ARCHIVÉ - Ordonnance CRTC 2001-253

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Ordonnance CRTC 2001-253

  Ottawa, le 21 mars 2001
 

Le CRTC approuve, par vote majoritaire, les propositions tarifaires de Bell Canada visant à augmenter les tarifs de divers services locaux optionnels

  Référence : 8662-B2-05/00
1. Dans les ordonnances CRTC 2000-1148 et 2000-1149 du 18 décembre 2000, le Conseil a rejeté, par vote majoritaire, les avis de modification tarifaire 6523 et 6524 de Bell Canada. Dans ces avis, la compagnie proposait d'augmenter les tarifs de certaines fonctions d'appel et de forfaits connexes. Dans ses décisions, le Conseil s'est dit préoccupé par les revenus supplémentaires considérables que la compagnie pouvait générer si elle augmentait les tarifs des fonctions d'appel qu'il a approuvés depuis la mise en oeuvre du régime de plafonnement des prix. Il était également préoccupé par le degré de concurrence limité dans le marché de la téléphonie locale.

2.

Le 22 décembre 2000, Bell Canada a demandé, conformément à l'article 62 de la Loi sur les télécommunications et à la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications, que le Conseil révise et modifie les ordonnances 2000-1148 et 1149 de façon à approuver, à compter du 1er  février 2001, les changements initialement proposés dans les avis de modification tarifaire 6523 et 6524. Deux clients ont déposé des observations à l'appui des décisions du Conseil énoncées dans les ordonnances 2000-1148 et 1149.

3.

Bell Canada a fait valoir que le rejet de ses propositions tarifaires va à l'encontre des paramètres établis par l'actuel régime de plafonnement des prix et de toutes les décisions du Conseil relatives aux changements de prix des fonctions d'appel des entreprises de services locaux titulaires assujettis au régime actuel de plafonnement des prix. La compagnie a fait remarquer que, dans la décision Télécom CRTC 97-9 du 1er  mai 1997 intitulée Réglementation par plafonnement des prix et questions connexes, le Conseil avait intentionnellement exclu les services locaux optionnels de la formule de plafonnement des prix. Elle a ajouté que depuis janvier 1998, date d'entrée en vigueur du régime de plafonnement des prix, le Conseil a systématiquement approuvé des augmentations de prix à des fonctions d'appel proposées par un certain nombre de compagnies de téléphone titulaires.

4.

Bell Canada a déclaré que toutes ses propositions tarifaires étaient liées directement ou indirectement à des services dont le prix n'avait pas augmenté depuis 1994. La compagnie a ajouté que, sauf une petite exception, les tarifs proposés dans l'avis de modification tarifaire 6523 n'étaient pas supérieurs à ceux actuellement approuvés pour les autres compagnies de téléphone assujetties au régime de plafonnement des prix.

5.

Bell Canada a fait valoir qu'elle peut légitimement s'attendre à ce que le Conseil traite les majorations tarifaires proposées dans les avis de modification tarifaire 6523 et 6524 conformément au cadre réglementaire et aux pratiques du Conseil.

6.

Bell Canada a ajouté que les ordonnances 2000-1148 et 1149 sont fondamentalement incompatibles avec la décision du Conseil publiée moins d'un mois avant la mise en oeuvre de modifications au régime de contribution. La compagnie a fait remarquer que dans la décision CRTC 2000-745 du 30 novembre 2000 intitulée Modifications au régime de contribution, le Conseil a déterminé qu'à compter de 2002, il utiliserait un montant cible annuel fixe de contribution implicite de 60 $ par service d'accès au réseau aux fins du calcul des exigences de subvention annuelles applicables aux zones de desserte à coût élevé. La compagnie a soutenu qu'il est fondamentalement injuste de lui fixer une cible tout en lui refusant la souplesse voulue pour l'atteindre ou la dépasser.

7.

Bell Canada a également mis en doute la pertinence des raisons invoquées dans les ordonnances 2000-1148 et 1149 pour rejeter les propositions tarifaires de la compagnie. Celle-ci a fait remarquer que, dans la décision 97-9, le Conseil a décidé de ne pas plafonner les prix des services locaux optionnels parce qu'ils étaient facultatifs et qu'ils n'étaient pas basés sur le degré de concurrence locale. La compagnie a fait valoir que la décision 97-9 établissait un régime fondé sur la réglementation des prix et non sur la réglementation des revenus ou des bénéfices. À son avis, le fait que le Conseil s'attende à ce que l'augmentation des prix préalablement approuvés pour diverses fonctions d'appel génère d'importants revenus supplémentaires ne devrait pas justifier le refus des propositions tarifaires de la compagnie.

8.

Bell Canada fait remarquer que le régime de plafonnement des prix est fait de plusieurs règles complexes et interreliées et qu'il a été établi pour une période de quatre ans. La compagnie a soutenu qu'il ne conviendrait pas de changer une de ces règles ou de l'appliquer différemment à mi-chemin du processus. Elle a soutenu que si le Conseil décide de changer quand même le régime ou l'application de ses principes, il devra, pour des questions d'équité procédurale, exiger que ces changements pendant la période d'application du régime de quatre ans fassent l'objet d'une instance publique complète, y compris donner aux parties intéressées l'occasion de faire des observations.

9.

Bell Canada a fait valoir que, le cas échéant, la décision du Conseil correspondrait à une négation du principe de justice naturelle et à une erreur de droit. Elle a soutenu que le Conseil devrait appliquer les règles et les pratiques existantes en attendant qu'elles soient réexaminées, plutôt que changer les pratiques existantes en prévision d'un tel réexamen. Elle a soutenu qu'autrement, la position du Conseil est fondamentalement injuste.

10.

Bell Canada a conclu que, pour les raisons mentionnées ci-dessus, il existe un doute considérable quant à la rectitude des ordonnances 2000-1148 et 1149. La compagnie a fait valoir que ces ordonnances ne sont conformes ni au cadre ni aux pratiques établies par le Conseil et qu'elles minent donc la confiance et la prévisibilité des processus réglementaire et décisionnel du Conseil.

11.

Avant 1998, les prix des services locaux étaient établis en fonction des bénéfices des entreprises locales titulaires. Autrement dit, ils étaient fixés de façon à générer des niveaux spécifiques de revenus et de bénéfices jugés raisonnables par le Conseil. Dans la décision 97-9, le Conseil a établi un régime de plafonnement des prix applicable à compter du 1er janvier 1998, pour une période de quatre ans. Le but principal du régime de plafonnement est de réglementer les prix et non les revenus ou les bénéfices. Par conséquent, le Conseil estime que suivant le régime de plafonnement des prix, il ne convient pas de rejeter les propositions tarifaires en raison de leur impact prévu sur les revenus.

12.

Au paragraphe 142 de la décision 97-9, le Conseil a également déterminé que parce que les services locaux optionnels sont facultatifs, il était inutile d'établir une contrainte de tarification supérieure; il n'a jamais été question du degré de concurrence locale.

13.

Le Conseil convient avec Bell Canada que les ordonnances 2000-1148 et 1149 représentent une dérogation majeure et inattendue aux règles du régime de plafonnement des prix établies dans la décision 97-9 et des pratiques préconisées par le Conseil depuis la mise en oeuvre du régime. Le Conseil estime également que le rejet des augmentations tarifaires proposées pour les services locaux optionnels pourrait ne pas être conforme à la décision 2000-745 puisqu'il risque de priver la compagnie de la souplesse voulue pour atteindre l'objectif de contribution de 60 $.

14.

Le Conseil, par vote majoritaire, est donc d'avis qu'il existe un doute réel quant à la rectitude des ordonnances 2000-1148 et 1149. Il approuve les avis de modification tarifaire 6523 et 6524 de Bell Canada qui entrent en vigueur immédiatement.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca
 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Je suis en désaccord avec la majorité et j'aurais rejeté la demande de révision et de modification déposée par Bell Canada (Bell). Agir autrement c'est accepter une interprétation tant du fonds que de la forme du processus de demandes d'augmentation de tarifs des services optionnels qui, à mon avis, n'est pas seulement incorrecte, mais qui au moins jusqu'à ce que le régime actuel de plafonnement des prix soit réévalué, réduira de façon drastique la capacité du Conseil à remplir le mandat que lui confère la Loi. Les Canadiens s'attendent à ce que le Conseil assume ses responsabilités statutaires avec discernement, équité et pragmatisme. La décision de la majorité peut les amener à douter du réalisme de leurs attentes; la façon expéditive dont cette ordonnance a été traitée et finalisée peut, de plus, soulever quelque inquiétude.
  Le déroulement
  Du début à la fin, cette demande de révision et de modification a pris moins de trois mois. La question a été étudiée et votée dans les 30 jours suivant le dépôt de la demande, alors que beaucoup de demandes de révision et de modification nécessitent l'intervention de nombreuses parties et comportent souvent des étapes complémentaires telles que des demandes de renseignements. Je note, de plus, que la moyenne de temps de traitement de toute autre demande de révision et de modification au cours de l'année 2000 fut de 199,2 jours. Rappelons-nous l'antique maxime de cet esclave devenu auteur, Publilius Syrus : « rien ne peut être fait rapidement, hâtivement et prudemment ». Ayant décidé à la hâte, le Conseil pourrait regretter longtemps d'avoir pris une décision rapide qui risque de revenir le hanter souvent.
  Carte blanche
  La majorité a accepté l'interprétation imparfaite de Bell de ce qui pourrait être appelé « une aubaine réglementaire » entre le Conseil et les fournisseurs de services locaux assujettis au régime de plafonnement des prix. Par cette décision il a donné carte blanche aux fournisseurs de service locaux pour facturer, au prix qu'ils veulent, des services optionnels locaux tels que, le renvoi d'appel, l'appel en attente et la TéléRéponse. Dorénavant, le Conseil s'est réservé un seul rôle celui de protéger les intérêts de concurrents locaux pratiquement inexistants, un rôle qui m'apparaît de valeur douteuse. Il a abandonné les consommateurs canadiens en les laissant se débattre avec le coût des services optionnels, au moins jusqu'à ce que le régime actuel de plafonnement des prix prenne fin, et il a probablement cédé son pouvoir de réagir vite aux conditions changeantes d'un marché des télécommunications imprévisible.
  Une aubaine réglementaire
  Qu'est-il arrivé à cette réglementation du Conseil sur les prix des services discrétionnaires ou optionnels le 1er mai 1997, jour de publication de la décision CRTC 97-9? Selon le paragraphe 12 de la décision majoritaire d'aujourd'hui, « la contrainte de tarification supérieure » sur ce service a été rejetée inconditionnellement. Selon les mots même de la majorité, « il n'a jamais été question du degré de concurrence locale ». Si, selon ce paragraphe, la majorité dit qu'en vertu de cette aubaine réglementaire de plafonnement des prix établie dans la 97-9, il n'y a aucun rapport entre la tarification de services optionnels et l'état de la concurrence du marché, il a, à mon avis, émis une conclusion qui n'est pas plus étayée par l'histoire que par les dossiers.
  La concurrence était l'une des pierres angulaires de la nouvelle approche réglementaire du plafonnement des prix adoptée le 1er mai 1997, jour même de la publication de la décision CRTC 97-8 (97-8) qui, il est intéressant de le noter, était sous-titrée : LA CONCURRENCE LOCALE. Un communiqué officiel du CRTC, intitulé Feu vert à la concurrence en téléphonie locale accompagnait les deux décisions ainsi qu'une troisième autorisant les compagnies de téléphone à détenir des licences de distribution de radiodiffusion. La première phrase de ce communiqué se lit comme suit : « Par les décisions rendues publiques aujourd'hui par le CRTC, le marché canadien des télécommunications sera désormais entièrement ouvert à la concurrence. » Cette annonce d'un nouveau monde concurrentiel courageux fait référence « à une série de décisions ». La concurrence est le lien qui les soude, le but qui les stimule toutes les trois, incluant la 97-9. La deuxième phrase du communiqué du 1er mai se réfère tout particulièrement à la concurrence locale en ces termes : « Outre la possibilité de pouvoir choisir leurs fournisseurs de services interurbains, les consommateurs pourront maintenant opter pour le fournisseur de services téléphoniques locaux de leur choix ».
  À propos de cette nouvelle aubaine réglementaire du plafonnement des prix, contenue dans la 97-9, le communiqué du 1er mai énonce : « Parce que la concurrence stimulera les entreprises à innover davantage et à offrir de nouveaux services à des prix plus concurrentiels, le Conseil est d'avis qu'il devenait nécessaire de réviser le cadre réglementaire actuel. En outre, le Conseil considère qu'il était dans l'intérêt public d'assurer un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs, des compagnies de téléphone actuelles et des nouveaux concurrents. » Concurrentiels, concurrence, concurrents : trois variations sur un même thème dans deux phrases qui présentent le plafonnement des prix aux Canadiens. Un accident? Je pense que non.
  Recherche d'équilibre
  La majorité est dans le vrai lorsqu'elle déclare, au paragraphe 12 de sa décision, « Au paragraphe 142 de la décision 97-9, le Conseil a également déterminé que parce que les services locaux optionnels sont facultatifs, il était inutile d'établir une contrainte de tarification supérieure.. ». Mais la majorité se trompe, à mon avis, quand elle ajoute qu'il était « inutile » d'agir ainsi, parce que les services optionnels sont facultatifs et que « il n'a jamais été question du degré de concurrence locale ». Il n'était pas nécessaire d'agir ainsi, je le concède, mais précisément parce que le Conseil avait prévu que la concurrence elle-même ferait le travail.
  Le Conseil n'a pas abandonné les consommateurs dans la 97-9 comme la décision de la majorité menace de le faire aujourd'hui, il est simplement venu à la conclusion erronée que les consommateurs n'auraient besoin d'aucune protection en matière de prix plafonds des services optionnels, parce que cette protection leur viendrait naturellement du jeu des forces du marché concurrentiel. Pour assurer le maintien « d'un juste équilibre » des intérêts des intervenants auxquels se réfère le communiqué de presse du 1er mai 1997, le Conseil a mis en place une structure qui combine des mécanismes, à la fois réglementaires et concurrentiels destinés à équilibrer les pouvoirs. Ces mesures sont étayées par le mandat statutaire actuel du Conseil de garantir des tarifs « justes et raisonnables » et par son propre engagement à veiller aux « garanties des consommateurs » tel qu'énoncé au paragraphe 181 de 97-9.
  Dans le contexte du mandat que la Loi confère au Conseil et de ses attentes sur le déploiement de la concurrence locale, la 97-9 constitue en réalité une aubaine réglementaire, bien différente de la simple approche « sans limite » de tarification des services optionnels exposée dans le paragraphe 12 de la décision majoritaire. Pour protéger de nouveaux concurrents contre les prix d'éviction anticoncurrentiels, les demandes d'augmentation de tarifs doivent être accompagnées d'un test d'imputation prouvant que les tarifs proposés ne sont pas inférieurs aux prix de revient. Pour protéger les consommateurs, on a cru que les nouveaux concurrents couperaient les prix des services optionnels afin de gagner une part de marché. C'était « le juste équilibre » que le Conseil a cru atteindre dans la 97-9, un équilibre parmi des titulaires, des consommateurs et de nouveaux concurrents, maintenu par la combinaison des forces du marché et des règles contre les prix d'éviction.
  Les plans les mieux conçus
  La moitié de l'aubaine ou de l'équation concurrence/réglementation ne s'est malheureusement jamais matérialisée. Le test d'imputation exposé dans la 97-9 assure que les prix ne seront pas inférieurs aux prix de revient, mais la concurrence locale efficace ne s'est jamais concrétisée. À cet égard, selon Bell et la majorité, le non-développement de la concurrence locale a laissé aux consommateurs seulement deux possibilités en matière de services optionnels, en fait un vrai choix de Hobson : payer ou s'en passer. Ce n'est ni plus ni moins que le droit d'acquiescer ou de voter avec ses pieds; en vérité, cela veut dire aucune protection du tout. Ce serait en effet une triste constatation sur l'état de la réglementation d'intérêt public, si le Conseil renonçait à ses responsabilités en faveur des consommateurs.
  Mais il me semble pourtant qu'il s'agit bien là du message sous-jacent à la décision de la majorité. Le devoir légal d'assurer des tarifs « justes et raisonnables » et l'engagement de la décision 97-9 « de guaranties aux consommateurs » semblent tous les deux avoir été oubliés. La concurrence locale ne s'est pas suffisamment développée pour que les forces du marché puissent maintenir les tarifs de services optionnels à des taux raisonnables. Au lieu de s'imposer dans le dossier pour exercer son mandat dans l'intérêt public, la majorité a décidé de s'effacer. Les abonnés canadiens des télécommunications sont laissés à eux-mêmes. Bell a déclaré que les demandes précédentes ayant été approuvées, celle-ci devrait l'être aussi. La majorité est d'accord. Je ne le suis pas.
  Les tendances se développent lentement
  La décision de la majorité se réfère à ce que Bell caractérise comme « une attente légitime » c'est à dire le fait que d'autres demandes semblables ayant été approuvées, sa demande d'augmentation des tarifs de cinq fonctions d'appels (Appel en attente, Renvoi d'Appel, Mémorisateur, Conférence à trois, Sélecteur), tout comme celle des frais d'utilisation et des blocs de services optionnels, devrait l'être aussi. Dans sa demande de révision et de modification, lors d'une discussion sur la source de l'argument « d'attente légitime » Bell a noté que « depuis le début du régime de plafonnement des prix en janvier 1998, le Conseil a successivement approuvé les augmentations des prix des fonctions d'appel proposées par plusieurs compagnies de téléphone titulaires ».
  Quoique ses références aux habitudes de vote du Conseil sur des demandes d'augmentation de tarifs de services optionnels en vertu du plafonnement des prix aient été précises, les attentes de Bell Canada étaient prématurées. Le Conseil a approuvé toutes les demandes présentées mais pas automatiquement et, récemment, pas par des décisions unanimes. Il lui a fallu du temps pour réaliser qu'une tendance imprévisible se développait et qu'un système de tarification basé sur la conviction de l'imminence de la concurrence s'en allait à la dérive. Graduellement, il est apparu qu'à moins d'une intervention du Conseil pour protéger leurs intérêts, les consommateurs pourraient bientôt payer des prix exorbitants pour les services qui, bien que techniquement optionnels, leur soient devenus si familiers qu'ils finissent par les considérer comme partie du service de base. Il suffisait à Bell Canada de passer en revue la majorité des opinions minoritaires accompagnant les récentes ordonnances d'augmentation de tarifs pour réaliser que le Conseil était loin d'être unanime sur la question de la tarification des services optionnels.
  Au cours des mois passés, les conseillers ont pris conscience de l'émergence d'une nouvelle tendance. Au commencement, un ou deux conseillers ont manifesté leur intérêt en s'opposant à des demandes d'augmentation et en enregistrant leurs objections dans des opinions minoritaires. En décembre 2000, la majorité des conseillers sentant cette tendance se développer, a voté le rejet des demandes à l'origine de la présente procédure de révision et de modification. Bell condamne cette évolution ou progression comme « sapant la crédibilité et la prévisibilité du processus réglementaire ». Elle laisse entendre que le Conseil ne peut pas répondre aux tendances inattendues et déclare : « il y a peu de doute que les ordonnances (2000-1148 et 1149) établissent un nouveau principe ».
  Ce n'est que de la rhétorique bornée d'un avocat engagé. C'est, pour citer Shakespeare, « un récit.plein de son et furie, ne signifiant rien ». Les refus énoncés dans les ordonnances 2000-1148 et 1149 ont été rendus à la suite d'un processus qui a suivi les « règles et les pratiques » du Conseil. Il n'y avait aucun « nouveau principe » établi. L'orientation conférée par la Loi et les obligations de politique ont été respectées. Ce n'était pas un exercice de processus décisionnel ad hoc, tout au contraire. Le Conseil a identifié une tendance inquiétante, imprévue, en désaccord avec son mandat statutaire de garantir des tarifs « justes et raisonnables », une tendance qui avait grand besoin de l'exercice de son intention déclarée de veiller « aux garanties des consommateurs » et il a répondu. Il a rejeté les demandes d'augmentation des tarifs et il a déclaré que, « dans le cadre du prochain processus de révision du plafonnement des prix, il « examinerait de nouveau la tarification des services optionnels locaux. ».
  Considérons une autre possibilité
  Pour Bell, se plaindre de l'injustice d'un tel processus équivaut à déclarer que le Conseil n'a aucune juridiction pour intervenir dans les secteurs qu'il est chargé de réglementer conformément à la Loi. Quel est le choix? Selon Bell Canada, une fois que le Conseil a adopté une position il doit s'y tenir, indépendamment des circonstances, jusqu'à ce qu'il entame et termine un processus public pour examiner la situation en question : « Bien que le Conseil ne soit pas rigoureusement lié par ses propres décisions, quand il établit des règles comme il l'a fait dans ce cas pour une période prédéterminée de quatre ans, il doit s'y soumettre jusqu'à ce qu'il procède à la révision de ces règles lors d'un processus public ».
  La majorité semble avoir accepté l'interprétation de Bell Canada quant à la discrétion réglementaire : « le Conseil convient avec Bell Canada que les ordonnances 2000-1148 et 1149 représentent une dérogation majeure et inattendue aux règles du régime de plafonnement des prix établies dans la décision 97-9 et de la pratique du Conseil depuis la mise en oeuvre de ce régime ». Mais où en sommes-nous par rapport à d'une telle approche? Pour Bell et la majorité, il semble qu'une fois que le Conseil a adopté une série de décisions, il en soit prisonnier et doive servilement suivre la décision précédente jusqu'à ce qu'elle fasse l'objet d'évaluation et d'examen lors d'un processus public.
  Je suis en profond désaccord avec une telle interprétation du pouvoir discrétionnaire du Conseil de réglementer des questions de tarification, en particulier quand, tel que noté précédemment, la section 27 de la Loi sur les télécommunications (« tarifs justes et raisonnables ») et le paragraphe 181 de la 97-9 (« garanties aux consommateurs ») ordonnent au Conseil d'exercer sa discrétion dans l'intérêt public. Même si je devais accepter les réticences de Bell Canada et de la majorité, je ferais remarquer, néanmoins, que les ordonnances CRTC 1148 et 1149 passent le test. Dans ces ordonnances, le Conseil a non seulement rejeté les demandes d'augmentation des tarifs, mais il de plus précisé : « Le Conseil entend donc réexaminer la tarification des services locaux optionnels dans le cadre de la prochaine instance portant sur l'examen du régime de plafonnement des prix ». À mon avis il n'avait pas besoin d'aller si loin mais l'ayant fait, il a passé le test de Bell et a percé la véritable motivation du lancement public de ce processus de révision et de modification.
  Donnez-nous l'argent
  Cette demande ne concerne pas la pratique, le processus, l'équité ou la loi naturelle. C'est une question d'argent. Bell veut les millions de dollars qui sont en jeu. Elle n'est pas satisfaite de devoir mettre en attente ses projections de revenus, pendant que se déroule ce même processus public qu'elle a exigé comme condition nécessaire au changement. Il ne s'agit pas non plus de clarifier pourquoi ses demandes de tarification sont justifiées. En prenant l'approche qu'aucune justification n'est exigée, que tout ce qu'il y a à faire est de demander et de déposer ce qui, à mon avis, n'est que la moitié du fardeau de preuve requise en vertu du plafonnement des prix (afin de démontrer que la tarification n'est pas anticoncurrentielle), Bell discute de droit absolu. En acceptant cette approche, la majorité se retrouve pratiquement sans rôle réglementaire et les consommateurs canadiens sans protection d'aucune sorte, sauf de renoncer au service.
Si Bell Canada a raison, comme le suggère la décision de la majorité, le Conseil n'a pas d'autre option que d'approuver une proposition, que personnellement je rejette, et qui laisse les Canadiens dans l'embarras. Le système de tarification des services optionnels les laisse sans défense face à une montée excessive des prix. Si c'est ainsi que l'on a développé le plan de 1997 pour équilibrer les intérêts des intervenants, il est temps de citer à nouveau les maximes de Publilius Syrus : « c'est un mauvais plan qui n'admet aucune modification ». J'aurais commencé le processus de modification précisément de la façon établie dans les ordonnances que conteste la présente procédure de révision et de modification, en rejetant les augmentations de tarifs et en réexaminant toute la question de tarification lors du prochain examen de plafonnement des prix.
  1 Statistiques internes du CRTC.
2
Maxime 557, traduction de Darius Lyman.
3 Voir la décision 1997-9.
4
Paragraphe 12 de la décision majoritaire.
5
Avis public CRTC 1997-49.
6
Communiqué de presse du 1er mai 1997, page 2.
7
Loi sur les télécommunications [S.C. 1993, c.38] article 27(1) « Tous les tarifs doivent être justes et raisonnables. »
8 Décision CRTC 1997-9, paragraphe 181. Dans ce paragraphe le Conseil établissait une procédure rapide de traitement des demandes de tarifs en précisant qu'il scruterait ces demandes de façon à s'assurer, « s'ils respectent tous les critères du Conseil concernant les questions telles que le test d'imputation, les garanties aux consommateurs et la protectiom de la vie privée. »
9
Paragraphe 5 de la décision majoritaire.
10 Demande de Bell Canada (22 déc. 2000), paragraphe 15.
11
Voir par exemple les ordonnances CRTC 2000-674, 2000-675 et 2000-654.
12
Demande de Bell Canada (22 déc. 2000), paragraphe 36.
13
Id., paragraphe 37.
14
Macbeth, V, v, 27.
15
Ordonnances CRTC 2000-1148 et 1149, paragraphe 3.
16
Demande de Bell Canada (22 déc. 2000), paragraphe 31.
17
Paragraphe 13 de la décision majoritaire.
18
Ordonnances 2000-1148 et 1149, paragraphe 3.
19
Bell Canada a déposé confidentiellement les montants précis.
20
Maxime 469.

Mise à jour : 2001-03-21

Date de modification :