vise deux objectifs. Le premier est d'offrir aux téléspectateurs un choix entre diverses formules spécialisées; le second est de favoriser la diversité de la programmation du système canadien de radiodiffusion, comme le demande la Loi sur la radiodiffusion. Le Conseil estimait que la formule de manchettes proposée par Newsnet et LCN serait différente des formules détaillées et de longue durée offertes par les chaînes Newsworld et RDI de Radio-Canada et qu'elle faciliterait l'accès du public aux émissions de nouvelles et favoriserait la diversité.

4.

Après le lancement de Newsnet et de LCN en septembre 1997, le Conseil a reçu plusieurs plaintes de Newsworld et de RDI soutenant que les deux services de manchettes diffusaient des émissions en direct de longue durée. Les plaignantes ont fait valoir que ce type de programmation dérogeait incontestablement de la formule des blocs de 15 minutes approuvée par le Conseil.

5.

Le Conseil a tenté de régler le problème en adressant une lettre aux parties concernées en date du 2 mars 1999. Cette lettre confirmait que, dans le but de respecter la diversité entre les services de programmation, Newsnet et LCN devaient s'en tenir à la formule manchettes en tout temps, et que cette formule devrait les distinguer clairement de Newsworld et de RDI. Le Conseil affirmait en même temps que la transmission en direct d'événements spéciaux n'était pas expressément interdite, pourvu que la formule manchettes soit respectée.

6.

En dépit de cette lettre aux parties concernées, les plaintes ont continué d'affluer de la part de Newsworld et de RDI concernant la diffusion d'émissions de longue durée par Newsnet et LCN.

7.

Le 6 juin 2001, le Conseil a publié l'avis public CRTC 2001-65 dans lequel il a proposé des modifications aux conditions de licence de Newsnet et de LCN portant sur la nature de leurs services spécialisés de manchettes. L'objectif des modifications proposées était d'assurer que ces services respectent la formule de programmation présentée par les deux titulaires dans leur demande originale. Le Conseil avait alors approuvé une telle formule parce qu'elle s'avérait un complément aux services spécialisés de nouvelles déjà existants.

8.

Les conditions de licence proposées étaient les suivantes :

1 (a) La titulaire doit offrir à l'échelle nationale un service d'émissions spécialisées* ... consacré exclusivement à des émissions appartenant à la catégorie 1 (Nouvelles) et à la catégorie 3 (Reportages et actualités), énoncées à l'article 6 de l'annexe 1 du Règlement de 1990 sur les services spécialisés.

(b) Sous réserve de l'article 1(c), la titulaire doit conserver une formule « manchettes » présentée par blocs de 15 minutes continuellement mis à jour, tel qu'il est décrit dans sa demande.

(c) Lors de circonstances exceptionnelles, la programmation peut s'écarter de la formule manchettes pour offrir la couverture d'un événement. Le service doit alors prévoir une pause après au plus 15 minutes de couverture d'un tel événement, à l'exclusion des pauses publicitaires, pour diffuser des « manchettes » au sens où l'entend l'article 1(b) ci-dessus. Cette pause doit comprendre un minimum de cinq minutes de « manchettes », à l'exclusion de pauses publicitaires.

Interventions

9.

Le Conseil a reçu 496 interventions en réponse à l'avis public 2001-65. La plupart des intervenants se sont dits préoccupés par l'éventualité que les titulaires s'avèrent incapables de présenter des services de manchettes valables à la suite des modifications aux conditions de licence proposées par le Conseil, particulièrement en ce qui a trait à la couverture d'événements en direct. En revanche, d'autres intervenants ont fait remarquer que Newsnet et LCN avaient obtenu leurs licences à l'issue d'un processus très concurrentiel et qu'il était important que les radiodiffuseurs s'en tiennent à leurs conditions originales de licence.

10.

Dans sa réponse aux modifications proposées, Newsnet a cité une étude comparative des émissions de Newsnet et de Newsworld faite par la firme de recherche en média Bowden, laquelle étude a révélé que les deux programmations différaient à plus de 95 %. Toutefois, Newsnet et LCN ont toutes deux proposé des modifications à leurs conditions de licence qui empêcheraient qu'elles s'écartent de leurs formules originales de manchettes mais accorderaient suffisamment de flexibilité pour leur assurer la pertinence et la viabilité.

11.

En substance, selon les modifications proposées par les titulaires, les deux services seraient tenus de faire une pause toutes les 15 minutes pour permettre la diffusion d'un bulletin de manchettes d'une durée d'au moins une minute. Les titulaires ont aussi réclamé une certaine flexibilité pour pouvoir déroger à cette exigence, de façon à ce que ces dérogations ne représentent au total pas plus de 5 % des heures mensuelles de radiodiffusion.

12.

Newsnet a aussi proposé, comme condition de licence, le maintien constant à l'écran d'une bande de texte annonçant les plus récentes manchettes. LCN était d'avis que cette condition de licence n'était pas nécessaire puisque son service comprend déjà cette bande annonce. De plus, à son avis, il vaut mieux ne pas faire référence à une technologie en particulier dans les conditions de licence car toute technologie risque d'être rapidement dépassée.
Décision du Conseil

13.

Les délibérations du Conseil ont visé à concilier à la fois ses propres objectifs de complémentarité et de diversité des services spécialisés ainsi que les préoccupations des titulaires quant à leur capacité de fournir des services de nouvelles valables. Le Conseil a également tenu compte des besoins du public et de la demande d'accès facile à des nouvelles fiables, comme celles qui sont données par Newsnet et LCN.

14.

Le Conseil, à la majorité des voix, a décidé d'accepter les propositions des titulaires, avec cependant certaines modifications. Plus spécifiquement, le Conseil exigera de la part des titulaires de veiller à ce qu'il ne s'écoule pas plus de 15 minutes sans la diffusion d'un bulletin d'au moins deux minutes de manchettes (à l'exclusion des pauses puublicitaires). La période réservée aux manchettes doit consister en un bulletin complet portant sur des éléments de programmation comme les nouvelles, la météo, les sports et les affaires.

15.

Le Conseil accordera une marge de flexibilité de 5 % correspondant au calcul suivant. Au cours d'une semaine de radiodiffusion, au plus 25 dérogations seront autorisées pour les périodes de plus de 15 minutes sans diffusion d'un bulletin de manchettes, tel que décrit ci-dessus. Pour faciliter l'évaluation de la conformité à cette condition, chaque période de 15 minutes sans bulletin de manchettes comptera pour une dérogation.

16.

Pour chaque période de 15 minutes sans bulletin de manchettes, le Conseil exigera également de la part des titulaires que les textes des manchettes soient affichés à l'écran.

17.

La majorité du Conseil est d'avis qu'avec plus de flexibilité pour diffuser, à l'occasion, une programmation qui s'écarte de la formule du bloc de 15 minutes, Newsnet et LCN auront suffisamment de latitude pour fournir une information adéquate, lorsque les circonstances exigent une couverture de plus longue durée. Celle-ci inclut des reportages en direct sur des événements ou des sujets d'actualité, lesquels sont au cœur même d'un service de nouvelles efficace. Par ailleurs, à ces moments-là, une bande annonce à l'écran permettra aux téléspectateurs d'avoir facilement accès à d'autres nouvelles.

18.

La condition de licence modifiée portant sur la nature du service de Newsnet et de LCN, décrite dans l'annexe à cette décision, a préséance sur toute autre condition de licence antérieure relative à la nature du service et sur toute autre interprétation du Conseil à cet égard.

19.

La majorité du Conseil est convaincue que la condition modifiée accorde à Newsnet et à LCN la flexibilité nécessaire pour continuer de fournir des services valables et viables, mais avant tout pour présenter les nouvelles selon une formule qui complète les services existants et contribue à leur diversité.
Secrétaire général
Cette décision doit être annexée à chaque licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca 
* de langue anglaise dans le cas de Newsnet, de langue française dans celui de LCN.
Les modifications proposées aux conditions originales de licence apparaissent en caractères gras.
 

Annexe à la Décision CRTC 2001-711

 

Condition de licence modifiée portant sur la nature des services
fournis par Neswnet et Le Canal Nouvelles

  1 (a) La titulaire doit offrir à l'échelle nationale un service d'émissions spécialisées* ... consacré exclusivement à des émissions appartenant à la catégorie 1 (Nouvelles) et à la catégorie 3 (Reportages et actualités), énoncées à l'article 6 de l'annexe 1 du Règlement de 1990 sur les services spécialisés.
  (b) Sous réserve de l'alinéa 1(d), la titulaire doit conserver une formule « manchettes » présentée par blocs de 15 minutes continuellement mis à jour, tel qu'il est décrit dans sa demande.
  (c) Sous réserve de l'alinéa 1(d), au cours d'une semaine de radiodiffusion, il ne doit pas s'écouler plus de 15 minutes sans la diffusion d'un bulletin d'au moins deux minutes de manchettes (à l'exclusion des pauses publicitaires). La portion réservée aux manchettes doit consister en un bulletin complet portant sur des éléments de programmation comme les nouvelles, la météo, les sports et les affaires.
  (d) La titulaire sera considérée comme respectant la présente condition pourvu qu'au cours d'une semaine de radiodiffusion, il ne survienne qu'au plus 25 dérogations pour les périodes de plus de 15 minutes sans diffusion d'un bulletin de manchettes, tel que décrit à l'alinéa 1(c). Afin d'évaluer le respect de cette exigence, chaque période de 15 minutes sans le bulletin de manchettes prescrit comptera pour une dérogation.
  (e) Chaque fois qu'il s'écoulera plus de 15 minutes sans diffusion de manchettes, la titulaire doit faire en sorte que les manchettes puissent être lues à l'écran.
  (f) Pour les fins de cette condition, une « semaine de radiodiffusion » est définie comme une période de sept jours consécutifs à compter du dimanche.
* de langue anglaise dans le cas de Newsnet, de langue française dans celui de LCN.
  Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford
  Je suis en désaccord avec la décision de la majorité. À mon avis, sa décision constitue un exercice déplacé de micro-réglementation lequel, en fin de compte, ne règle pas le problème situé au cœur de l'affaire.
  La nature du problème
  En 1996, le Conseil a attribué à Newsnet et LCN une première licence de services spécialisés de formule « manchettes », services qui se démarquent, comme l'a fait remarquer le Conseil à l'époque, des formules de nouvelles détaillées et de longue durée offertes par les chaînes Newsworld et RDI de la CBC et de Radio-Canada, respectivement. Pour des motifs de simplicité et de clarté, je ne référerai, dans le corps du texte, qu'à Newsnet, étant entendu que tout ce qui est énoncé à l'endroit du service spécialisé de langue anglaise vaut pour LCN, sa contrepartie de langue française.
  En septembre 1997, Newsnet est entrée en ondes. Presque aussitôt, la CBC a déposé une plainte alléguant que le nouveau service spécialisé, propriété de CTV, dérogeait de la formule « manchettes » imposée, avec l'assentiment de CTV, par condition de licence. Depuis lors, de nombreuses plaintes ont afflué régulièrement aux bureaux du Conseil – lettres fleuves énumérant les jours et les heures des violations alléguées. Les paragraphes 1 à 8 de la décision majoritaire offrent d'ailleurs une présentation sommaire mais fidèle de l'historique qui fonde la présente opinion minoritaire. Seule manque, et ce pour des raisons évidentes d'allègement, la notion de l'invraisemblable volume de paperasse généré par cette interminable affaire.
  Nul ne met en doute le droit de quelque télédiffuseur que ce soit, ou d'un simple citoyen d'ailleurs, de déposer une plainte dénonçant ce qui lui apparaît être une violation de conditions de licence. Bien que la motivation ne soit pas le problème, on ne peut s'empêcher de se poser des questions. Dans ses nombreuses plaintes, la CBC insiste chaque fois sur les motifs qui l'incitent à porter plainte dont, au premier chef, le désir de protéger l'intérêt public et la probité du système canadien de radiodiffusion. Peut-être bien, mais le zèle avec lequel la CBC signale les manquements allégués de Newsnet semble pointer vers des motifs moins nobles que le seul bien public.
  Au cours des quatre dernières années, le temps et l'énergie consacrés par la CBC à la surveillance de la grille horaire de Newsnet et à la compilation de toutes et chacune de ses contraventions alléguées ont dû être considérables. Quand une institution soutenue par des fonds publics, surtout l'une qui constamment rappelle aux Canadiens l'insuffisance du financement gouvernemental, investit tant de temps et d'efforts à exposer les agissements d'un concurrent pressenti, le temps est peut-être venu de recommander à la CBC de réévaluer l'objet de son existence et l'esprit de sa mission plutôt que de concentrer ses maigres ressources aux dérogations alléguées de Newsnet.
  En essence, l'allégation de la CBC se fonde sur le fait que, depuis quatre ans, Newsnet outrepasse ses conditions de licence qui limitent sa formule de programmation à la présentation d'émissions de nouvelles et d'information présentées par blocs de 15 minutes, continuellement mis à jour et diffusés 24 heures sur 24. Au dossier, et de l'aveu même de CTV, il apparaît clairement que cette allégation est juste. Si les choses en étaient restées là, vraisemblablement, le dossier serait beaucoup moins volumineux! Car, à l'instar du suivi accordé à d'autres plaintes déposées par la CBC, le Conseil aurait tout simplement émis l'ordonnance appropriée visant à corriger la situation.
  Une plainte à nulle autre pareille
  Toutefois, bien que nourri par quatre années de plaintes déposées par la CBC, ce dossier a pris une tangente peu commune. Le 6 juin 2001, agissant conformément à sa conclusion, à savoir « … qu'une certaine confusion pourrait se perpétuer chez les titulaires quant aux exigences de leurs conditions de licence relatives à la nature du service. », le Conseil a publié l'avis public CRTC 2001-65 sollicitant des observations sur une proposition de modification de ces conditions de licence. Ce qui s'est amorcé comme un processus de résolution de plaintes fut alors transformé en un exercice exhaustif d'évaluation de la pertinence même des conditions de licence de Newsnet. En fait, l'avis 2001-65 demandait aux Canadiens ce qu'ils pensaient des conditions de licence limitant Newsnet à la formule « manchettes » pour ses émissions de nouvelles. Les Canadiens ont répondu par centaines.
  Au total, 496 interventions affluèrent aux bureaux du Conseil, soit par la poste, soit par courriel. Plusieurs d'entre elles, il est vrai, ne dissertaient pas sur la question faisant l'objet de l'avis public mais plutôt sur la crainte appréhendée de voir le journaliste Mike Duffy, à l'emploi de CTV, perdre son job. Les cancans de l'affaire Duffy mis à part, les commentaires reçus, suite à l'avis 2001-65, étaient enrichissants et, à l'exception de 12 d'entre eux, généralement favorables à Newsnet et à la liberté de presse ainsi qu'à une plus grande souplesse.
  Frein à la couverture en direct
  En plus d'inviter les Canadiens à exposer leurs vues sur la problématique mentionnée plus haut, l'avis 2001-65 proposait également une avenue de solution et invitait le public à réagir. Il était suggéré de modifier les conditions de licence en question de Newsnet et, tout en maintenant la formule « manchettes » par blocs de 15 minutes, de préciser les conditions permettant à Newsnet de sortir du cadre rigide de présentation de ses émissions, à savoir : « Lors de circonstances exceptionnelles, la programmation peut s'écarter de la formule manchettes pour offrir la couverture d'un événement. Le service doit alors prévoir une pause après au plus 15 minutes de couverture d'un tel événement, à l'exclusion des pauses publicitaires, pour diffuser des « manchettes »… »
  La formule proposée par le Conseil reçut peu d'appui de la part des centaines de Canadiens qui se sont donné la peine de répondre; par contre, elle aboutit à un résultat plutôt inusité, c'est-à-dire une entente entre CTV et la CBC! La formule proposée était d'ailleurs exécrée par les deux parties, mais pour des raisons fort différentes. La CBC la perçut comme trop flexible et floue, et insinua que toute flexibilité accordée à Newsnet se transformerait inévitablement en abus : [traduction] « L'absence de clarté dans l'énoncé des conditions de licence ne peut qu'aboutir à l'interprétation de ‘circonstances non-exceptionnelles' en ‘circonstances exceptionnelles', ce qui aurait pour effet de recréer le problème même que la proposition du Conseil entend résoudre. »
  CTV a qualifié la proposition du Conseil d'inacceptable pour des raisons tout autres. Elle perçut la proposition de modifications de ses conditions de licence comme limitant grandement son droit acquis de couverture d'événements en direct, c'est-à-dire : [traduction] « … retranchant des conditions de licence de Newsnet une pratique qu'elle est présentement en droit d'exercer. » Un tel changement, selon la vision de CTV, conduirait le service à sa perte étant donné qu'il priverait Newsnet de l'essence même du type d'émissions réclamées par ses abonnés. [traduction] « Présenter un événement en direct est une «manchette». La couverture d'événements en direct est essentielle à la survie de la chaîne. Il s'agit là d'une partie vitale de notre grille horaire, et que nos abonnés anticipent et apprécient ».
  Ce qui a été dit
  Si l'on tire des conclusions à partir des interventions reçues, il en ressort que l'évaluation des attentes des téléspectateurs faite par CTV est tout à fait exacte. Voici un échantillonnage des opinions émises et versées au dossier public :
  [traduction] « J'appuie la requête de Newsnet de pouvoir diffuser des couvertures d'événements en continu et sans contraintes. Toute autre formule serait un recul à l'égard de la diversité de choix dont nous nous prévalons à l'heure actuelle. » (Paul Bates, intervention # 163)
  [traduction] « Pour offrir au public canadien la possibilité de prendre le pouls de l'actualité, la couverture d'événements en direct par Newsnet ne devrait pas être restreinte aux seules 'circonstances exceptionnelles'. Une telle restriction laisserait en suspens des questions délicates dont la définition de 'circonstances exceptionnelles', par qui, et en vertu de quels critères. Les modifications proposées aux conditions de licence de Newsnet auraient comme conséquence de limiter la pluralité des voix au Canada. » (Hilary Elliott, intervention #332)
  [traduction] « Je souhaite que les titulaires de licences de services spécialisés de nouvelles soient assujetties à la formule 'manchettes' présentées en blocs de 15 minutes avec pauses. Cette formule empêchera les titulaires de présenter de la couverture d'événements en continu, pratique qui ne relève pas de la catégorie 'manchettes'. Cette formule mettra un frein aux interminables heures de bavardage et de commentaires spéculatifs – souvent assimilés à de la 'nouvelle'. » (Brian Rushfeldt, intervention # 006)
  [traduction] « Tout en étant un fidèle auditeur, téléspectateur et partisande la CBC et de Newsworld, la limitation du nombre de télédiffuseurs de nouvelles m'inquiète car elle risque d'affecter la liberté de pensée en limitant le nombre et la diversité des opinions sur l'actualité. » (Steve Sherman, intervention # 355)
  [traduction] « La prolifération des chaînes de télévision spécialisées dans la diffusion d'émissions de nouvelles en direct, tant aux États-Unis qu'au Canada, n'a eu pour effet, à notre avis, que d'améliorer la qualité de la couverture des événements et de grandement contribuer à donner au public une information rapide, efficace et complète. Nous ne voyons absolument aucun inconvénient majeur au fait que le CRTC cautionne une plus grande concurrence entre les télédiffuseurs de ce pays et accorde à Newsnet la possibilité de diffuser des émissions en direct ». (Canadian federation of Independant Business, intervention # 375)
  [traduction] « Je crois que cette décision appauvrira les débats et réduira le niveau de conscience politique de notre pays en faisant cadeau d'un quasi monopole à la CBC dans le domaine de la couverture en direct des nouvelles. Quand le grand public ne peut entendre qu'une seule et unique voix, je considère que notre processus démocratique est menacé. » (Andrew Telegdi, député, intervention # 012)
  [traduction] « Il faut féliciter les télédiffuseurs canadiens de leurs efforts pour rendre les émissions canadiennes plus intéressantes et de leurs investissements supplémentaires pour couvrir des événements en direct. La décision présumée du CRTC de freiner l'augmentation de l'auditoire de CTV Newsnet dans le but de soutenir une division prédéterminée de parts de marché n'engendrera que des émissions moins pertinentes, dépassées et moins instructives pour les téléspectateurs. » (Albina Guarnieri, députée, intervention # 380)
  [traduction] « À mon avis, aucune mesure restrictive ne devrait être imposée à un service de nouvelles télévisées – qu'il soit local, national ou international – qui veut s'éloigner d'un service d'information basé sur l'écrit pour s'engager dans la couverture de manchettes et de nouvelles en direct. Les Canadiens doivent pouvoir capter une nouvelle dès qu'elle survient et en suivre l'évolution au fur et à mesure des événements. Qui plus est, il faut laisser aux journalistes leur liberté d'action et leur permettre d'exercer leur jugement professionnel pour déterminer quel événement mérite une couverture en direct. Dévier de cette ligne de conduite équivaut à limiter la diversité des émissions de nouvelles à la portée des Canadiens. » (Hon. Peter Lougheed, intervention # 461)
  [traduction] « À mon avis, il ne serait pas exagéré de dire que la décision à rendre par le CRTC en est une de la plus haute importance pour le pays tout entier. Satisfaire en tout temps le besoin d'informations de la population est un enjeu crucial pour l'exercice en bonne et due forme de notre démocratie, et toute tentative délibérée d'une agence gouvernementale de réduire la libre circulation de l'information ou de contrôler sa présentation par les journalistes entraverait notre évolution en tant que société libre. » (Dr Elsie E. Wayne, députée, intervention # 465)
  [traduction] « Une démocratie qui se porte bien et une saine gestion des politiques à caractère public réclament et exigent une pluralité de voix. Chaque fois que le CRTC intervient pour limiter cette diversité, il contrevient aux intérêts supérieurs de la population de ce pays. » (Hugh Segal, intervention #042)
  Mieux, mais de peu
  Malheureusement, même si les modifications aux conditions de licence de Newsnet, acceptées par la majorité des voix du Conseil, offrent l'avantage d'un meilleur contrôle que celles proposées dans l'avis 2001-65, elles ne sont guère plus acceptables dans une société libre et démocratique. L'expression « circonstances exceptionnelles », floue et impraticable, n'a pas passé la rampe. La décision majoritaire des membres du Conseil fut donc d'y introduire une autre forme de contrôle. Le service de Newsnet se voit donc encore confiné aux «manchettes» présentées en blocs de 15 minutes continuellement mis à jour. La titulaire toutefois doit veiller à ce qu'il ne s'écoule pas plus de 15 minutes sans intercaler au moins 2 minutes de manchettes à l'intérieur de l'émission. Au cours d'une semaine de radiodiffusion, au maximum 25 dérogations sont autorisées pour les périodes de plus de 15 minutes sans diffusion de manchettes; par contre, si la titulaire se prévaut de ces dérogations, «le Conseil exige(…) que les textes des manchettes soient affichés à l'écran », en simultanéité avec l'émission en cours – probablement au moyen de l'écran divisé ou par une bande annonce sur l'image pour se conformer aux exigences.
  Il est difficile d'imaginer décision de la majorité du Conseil plus dirigiste, sauf celle qui serait de décider en lieu et place de Newsnet quel événement mérite couverture. Il est également difficile de saisir précisément les objectifs poursuivis par cet édit et quels en sont les avantages. Il est vrai que, suite au déferlement de plaintes de la CBC et devant la crainte de voir s'anéantir toutes ses chances de présenter des couvertures d'événements en direct, CTV a proposé de son propre chef une approche similaire à la décision de la majorité du Conseil en ce qui a trait aux conditions de licence. Mais, lorsque l'on propose une solution de dernier recours par crainte de conséquences désastreuses anticipées, le tenant de cette proposition en est rarement et véritablement satisfait. La solution ne peut être idéale car elle est apparentée à l'effort des derniers retranchements pour éviter la débâcle totale.
  Ce que CTV Newsnet souhaite véritablement, c'est de jouir de toute la marge d'action et de la liberté de presse nécessaires pour transmettre aux Canadiens des bulletins spéciaux crédibles, bien présentés et au moment opportun. Au 21ième siècle, cela se traduit par l'utilisation de techniques de pointe pour diffuser en direct. [traduction] « De 'l'inédit' , du 'dernière minute', 'de l'actualité' », voilà de quoi sont faits les bulletins spéciaux lorsque se produisent les événements. Pour informer les Canadiens des derniers développements dans les nouvelles de l'heure, Newsnet doit faire du direct et interrompre à plusieurs reprises ses émissions pour procéder aux mises à jour et demeurer en contexte. » Il est peu probable que la titulaire puisse agir de la sorte, se voyant en permanence dans la mire, et montre en main, de la CBC et du Conseil. La décision majoritaire réfère à la politique du Conseil, à savoir « …concilier à la fois ses propres objectifs de complémentarité et de diversité… » Restreindre les responsables de la grille horaire de Newsnet en leur imposant le fardeau d'une pseudo-formule au moule rigide ne semble pas la route à suivre pour atteindre l'un ou l'autre des objectifs du Conseil.
  Il ne s'agit pas d'un concours
  Nul n'est besoin de forcer Newsnet à se différencier; Newsnet est différente. Une étude de Bowden Media publiée au mois de mai 2001 a démontré que : [traduction] « Même si les deux services spécialisés offrent des manchettes en direct, dans près de 93 % des cas, les manchettes étaient différentes. » Il suffit d'ailleurs de scruter la grille horaire de Newsworld pour se rendre à l'évidence que, dans le sens premier du terme, Newsworld n'est plus du tout qu'un service spécialisé de nouvelles. On peut qualifier des émissions telles Fashion File, Antiques Road Show, Hot Type, Rough Cuts et Culture Shock de bonne télévision mais on ne peut absolument pas les qualifier de Nouvelles. [traduction] « La chaîne Newsworld de la CBC est une chaîne orientée vers la diffusion d'émissions d'information, par opposition à Newsnet qui, elle, ne présente pas d'émissions comme telles. La grille horaire de Newsnet n'est d'ailleurs pas inscrite sur les listes des TV guides car sa programmation n'est que purement, simplement et continuellement de la Nouvelle, présentée en blocs de 15 minutes. »
  Si l'intention véritable de l'opinion majoritaire est de garantir la complémentarité et la diversité au bénéfice des téléspectateurs canadiens, la façon la plus sûre d'atteindre ces objectifs aurait été de supprimer toutes les contraintes à la liberté de Newsnet de mettre en ondes des émissions de Nouvelles. Tel fut le vœu exprimé par des centaines de Canadiens qui avaient raison d'intervenir dans ce sens.
  Newsnet ne représente pas une menace pour la chaîne Newsworld de la CBC. Newsworld jouit des privilèges d'une chasse-gardée au sein des services spécialisés de télévision. Toutes les entreprises de distribution de classe 1 et de classe 2 sont tenues de fournir ce service au volet de base et le service retire des revenus conséquents du tarif d'abonnement lequel fut récemment augmenté de 8 cents pour atteindre 63 cents par mois. Newsworld a toute liberté d'offrir une large gamme de catégories d'émissions et bénéficie d'une grande souplesse de décision quant à l'inclusion de matériel publicitaire dans sa grille. En comparaison, Newsnet se voit interdire toute programmation de longue durée, son tarif d'abonnement se situe à un maigre 8,5 cents par mois, son choix d'émissions se limite à seulement 2 catégories (catégorie 1, Nouvelles et catégorie 3, Reportages et actualités) et aucune entreprise de distribution n'est tenue de fournir son service au volet de base. Si Newsworld se sent menacée par Newsnet, cela découlerait beaucoup plus de problèmes de fond propres à Newsworld, et qui ne sauraient être résolus par quelque décision du Conseil que ce soit limitant la liberté d'action d'un concurrent pressenti.
  Une aberration parfaite
  Au lieu de saisir l'occasion de statuer et de rendre une décision renforçant la télédiffusion des Nouvelles au Canada, la majorité du Conseil a tenté de résoudre cette affaire en apportant des aménagements mineurs aux conditions de licence qui sont, au départ impraticables. En triturant les conditions de licence établies lors de la décision initiale dans le but de maintenir une apparence de différence entre les services Newsworld et Newsnet, la majorité a raté l'occasion de renforcer et d'améliorer le deuxième service national spécialisé en Nouvelles. Elle a rejeté la possibilité d'introduire des changements radicaux, changements qui auraient pu refléter le profond désir des téléspectateurs de se voir proposer des choix d'émissions canadiennes de Nouvelles de haut niveau, pour favoriser un décevant exercice de micro-réglementation qui laissera ce désir inassouvi. Au lieu d'accorder à CTV, qui dispose d'importantes ressources de production de nouvelles, pleine liberté de manœuvres au bénéfice des téléspectateurs, la majorité a décidé de multiplier les embûches à l'endroit de Newsnet, privant ainsi les Canadiens du type d'émissions qu'ils souhaitent.
  Le public canadien manifeste un immense appétit pour les émissions de Nouvelles. La Loi sur la radiodiffusion indique clairement que le Conseil doit faire en sorte, dans la mesure du possible, de rassasier cet appétit « … en fournissant de l'information et de l'analyse concernant le Canada et l'étranger considérés d'un point de vue canadien » Nous n'agissons pas en conformité avec notre mandat en cédant aux pressions d'un télédiffuseur pour en handicaper un autre.
  Nul doute, la formule d'origine proposée par CTV et approuvée par le Conseil en 1996 ressemble plus au modèle de la décision de la majorité que l'approche que je privilégie de laisser libre cours à la concurrence. Et alors?
  CTV a préparé sa demande de services spécialisés de nouvelles en formule manchettes en toute bonne foi et s'est, dans l'ensemble, conformée à ses conditions de licence en dépit de rendements financiers décevants : [traduction] « Newsnet n'est pas un service spécialisé rentable. Il est peu probable qu'elle ne le soit jamais si elle est forcée de mettre en pratique la formule contraignante proposée dans l'avis public. » En fait, Newsnet réclame une certaine souplesse afin de prendre avantage des occasions qui sont désormais offertes par les nouvelles technologies pour moderniser et revitaliser sa programmation par l'inclusion du direct. Les conditions de licence imposées par la majorité, telles celles proposées dans l'avis 2001-65, rendront cet objectif difficilement atteignable, sinon impossible : [traduction] « En vertu de cette proposition de conditions de licence, Newsnet serait confinée d'office au rang de service de deuxième classe. Sans la possibilité de pouvoir couvrir en direct des événements spéciaux, elle serait reléguée aux technologies obsolètes, tributaires des contraintes du studio et de bulletins de nouvelles imprimés par ordinateurs-serveurs interposés qui reposent sur l'écrit alors que les Canadiens pourront obtenir ailleurs, et plus rapidement, les informations sur d'autres chaînes de nouvelles ou par Internet. »
  En rendant une telle décision, la majorité continue d'entraver le développement de Newsnet, tant en sa qualité de diffuseur de nouvelles que d'entreprise commerciale en la forçant à se plier à une formule anachronique et impraticable. Et dans quel but? Tel que prédit par plus d'un intervenant, cette formule risque malheureusement d'inciter les téléspectateurs canadiens à s'abreuver aux sources d'émissions de nouvelles émanant de l'étranger : [traduction] « Si vous limitez la possibilité de CTV Newsnet de diffuser des bulletins de nouvelles en direct, vous ne ferez que détourner les téléspectateurs vers CNN, le diffuseur de nouvelles en direct des États-Unis. Quel est le lien avec la mise en valeur du contenu canadien et des nouvelles du Canada? » Je n'aurais pu l'exprimer de plus belle façon. Je suis en désaccord avec la décision de la majorité et j'aurais préféré donner pleine liberté à Newsnet d'offrir ce qu'il y a de mieux au public canadien en matière de couverture de nouvelles et ce, selon les standards de ses journalistes professionnels plutôt que selon ce que nous, conseillers, pensons être le mieux.
1 Newsnet, alors appelée « CTV N1, Headline News », était titulaire d'une licence définie comme suit en vertu de la décision CRTC 96-597 : « CTV N1 présentera aux téléspectateurs canadiens des bulletins de nouvelles, de météo et de sports, de même que de l'information relative aux affaires, à la consommation et au mode de vie; le service sera fondé sur un bloc de 15 minutes qui sera continuellement mis à jour 24 heures sur 24. La titulaire n'offrira aucune programmation de longue durée. »
2
Avis public CRTC 2001-65, paragraphe 9.
3
[traduction] « Pour l'amour du ciel, pour quelle raison devrait-on empêcher Mike Duffy de couvrir des événements en direct? Si la CBC ne peut résister à la concurrence, alors qu'elle se retire élégamment du marché et qu'elle cède sa place à ceux qui peuvent y faire face. » (Betty Douglas, intervention # 198)
4
L'avis public CRTC 2001-65, paragraphe 11.
5
Réplique de la CBC en date du 6 juillet 2001 à l'avis 2001-65, paragraphe 26, page 6.
6
Réplique de CTV aux commentaires, le 15 août 2001, page 1
7
Ibid.
8
Décision du Conseil à la majorité des voix, paragraphe 16
9
Réplique de CTV à l'avis 2001-65, le 6 juillet 2001, page 5
10
Décision du Conseil à la majorité des voix, paragraphe 13
11
Réplique de CTV aux interventions, le 15 août 2001, page 3
12
Réplique de CTV à l'avis 2001-65, le 6 juillet 2001, page 8
13
Décision CRTC 2000-3
14 Décision CRTC 96-597, pages 2 et 3 : « La titulaire n'offrira aucune programmation de longue durée. »
15
Loi sur la radiodiffusion, 1991, c.11, s.3 (d) (ii)
16
Réplique de CTV à l'avis 2001-65, le 6 juillet 2001, page 4 : [traduction] « CTV a avisé le Conseil que, lors de six occasions en deux ans, elle a failli à ses obligations de présenter la formule 'manchettes' par blocs de 15 minutes. Afin de mettre les choses en perspective, ces six erreurs se comptabilisent sur un total de 52 416 où l'exigence des blocs de 15 minutes a été respectée en conformité avec la décision, donc dans 99.98 % des cas. »
17
Réplique de CTV aux interventions, le 15 août 2001, page 6
18
Réplique de CTV aux interventions, le 15 août 2001, page 9
19
Angus J. Kinnear, intervention # 474
  Opinion minoritaire des conseillers Cindy Grauer et David McKendry
  Le moment est venu de cesser de réglementer les formules de nouvelles des services canadiens spécialisés en nouvelles.
  Dans une société qui valorise au plus haut point la liberté de presse et la liberté d'expression, il faut une raison fondamentale et impérieuse pour justifier la réglementation des formules de nouvelles. Or, le dossier de cette instance ne nous fournit pas une telle raison.
  Selon la majorité des conseillers (la majorité), on doit s'assurer de la diversité des formules de nouvelles de Newsnet et de Le Canal Nouvelles (LCN) par condition de licence. : «La majorité du Conseil est convaincue que la condition modifiée accorde à Newsnet et à LCN la flexibilité nécessaire pour continuer de fournir des services fiables et viables, mais avant tout pour présenter les nouvelles selon une formule qui s'avère un complément aux services existants et contribue à leur diversité ».1 La réglementation n'est ni nécessaire, ni souhaitable pour assurer la diversité des formules de nouvelle.
  Abondance et diversité des sources
  Les Canadiens profitent de diverses et quasi innombrables sources de nouvelles canadiennes et internationales sous différentes formes : télévision traditionnelle et services spécialisés, stations de radio, journaux, magazines, livres, bulletins et Internet, qui inclut des serveurs de listes de diffusion, des sites Web et alertes courriel. La formule de nouvelles n'est réglementée pour aucun de ces services, sauf les services canadiens spécialisés en nouvelles. Les radiodiffuseurs, les éditeurs et d'autres ont implanté la concurrence et toute une profusion d'idées s'exprimant sans entraves au sein même de ce qui constitue l'un des piliers fondamentaux de notre société : la presse libre
  Un simple tour du cadran du téléviseur nous donne accès à un large éventail de sources de nouvelles privées et publiques qui vont des canaux communautaires par câble à CPAC, à Newsworld et à CNN. On peut lire presque n'importe quel journal et regarder les nouvelles télévisées issues de sources canadiennes et internationales sur Internet. En matière de formule des nouvelles, on peut atteindre le nec plus ultra également sur Internet : des nouvelles qui sont formatés selon les intérêts individuels.2
  Le fardeau imposé au processus réglementaire
  En plus de penser qu'il n'est ni nécessaire ni souhaitable de réglementer les formules de nouvelles des services spécialisés, nous notons qu'il est très difficile de s'assurer de la conformité aux conditions de licence sur la formule; dans le meilleur des cas, cette démarche requiert beaucoup de temps, surtout dans un contexte aussi dynamique et concurrentiel que celui de la radiodiffusion au Canada où de nombreux citoyens reçoivent des douzaines de canaux nationaux et étrangers. Ainsi que le note la majorité, les chaînes spécialisées en nouvelles, Newsworld et RDI, ont déposé plusieurs plaintes concernant les formules de LCN et de Newsnet depuis septembre 1997. 3 Le Conseil a essayé de résoudre le problème en mars 1999.4 Cependant, Newsworld et RDI ont continué à porter plainte auprès du Conseil. À la suite de la publication d'un avis public, la décision de la majorité répond à ces plaintes par une réglementation plus pointue des formules de nouvelles de LCN et Newsnet. Cependant, les radiodiffuseurs canadiens ont besoin de souplesse pour formater leurs nouvelles s'ils veulent faire face à l'intense concurrence de toutes les sources de nouvelles étrangères et canadiennes auprès des téléspectateurs. La réglementation des formules de nouvelles est incompatible avec l'environnement de la radiodiffusion au Canada; de plus, la surveillance nécessaire pour la faire respecter impose un fardeau aussi lourd qu'inutile au processus réglementaire.
1 Décision du Conseil à la majorité des voix, paragraphe 19
2
En mars 2001, 68 % des ménages canadiens avaient accès à Internet. 83 % des ménages dont le chef de famille avait entre 18 et 34 ans avaient accès à Internet. (Rapport de surveillance de la politique sur la radiodiffusion, 2001, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, page 80.)
3
Décision du Conseil à la majorité des voix, paragraphes 4 et 6.
4
Décision du Conseil à la majorité des voix, paragraphe 5.
  Opinion minoritaire de la conseillère Martha Wilson
  Je ne suis pas d'accord avec la décision de la majorité dans ce dossier. À tout le moins, je n'aurais pas modifié les conditions de licence de Newsnet et de Le Canal Nouvelles (LCN) à ce moment-ci et, idéalement, j'aurais enclenché un processus d'examen pour vérifier si vraiment les principes de diversité de genre et de complémentarité doivent encore régir la livraison des nouvelles dans le contexte d'une radiodiffusion réglementée.
  Les conseillers Grauer, McKendry et Langford ont exprimé avec éloquence et de façon convaincante les raisons de fond pour lesquelles la majorité aurait pu adopter une approche différente pour régler cette question. Je ne réitérerai pas ces arguments ici. J'ajouterai seulement que, à mon avis, les principes de diversité de genre et de complémentarité sur lesquels la majorité base sa décision ont été créés surtout pour protéger et favoriser l'industrie de la télévision spécialisée au Canada à ses débuts. Peut-être que ces principes ne s'appliquent plus au genre des nouvelles dans notre pays.
  C'était ainsi. Maintenant c'est différent
  En raison des défis économiques auxquels les services spécialisés canadiens devaient faire face à leurs débuts, le Conseil se devait de placer les principes de diversité de genre et de complémentarité au-dessus du plus grand principe de la liberté de communication des nouvelles dans une société libre et démocratique. De bonnes raisons justifiaient une telle approche aux premiers jours de la télévision spécialisée au Canada. Le Conseil a voulu assurer la survie de l'industrie de la télévision spécialisée malgré la compétition d'autres sources de programmation, principalement étrangères. Je suis persuadée cependant, qu'en ce qui a trait au genre des nouvelles, ces raisons ne tiennent plus.
  Comme les conseillers Grauer et McKendry le déclarent dans leur opinion minoritaire, dans le paysage de la radiodiffusion d'aujourd'hui «les Canadiens profitent de diverses et quasi innombrables sources de nouvelles canadiennes et internationales sous différentes formes. » Rien que par la télévision, les Canadiens peuvent avoir accès aux nouvelles et émissions d'affaires publiques de tous les radiodiffuseurs canadiens conventionnels; aux stations américaines 4+1 (ABC, CBS, NBC, FOX et PBS); aux canaux spécialisés canadiens comme Newsworld, RDI, Newsnet, LCN, Pulse 24 de City TV (lorsque disponible) et ROBtv; aux canaux spécialisés américains tels que CNN, CNN Headline News et CNBC (dans certains marchés); à CPAC et aux canaux communautaires par câble; et en télévision numérique, à MSNBC, FoxNews et, dès leur lancement, à une variété de services de nouvelles régionaux approuvés par le Conseil lors de son processus d'attribution de licence aux services numériques de télévision, l'année dernière.
  Ceux qui regardent les nouvelles (parfois à l'exclusion de presque toute autre émission de télévision), exigent la pluralité des sources de nouvelles. Ils ne peuvent se satisfaire d'un seul point de vue ou d'une seule façon de rapporter des nouvelles. En fait, cette notion est en contradiction directe avec la nature même du rôle des nouvelles dans notre société. Dans une société libre et démocratique, les téléspectateurs peuvent goûter à toute une gamme de présentation des débats et problèmes et font l'effort de se forger leurs propres idées. Cette démarche est à la base même de toute démocratie.
  Newsworld et RDI ont-elles vraiment encore besoin de protection?
  Comme le signale le conseiller Langford dans son opinion minoritaire, lorsque Newsworld et RDI ont eu leur licence respective en 1987 et 1994, ils ont bénéficié d'un appui réglementaire significatif pour assurer leur survie. En plus de la protection de genre, on leur a accordé la distribution au service de base du câble dans leurs marchés respectifs et de généreux tarifs de gros. Chacun est aussi largement distribué dans le marché de l'autre : Newsworld est reçu dans presque 9,2 millions de foyers canadiens, dont plus de 2 millions sont au Québec; RDI est reçu dans plus de 8 millions de foyers canadiens, dont 5,9 millions sont à l'extérieur du Québec1. Aujourd'hui, Newsworld reçoit du câble et des services par satellite de radiodiffusion directe 63 cents par mois par abonné au service de base, dans les marchés anglophones et RDI reçoit 1 $ par mois par abonné au service de base dans les marchés francophones. Newsnet, qui a reçu sa licence neuf ans après Newsworld, reçoit 8,5 cents par mois par abonné et LCN, qui a reçu sa licence deux ans après RDI, reçoit 30 cents par mois par abonné. La distribution au service de base n'est garantie à aucun de ces deux derniers services. En fait, en janvier 2000 (la décision CRTC 2000-3) Newsworld s'est vue accorder 8 cents d'augmentation par mois à son tarif de vente en gros par abonné, une somme presque égale au tarif entier de Newsnet. RDI a obtenu 10 cents d'augmentation par mois, une augmentation qui représente un tiers du tarif entier de LCN.
  Newsworld et RDI sont sûrement assez solides maintenant et bénéficient de suffisamment d'avantages réglementaires pour leur permettre de continuer à faire leur excellent travail sans dépenser temps et énergie à imposer des contraintes non pas seulement à des petits joueurs - Newsnet et LCN - mais, ce qui est plus grave, à restreindre le principe même d'accès aux nouvelles canadiennes ainsi que leur livraison, dans une société libre et démocratique.
  À mon avis, les principes de diversité de genre et de complémentarité mis de l'avant pour assurer la survie des services spécialisés canadiens à la naissance de cette industrie, ont été placés au-dessus du principe général de liberté de la presse pour des raisons réglementaires. Cette approche a été employée pour justifier les contraintes imposées à la livraison des nouvelles dans une industrie de radiodiffusion réglementée. C'était une approche valable il y a 7 ou 14 ans, mais à mon avis, elle ne s'applique plus au genre des nouvelles et doit être réévaluée par le Conseil.
1 Source: Mediastats, 31 août, 20001

Mise à jour : 2001-11-23

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