Décision CRTC 2001-534

Ottawa, le 31 août 2001

Abstention de réglementation des services des entreprises de services locaux titulaires offerts à l'extérieur de leur territoire

Référence : 8640-T42-01/00

Sommaire de la décision

Dans la présente décision, le Conseil approuve une demande de TELUS Communications Inc. visant à obtenir une abstention de réglementation de certains des services que la compagnie offre en dehors de son territoire d'exploitation habituel.

De plus, comme l'ont demandé d'autres entreprises de services locaux titulaires, cette décision s'appliquera à toutes les compagnies de téléphone que le Conseil réglemente.

Le Conseil conservera ses pouvoirs afin de continuer à protéger les renseignements confidentiels sur les clients et les concurrents et il gardera les pouvoirs nécessaires pour assurer la protection contre la préférence indue ou la discrimination.

Les garanties réglementaires que le Conseil a établies - y compris la base tarifaire partagée, les prix plafonds et les règles relatives au groupement - devraient limiter les risques d'interfinancement et assurer un environnement concurrentiel pour les services de télécommunication offerts au Canada.

Historique

1. TELUS Communications Inc. (TCI) regroupe TCI, TELUS Communications (B.C.) Inc. (TCBC) et TELUS Mobility Cellular Inc. (TMCI). TMCI offre dans diverses régions du Canada, des services sans fil faisant l'objet d'une abstention. Avec l'achat récent de Clearnet Communications Inc., TMCI entend exploiter, à titre d'entreprise de services locaux concurrente (ESLC), à l'extérieur de son territoire d'exploitation habituel en Colombie-Britannique et en Alberta.

2. Depuis le début de la concurrence dans les services de télécommunication, le Conseil a autorisé les grandes compagnies de téléphone à livrer concurrence aux autres fournisseurs. Le Conseil s'est également abstenu de réglementer les services offerts par les compagnies de téléphone dans les marchés concurrentiels quand il jugeait que les compagnies ne dominaient pas ces marchés.

L'instance

3. Le 17 avril 2000, TCI a demandé au Conseil de s'abstenir de réglementer les services fournis par l'entité fusionnée dans les régions géographiques situées à l'extérieur du territoire d'exploitation de TCI et de TCBC comme entreprises de services locaux titulaires (ESLT).

4. TCI a réclamé la même portée d'abstention de réglementation des services hors territoire que le Conseil a accordée dans les trois décisions suivantes :

Ces décisions d'abstention s'appliquent respectivement :

5. Dans une lettre du 25 mai 2000, Bell Canada, au nom de Island Telecom Inc., Maritime Tel & Tel Limited, MTS Communications Inc., NBTel Inc., NewTel Communications Inc. et Saskatchewan Telecommunications (collectivement, Bell Canada et autres), a demandé que les conclusions du Conseil concernant la demande de TCI s'appliquent également aux autres compagnies de téléphone qu'il réglemente, quand elles fournissent des services à l'extérieur de leur territoire d'exploitation habituel.

6. En réplique, le Conseil a publié l'avis public CRTC 2000-98 du 14 juillet 2000 intitulé Appel d'observations sur une abstention visant les compagnies de téléphone à l'extérieur de leur territoire habituel. L'avis 2000-98 a permis de cerner deux questions :

  1. faut-il s'abstenir de réglementer les services offerts hors territoire; et
  2. les garanties réglementaires du Conseil suffiront-elles à freiner les pratiques anticoncurrentielles quand une compagnie de téléphone fournit des services faisant l'objet d'une abstention à l'extérieur de son territoire.

7. Bell Canada et autres et TCI ont été désignées parties à cette instance. Le Centre pour la défense de l'intérêt public, au nom d'Action Réseau Consommateur, l'Association des consommateurs du Canada, la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec et l'Organisation nationale anti-pauvreté (ARC et autres), Canada Payphone Corporation (CPC), GT Group Telecom Services Corp. et le commissaire à la concurrence ont également participé à l'instance.

Positions des parties

Bien-fondé de l'abstention

8. TCI a soutenu que le Conseil devrait s'abstenir de réglementer les services hors territoire fournis par une ESLT parce qu'une ESLT n'est pas dominante à l'extérieur de son territoire d'exploitation habituel. TCI a fait valoir que la demande d'abstention est conforme aux objectifs de politique de la Loi sur les télécommunications (la Loi), que les marchés des services fournis par les ESLT à l'extérieur de leur territoire habituel sont suffisamment concurrentiels pour protéger les intérêts des utilisateurs et qu'une abstention ne menacerait nullement le maintien de la concurrence dans le marché.

9. TCI a rappelé que les questions soulevées sont les mêmes, que l'examen de l'abstention concerne des services offerts à l'intérieur ou à l'extérieur d'un territoire. De plus, TCI a soutenu qu'une ESLT fournissant des services hors territoire ne serait pas dominante puisqu'elle livrerait concurrence dans le territoire habituel d'une autre ESLT, ainsi qu'à d'autres concurrents.

10. Le commissaire à la concurrence convient que les preuves des requérantes indiquent qu'elles n'ont pas d'emprise sur le marché ou qu'elles ne contrôlent pas les installations goulot à l'extérieur de leurs régions géographiques habituelles et qu'il n'existe aucun obstacle financier, technologique ou réglementaire à l'entrée dans le marché de la fourniture de services sur ligne métallique. Le commissaire à la concurrence appuie donc la demande de TCI. Il fait valoir que le Conseil devrait, conformément à l'article 34(1) de la Loi, s'abstenir de réglementer les services offerts à l'extérieur du territoire des compagnies de téléphone.

11. Group Telecom a fait valoir que la demande de TCI n'est pas une demande d'abstention, parce que, si la demande était rejetée, TCI pourrait continuer d'offrir, sur une base d'abstention, les services offerts par ses affiliées.

Pertinence des garanties en matière de concurrence

12. ARC et autres, CPC et Group Telecom craignaient que les ESLT obtiennent un avantage sur le plan de la concurrence en utilisant des services généraux et ses ressources de gestion partagés pour fournir des services hors territoire à un coût inférieur à celui de leurs concurrents. ARC et autres recommandent donc au Conseil de s'abstenir de réglementer, sous condition, et d'ordonner aux ESLT de garder des registres sur le partage des coûts d'exploitation (comme la publicité et les programmes d'information aux consommateurs) entre une ESLT et ses affiliées/divisions.

13. ARC et autres ont également fait valoir que l'abstention de réglementation pour les services à l'extérieur du territoire des compagnies devrait être conditionnelle à la protection des renseignements confidentiels sur les clients, conformément à la législation fédérale, y compris la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

14. CPC a recommandé au Conseil de surveiller les transferts possibles de financement entre les composantes segments Services publics et Services concurrentiels des ESLT et de s'assurer que toutes les ententes entre des ESLT concernant les téléphones payants soient résiliées.

15. TCI a fait valoir que, dans sa décision Télécom CRTC 94-19 du 16 septembre 1994 intitulée Examen du cadre de réglementation, le Conseil a déterminé que les garanties d'établissement du prix de revient, le test d'imputation, la base tarifaire partagée et le régime de plafonnement des prix constituaient des garanties adéquates sur le plan de la concurrence pour les ESLT qui fournissent des services réglementés et des services concurrentiels.

16. TCI a soutenu que les services hors territoire seraient attribués au segment Services concurrentiels de la base tarifaire partagée, ce qui empêcherait l'interfinancement, par le segment Services publics, des services hors territoire fournis par la compagnie. Par conséquent, TCI a fait valoir que les conditions que proposent ARC et autres et CPC sont superflues. De l'avis de TCI, plus les services deviennent concurrentiels, moins les compagnies de téléphone ont d'occasions d'interfinancer les services concurrentiels et le Conseil pourrait utiliser les pouvoirs que lui confère l'article 27(2) de la Loi pour régler les cas de discrimination injuste ou de préférence indue.

17. Bell Canada et autres ont fait valoir que si le Conseil approuve la demande, il conservera les pouvoirs que lui confèrent les articles 27(2), 27(3) et 27(4) de la Loi pour régler les allégations de discrimination injuste ou de préférence indue. De plus, le Conseil conserverait ses garanties concurrentielles, comme les méthodes comptables de la Phase III/base tarifaire partagée, le test d'imputation test et les règles relatives au groupement.

18. Le commissaire à la concurrence a fait valoir que les garanties concurrentielles réduisent la possibilité et la tentation d'interfinancer le segment Services concurrentiels par le segment Services publics, de sorte que les grandes compagnies de téléphone sont moins portées à se livrer à une tarification anticoncurrentielle, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur territoire habituel. Le commissaire à la concurrence a précisé que le Conseil devrait continuer d'exercer certains pouvoirs que lui confèrent les articles 24, 27(2), 27(3) et 27(4) de la Loi.

Conclusions

19. Dans plusieurs décisions récentes, le Conseil s'est abstenu d'exercer certains pouvoirs réglementaires concernant les services mobiles sans fil, Internet de détail et intercirconscriptions offerts directement par une ESLT, à l'intérieur et à l'extérieur de son territoire.

20. Le Conseil fait remarquer que les ESLT désignées parties à cette instance (Bell Canada et autres et TCI) ont des affiliées ESLC qui offrent des services sur une base d'abstention, aux termes de la décision 97-8 du Conseil. Conformément à la décision 98-8, une affiliée de l'ESLT pourra désormais offrir également des services de téléphone payants sur une base d'abstention à l'extérieur de son territoire et livrer concurrence à d'autres ESLT. De plus, plusieurs affiliées des ESLT se sont inscrites comme des entreprises non dominantes aux termes de la décision 95-19 et elles offrent des services sur une base d'abstention, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire habituel d'une ESLT affiliée.

21. Dans cette instance, les ESLT ont demandé au Conseil de s'abstenir de réglementer certains services identifiés au paragraphe 4 ci-dessus, quand ces services sont fournis par les ESLT à l'extérieur de leur territoire géographique habituel.

22. Au cours de l'instance, aucune partie n'a contesté le fait que les ESLT n'ont pas de pouvoir de marché à l'extérieur de leur territoire d'exploitation habituel puisqu'elles livreront concurrence à l'ESLT ainsi qu'à d'autres entreprises.

23. Le Conseil est d'avis que si une compagnie exploitant à titre d'ESLT dans son territoire local fournit des services locaux en dehors de son territoire d'ESLT, elle devrait être considérée comme une ESLC. Dans ce cas, elle devait être assujettie au cadre réglementaire applicable à une ESLC, lequel est énoncé surtout dans la décision 97-8. En outre, si elle offre des services locaux de téléphone payants à titre d'ESLC, elle devrait être assujettie au cadre réglementaire établi dans la décision 98-8. Les décisions d'abstention énoncées dans les décisions 97-8 et 98-8 s'appliqueront à la fourniture de services à titre d'ESLC par une compagnie qui autrement exploite à titre d'ESLT, et les décisions d'abstention énoncées dans la présente ne s'appliquent pas à ces services.

24. Les ESLT ont également demandé au Conseil de s'abstenir de réglementer les services pour lesquels, dans la décision 95-19, il a accordé une abstention à d'autres entreprises non dominantes. Ces services seront appelés plus loin « les services en question ».

25. ARC et autres, CPC et Group Telecom craignaient que les ESLT puissent obtenir un avantage sur les concurrents parce qu'elles peuvent partager les coût des services généraux et des ressources de gestion et offrir des services hors territoire à des coûts inférieurs à ceux des concurrents. ARC et autres ont donc recommandé au Conseil de s'abstenir de réglementer, sous condition, et d'ordonner aux ESLT de maintenir des registres de partage des coûts entre l'ESLT et l'affiliée/la division pour les activités comme la publicité et les programmes d'information aux consommateurs.

26. CPC a recommandé que le Conseil surveille les transferts de financement possibles du segment Services concurrentiels par le segment Services publics de l'ESLT, et qu'il s'assure que toutes les ententes entre ESLT concernant les téléphones payants soient résiliées.

27. Le Conseil est d'avis que les mesures proposées sont superflues et que les garanties concurrentielles en place, comme les prix plafonds, la base tarifaire partagée, le test d'imputation et les règles relatives au groupement suffisent à empêcher les comportements anticoncurrentiels et à prévenir l'interfinancement.

28. Pour ce qui est de la recommandation de Group Telecom que le Conseil rejette la demande de TCI en raison d'allégations de violations antérieures de règles et d'ordonnances du Conseil, ce dernier fait remarquer que les questions soulevées par Group Telecom ont été abordées ou réglées et que l'argument de Group Telecom est sans fondement.

29. Le Conseil estime que les services en question offerts par les ESLT à l'extérieur de leur territoire habituel devraient être assujettis au même cadre réglementaire que celui qui s'applique aux services fournis par des entreprises concurrentes, c'est-à-dire que les services en question devraient êtres assujettis au même degré d'abstention que celui énoncé dans la décision 95-19 pour les entreprises non dominantes.

30. Conformément à l'article 34(1) de la Loi, le Conseil juge, comme question de fait, que dans la mesure énoncée ci-dessous, s'abstenir de réglementer les services en question fournis par les ESLT en dehors de leur territoire habituel est conforme aux objectifs de la politique canadienne de télécommunication énoncés à l'article 7 de la Loi. De plus, conformément à l'article 34(2) de la Loi, le Conseil estime en effet que les services en question offerts par les ESLT à l'extérieur de leur territoire habituel feront l'objet d'une concurrence suffisante pour que les intérêts des utilisateurs soient protégés.

31. Conformément à l'article 34(3) de la Loi, le Conseil estime également qu'une telle abstention ne nuirait pas de façon indue au maintien ou à l'établissement d'un marché concurrentiel dans les services faisant l'objet d'une abstention.

32. Conformément à l'article 34 de la Loi, le Conseil s'abstient donc d'exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent les articles 24 (en partie), 25, 29, 31, 27(1) et les articles 27(5) et 27(6) de la Loi pour ce qui est des services en question fournis par les ESLT à l'extérieur de leur territoire habituel, dans la mesure énoncée ci-dessous.

33. Le Conseil continuera d'exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent les articles 27(2) et 27(4) de la Loi pour ce qui est des questions liées à l'accès aux réseaux des entreprises concurrentes ainsi qu'à la revente et au partage de leurs services.

34. Le Conseil estime qu'il faut conserver l'article 27(3) de la Loi pour ce qui est des services en question, parce que cet article fait référence aux articles pour lesquels le Conseil continuera d'exercer ses pouvoirs et fonctions, ainsi que l'article 34 comme tel et l'article 40, qui ne figure pas sur la liste des articles énumérés à l'article 34.

35. Le Conseil conserve les pouvoirs que lui confère l'article 24 de la Loi afin de pouvoir assujettir les services en question offerts par les ESLT en dehors de leur territoire aux mêmes conditions qu'il a prescrites pour les services touchés par la décision 95-19, à l'exception de la condition relative aux ententes d'entreprises étrangères qui ne s'applique plus.

36. Par exemple, les ESLT fournissant les services en question doivent respecter les exigences d'inscription énoncées dans la décision 95-19. Les conditions actuelles concernant la divulgation de renseignements confidentiels à des tiers continueront de s'appliquer. De même, le Conseil conserve les pouvoirs que lui confère l'article 24 de la Loi d'imposer les conditions qu'il juge nécessaires.

37. Le Conseil ordonne donc que, conformément à l'article 34(4) de la Loi, prenant effet maintenant, les articles 24, 25, 27, 29 et 31 de la Loi ne s'appliquent pas aux services en question fournis par les ESLT à l'extérieur de leur territoire habituel parce que ces articles ne sont pas compatibles avec les conclusions tirées dans la présente décision.

Secrétaire général

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